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Sur le terrain

Retour sur… Les 30 ans du Groupement pour l’emploi des probationnaires

Sur le terrain | publié le : 24.01.2017 | Véronique Vigne-Lepage

NÉ IL Y A 30 ANS À LYON, le Groupement pour l’emploi des probationnaires accompagne chaque année quelque 800 détenus ou sortants de prison du Rhône, de l’Ain et de la Loire. Grâce à un réseau de 200 entreprises, il affiche environ 50 % d’accès direct à l’emploi et un taux de récidive en chute par rapport à la moyenne. Aussi, il s’organise pour essaimer.

En 1986, les services lyonnais de la Justice, devant le constat que les obligations de travail accompagnant les condamnations peinent à aboutir, faute d’employeurs sensibilisés, créent le Groupement pour l’emploi des probationnaires (Grep). « Dès le début, des personnes issues du monde économique ont été associées, explique François Lapierre, actuel président de l’association, jusqu’à représenter la quasi-totalité des administrateurs [Ndlr : avec des représentants du Barreau]. » Quatre ans après, une Entreprise de travail temporaire d’insertion (ETTI), Grep Insertion, était créée, « pour avoir une filière intégrée ».

Le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) adresse environ 800 personnes par an au Grep. La moitié d’entre elles sont encore en prison et ont un projet d’aménagement ou de fin de peine. Les autres sont libérées mais, soit ont une mise à l’épreuve (les probationnaires), soit n’ont pas encore répondu à l’obligation de recherche d’emploi – qui remplace depuis 1990 celle de travailler.

Une première rencontre avec l’un des 21 conseillers d’insertion du Grep, en prison ou dans les 48 heures après la libération, vise surtout à évaluer la motivation de la personne.

Lever les obstacles

Il s’agit aussi de repérer les difficultés (fréquentes) de mobilité, de santé, etc., pouvant être des freins à l’emploi, à faire traiter par d’autres structures. Dans un contrat signé avec son conseiller, la personne s’engage à le rencontrer deux puis une fois par semaine, et à faire les démarches décidées ensemble. Dans près de 50 % des cas, elle est suffisamment proche de l’emploi pour être placée directement ou via Grep Intérim (75 % d’emplois ordinaires, le reste en contrats aidés). Pour les autres, il faut chercher le module de préparation à l’emploi ou de formation adapté.

« Pôle emploi et les agences d’intérim classiques utilisent les mêmes moyens, mais pour des milliers de gens, explique Yves Roméas, administrateur, ancien président, et directeur QSE de l’industriel Aldes (jusqu’à sa retraite, récente). Les conseillers du Grep, eux, sont très disponibles. » Ils disposent d’un réseau de 200 entreprises motivées par leur humanisme ou… par l’accès à des marchés à clause d’insertion. Yves Roméas, l’un de ces humanistes, a été démarché il y a vingt ans par un entrepreneur administrateur du Grep. Depuis, il le fait à son tour et a permis l’accueil de deux à quatre anciens détenus, en permanence, sur les sites d’Aldes à Lyon. La sensibilisation d’employeurs par des pairs est assortie d’une visite de prison : « Cela permet de comprendre d’où viennent ces personnes, leur envie de sortir, la violence vécue, la nécessité de rembourser la partie civile, la coupure avec la famille, explique-t-il. Cela a toujours porté ses fruits. Nous le proposons aussi aux managers appelés à les encadrer. » Pour Yves Romeas, l’intérêt du Grep est aussi pour les entreprises : le conseiller présélectionne les candidats, peut argumenter auprès du Spip pour que les horaires du bracelet électronique soient adaptés à ceux de travail, fait un point régulier avec le salarié et son tuteur. L’accompagnement dure en moyenne quinze mois.

Intégration réussie

Les employeurs bénéficient de retours d’expérience. « Les anciens détenus ne sont pas à des postes adaptés, explique Yves Roméas. Il faut simplement veiller à ne pas les regrouper dans un même atelier. » Dans la majorité des cas, le passé pénitentiaire du salarié n’est connu que de son encadrant direct. Celui-ci peut prendre l’avis du conseiller du Grep, par exemple en cas de retards répétés.

Si Aldes, à l’activité saisonnière, emploie toujours ces personnes en CDD, la société Bourdin, PME de peinture de 50 salariés, en compte 10 % dans son effectif permanent. La conviction de la dirigeante, Nicole Berger, date de vingt ans : « Nous voulions avoir un autre projet que simplement peindre des cloisons, lance-t-elle. Et nous n’avons pas plus d’ennui avec ces personnes qu’avec d’autres. » Celles-ci sont systématiquement formées et encadrées par un salarié expérimenté, y compris par le premier probationnaire embauché par Bourdin, il y a seize ans. « Il faut juste être plus sévère sur les règles, la ponctualité, etc., poursuit-elle. Il ne faut pas jouer au béni-oui-oui pour instaurer un rapport de confiance. » Selon Nicole Berger, qui a fait visiter la prison même à ses secrétaires, tout l’effectif est fier de cette action. Pour François Lapierre qui, dans sa société d’électricité M2R, propose aux « Grep » le même processus d’intégration qu’aux jeunes en alternance, « c’est un révélateur de la capacité de l’entreprise à accueillir ».

Même si l’association connaît des échecs, sa plus grande réussite est l’impact sur la récidive : « Si la sortie n’est pas préparée, le taux moyen de récidive est de 60 % dans les cinq mois, assure François Lapierre. Il tombe à 20-25 % en cas d’aménagement de peine, et à 7 % s’il y a en plus un suivi du Grep ! » C’est pourquoi elle va développer son action. Dans un premier temps, elle demande à la Direccte l’autorisation d’étendre l’action de Grep Intérim, pour l’heure limitée au Rhône, à ses antennes locales, créées il y a huit et neuf ans, de Bourg-en-Bresse et de Saint-Étienne. Par ailleurs, Grep Intérim est transformée en SAS : « Ainsi, explique le président, si elle fait des dividendes, elle pourra pallier la baisse des subventions publiques au Grep. » Le projet est aussi de créer de nouveaux services, dont certains pouvant faire l’objet de prestations de service aux entreprises. Enfin, un centre de formation pourrait être créé, dans les dix ans, pour les professionnels souhaitant monter un Grep dans leur région.

Auteur

  • Véronique Vigne-Lepage