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L’enquête

Formation : Qualité : La course au référencement

L’enquête | publié le : 24.01.2017 | Laurent Gérard

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Formation : Qualité : La course au référencement

Crédit photo Laurent Gérard

Depuis le 1er janvier, tous les organismes de formation sont invités à renseigner une base de données nationale créée par les Opca pour attester de leur qualité. Les prestataires, contraints, regardent l’affaire avec grande méfiance ; les responsables formation craignent une complexification de leur travail et de leurs relations financières avec leur collecteur ; d’autres affirment que ce ne sera pas suffisant pour construire la qualité.

Plus de 800 dossiers déposés dès le 3 janvier, 1 000 deux jours plus tard, 6 400 en fin de semaine dernière… Les organismes de formation se précipitent vers le datadock, cet entrepôt de données sur lequel les financeurs leur demandent d’apporter des preuves de leur qualité pédagogique (lire p. 21). Parler de ruée serait peut être excessif, n’empêche les organismes de formation semblent estimer qu’il vaut mieux y être que pas. Avec une bonne et solide raison : s’ils n’y sont pas au 1er juillet prochain, ils risquent de ne plus bénéficier de financements des Opca, du Fongecif… Une menace qui a de quoi motiver : rester en dehors du datadock demandera un certain goût pour le risque et des nerfs d’acier.

C’est la puissance d’Internet qui permet une telle opération, née de la réforme en cours. La loi du 5 mars 2014 confie à tous les financeurs de la formation professionnelle la responsabilité du suivi et du contrôle de la qualité des organismes de formation avec lesquels ils travaillent, pour améliorer la transparence de l’offre de formation et favoriser une montée en charge progressive de la qualité des actions de formation.

Six critères

Son décret d’application du 30 juin 2015 définit six critères qui permettent de juger de la qualité des prestations proposées. Ces critères ont pour vocation d’améliorer la lisibilité de l’offre, d’inciter les prestataires de formation à donner davantage d’informations utiles aux financeurs et aux bénéficiaires, notamment sur les résultats obtenus aux examens et l’accès à l’emploi. Il s’agit également d’accroître la capacité de l’offre de formation à s’adapter aux besoins du public à former.

En vertu de ce décret, les financeurs doivent s’assurer de la qualité de l’offre, soit sur la base d’une attestation d’un label qualité reconnu par le Conseil national de l’emploi et de la formation, soit au travers d’une procédure interne respectant les critères. Et cette procédure (mutualisée par tous les Opca sauf le Fafsea de l’agriculture), c’est le passage par le datadock.

« Grâce à l’ergonomie du site, les prestataires de formation pourront décrire très précisément comment ils répondent aux exigences du décret qualité et joindre toutes les pièces justificatives », expliquait récemment à nos confrères de Centre Inffo Stéphanie Lagalle, directrice générale d’Opcaim, Opca de l’industrie métallurgique, et également présidente de D2OF, Datadock Organismes de formation, le groupement d’intérêt économique qui réunit Opca et Fongecif pour gérer ce service de référencement. « Par exemple s’il s’agit de vérifier qu’ils ont bien un programme de formation, nous nous assurons que ce dernier est accessible en ligne, mais nous ne jugerons pas de la qualité du programme. Ce n’est pas le rôle de datadock, même si c’est celui des financeurs. » Une fois inscrits dans le datadock, les prestataires seront (ou pas) référencés par chaque Opca pour bénéficier de financements. Les financeurs estiment que cette procédure est un moindre mal que personne n’a intérêt à voir échouer, car une prochaine réforme sera peut-être plus radicale encore (lire p. 24).

Du côté des prestataires de formation, l’idée d’un “Big Brother” n’est pas loin. Jean Wemaere, président de la Fédération de la formation professionnelle, interroge : « Que sera-t-il fait de ces données ? Que sera la procédure de référencement ? ». Philippe Cusson, président du Sycfi, un des deux syndicats de formateurs indépendants, prévient avoir « reçu beaucoup de questions et perçu une inquiétude légitime de la part de nos adhérents ».

Complexification

Du côté des acheteurs, Thierry Vaudelin, directeur formation et gestion des talents chez Manpower, et longtemps acteur important au sein du Groupement des animateurs et responsables formation en entreprise (Garf), craint « une complexification supplémentaire des relations administratives et financières avec les Opca », et il se demande si « l’obligation d’utiliser les organismes de formation référencés par chaque Opca ne va pas contraindre les responsables formation, et leur faire perdre tout intérêt à verser des fonds libres à leur collecteur ».

Enfin, Bernard Masingue, consultant associé à Entreprise & personnel, et observateur de longue date du marché de la formation, voit dans ce montage une logique qui n’épuisera pas la question de la construction de la qualité : « Contrôler administrativement l’amont et les prestataires n’est pas suffisant, c’est l’aval et les compétences des responsables formation d’entreprises qu’il faut fortifier pédagogiquement. » Sur ce point, tout le monde se rejoint.

Une genèse qui tient du hasard

La genèse du datadock tient du hasard. Lors de la navette parlementaire sur la loi de réforme, les sénateurs ont voulu imposer aux organismes de formation une obligation d’agrément d’État pour contrôler leur qualité. La naissance du CPF, notamment, leur faisait craindre que les Français soient abusés par des prestataires douteux voire sectaires.

Le gouvernement n’a pas suivi cette piste et a inscrit dans la loi que ce contrôle reviendrait aux financeurs et qu’un décret le préciserait. Plus d’un an plus tard, c’est bien à ces derniers que le décret « refile le bébé » : il met en avant l’idée d’un référencement par les financeurs, en reprenant les indicateurs très classiques des labels, mais il ne pose pas la question du process qualité d’un service coconstruit (si l’apprenant n’est pas impliqué, l’action est vaine). Les financeurs décident de construire un référentiel commun pour éviter l’émiettement de grilles de référence différentes : ce sont les indicateurs du datadock, avec un traitement allégé pour les titulaires d’un label qualité retenu par le Cnefop.

Auteur

  • Laurent Gérard