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Inaptitude des salariés : Le régime s’assouplit

Zoom | publié le : 17.01.2017 | Rozenn Le Saint

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Inaptitude des salariés : Le régime s’assouplit

Crédit photo Rozenn Le Saint

Pour réduire les contentieux, la loi Travail simplifie la procédure de licenciement pour inaptitude, ainsi que la recherche de solutions d’adaptation de poste ou de reclassements. Le nouveau cadre est en vigueur depuis le 1er janvier.

Jusqu’à présent, dans les faits, une déclaration d’inaptitude aboutissait au licenciement dans 95 % des cas. La procédure était particulièrement complexe. Le but de la réforme n’est pas tant de diminuer le nombre de licenciements pour inaptitude, mais au moins d’alléger la déclaration. Pour éviter les litiges, l’article 102 de la loi Travail simplifie donc cette procédure.

L’employeur pourra rompre le CDI ou résilier le CDD d’un salarié déclaré inapte s’il justifie de son impossibilité à proposer un emploi, du refus par le salarié de l’emploi proposé ou si, dans l’avis du médecin du travail, figure la mention expresse que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Dans ce dernier cas, « l’employeur n’a ni plus ni moins de devoirs de reclassement en cas d’inaptitude. Simplement, la loi l’exonère de rechercher un reclassement en cas de risques psychosociaux, notamment », traduit Fabrice Locher, directeur adjoint de l’ACMS, service interentreprises de santé au travail francilien.

Lors des débats sur la loi Travail, les professionnels de la santé au travail craignaient la suppression de la visite de reprise après un arrêt maladie de plus de trente jours : elle est finalement maintenue. À son issue, le médecin du travail établira s’il est nécessaire d’aménager ou d’adapter son poste ou encore, de reclasser le salarié. Il ne délivrera plus d’avis d’aptitude à proprement parler : le salarié est présumé apte au service, sauf si un avis d’inaptitude est émis. À la place, des recommandations sur l’avenir du salarié dans l’entreprise seront émises.

Étude de poste

À compter du 1er janvier 2017, un membre de l’équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail doit donc dans ce cas avoir réalisé une étude de poste et échangé à ce sujet avec le salarié et l’employeur. Le nouveau texte permet au médecin ou à un membre de son équipe de proposer directement des mesures d’aménagement du poste de travail : par exemple, l’achat d’un siège ergonomique, ou encore l’adaptation des tâches à accomplir aux capacités du salarié, notamment. Pour autant, la responsabilité des propositions de postes de reclassement reste du ressort de l’employeur, dont la recherche est orientée en fonction des indications des professionnels de santé au travail.

Si à l’issue de ces échanges, le médecin du travail constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail n’est possible et que l’état de santé du travailleur justifie un changement de poste, l’inaptitude peut être constatée, après une seule visite. Le délai de quinze jours précédemment obligatoire entre les deux visites étant source de contentieux – nullité du licenciement prononcé après une seule visite ou en cas de non-respect du délai de deux semaines entre les deux visites – la procédure est simplifiée, comme l’avaient demandé les médecins du travail. « Je ne vois pas en quoi la situation pouvait évoluer en quinze jours. Une seule visite suffit, cela relève du bon sens », estime également Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH.

Au final, les licenciements pour inaptitude pourront être déclarés plus rapidement, et en même temps, la procédure forcera les échanges du médecin du travail avec l’employeur et les salariés. Cela sonne la fin des avis d’inaptitude succincts, qui obligeaient la direction à revenir vers le médecin du travail pour obtenir des compléments d’informations. « L’idée est de supprimer l’étape d’aller-retour pour les employeurs qui devront présenter les postes envisagés pour le reclassement », estime Marion Ayadi, avocat associé au cabinet Raphaël Avocats. « Jusqu’à présent, 60 % des avis d’inaptitude se faisaient sans étude de poste », constate par ailleurs Jacques Darmon, médecin du travail à l’hôpital de l’Hôtel-Dieu, à Paris.

Consultation des délégués du personnel

Autre nouveauté de la loi, l’employeur devra consulter les délégués du personnel au sujet des offres de reclassement en cas d’inaptitude. Auparavant, c’était seulement le cas quand l’inaptitude était d’origine professionnelle. Cette origine, parfois difficile à faire reconnaître, n’est plus prise en compte pour déterminer si la saisine des DP est nécessaire ou non. De la même façon, l’employeur devra dans tous les cas exposer au salarié par écrit les raisons pour lesquelles un reclassement est jugé impossible, qu’il souffre d’une maladie d’origine professionnelle ou non. Idem, la loi prévoit que le médecin du travail puisse formuler des indications sur l’aptitude du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté, que l’inaptitude soit d’origine professionnelle, comme c’était déjà le cas auparavant, ou non professionnelle. « Cela unifie et simplifie la procédure », traduit Philippe Rogez, avocat associé au cabinet Raphaël Avocats. La distinction de l’origine de la pathologie n’a plus lieu d’être, seul l’état du salarié compte afin d’éviter de multiplier les différentes procédures et de simplifier la démarche de reclassement.

Une réforme de la contestation unanimement contestée

C’est le volet raté, la grande déception de la réforme. Avant la loi, la contestation de l’avis d’inaptitude se réglait en envoyant un courrier à l’inspection du travail dans un délai de deux mois. À compter du 1er janvier 2017, l’employeur ou le salarié devront saisir le conseil des Prud’hommes en référé. Résultat, « c’est beaucoup plus impressionnant, les salariés contesteront encore moins », anticipe Jacques Darmon, médecin du travail. Déjà, le rapport Issindou rendu en mai 2015, qui a posé les grandes lignes de la modernisation de la médecine du travail, indiquait que seuls 0,016 % des avis rendus faisaient l’objet d’une contestation. Ce même rapport préconisait de mettre en place une commission régionale composée de médecins en cas de contestation. « Cela aurait permis de déjudiciariser le contentieux et d’éviter que les décisions soient prises par un inspecteur du travail, seul », regrette Philippe Rogez, avocat associé au cabinet Raphaël Avocats.

Surtout, « les prud’hommes sont déjà embouteillés et les conseillers, non professionnels, n’ont pas de compétences en contentieux médical », regrette Jean-Michel Sterdyniak, secrétaire général du Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST). « On ne sait pas en quoi les Prud’hommes sont davantage compétents que les inspecteurs du travail sur des sujets médicaux », confirme Marion Ayadi, avocate associée au cabinet Raphaël Avocats. Une question reste en suspens : qui paiera les frais d’expertises médicales aux Prud’hommes ? Le texte reste très vague. Jusqu’à présent, la procédure était gratuite.

Auteur

  • Rozenn Le Saint