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Chronique

Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 17.01.2017 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Temps de travail ou tant de travail ?

Un des entretiens qui m’ont le plus marqué à l’époque où j’étais jeune sociologue fut celui au cours duquel un senior travaillant dans un supermarché m’expliqua qu’il était nostalgique des années 1970.

À cette époque, il travaillait 48 heures par semaine (au lieu de 35 heures désormais), mais il se sentait plus heureux au travail, notamment parce qu’il y avait plus de temps collectifs et de « temps morts », au cours desquels les salariés échangeaient entre eux et avaient une véritable vie sociale au travail.

Cet entretien m’avait fait sentir à quel point le lien entre bien-être et temps de travail s’avére plus complexe que ce que l’on pourrait croire. David Angrave et Andy Charlwood, chercheurs dans les universités de York et Loughborough, ont précisément lancé en Angleterre une étude longitudinale sur le lien entre temps de travail, sur ou sous-travail et bien-être perçu par les salariés. Quelles sont leurs principales conclusions ?

Ils notent tout d’abord qu’un temps de travail élevé (plus de 50 heures par semaine) n’affecte pas directement le bien-être perçu par les salariés. Autrement dit, ceux qui travaillent le plus ne sont pas forcément les plus malheureux. On peut imaginer que les gens passionnés par leur travail, ceux qui ont de fortes responsabilités et ceux qui ont fait leur le slogan sarkozyste « travailler plus pour gagner plus » ne se plaignent pas de travailler plus que les recommandations de l’OIT (Organisation internationale du travail).

Le bien-être et le sentiment de satisfaction faiblissent en revanche à la fois chez les salariés qui travaillent plus et ceux qui travaillent moins d’heures qu’ils ne le désiraient. C’est donc la capacité à travailler grosso modo le nombre d’heures visées qui rend la vie plus belle et le travail plus satisfaisant.

L’étude de David Angrave et Andy Charlwood est particulièrement intéressante car elle ne s’arrête pas là. Nos deux chercheurs ont aussi voulu savoir si cet effet négatif du surtravail et du sous-travail sur le bien-être était éphémère ou bien durable. Il apparaît que, globalement, les salariés parviennent à s’habituer au fait de travailler plus ou moins d’heures que ce qu’ils le désiraient, si bien que leur sentiment de bien-être ne diminue pas longtemps. Par exemple, ceux qui s’estiment en sous-travail retrouvent leur niveau de bien-être initial en moins d’un an. Sans doute parce qu’ils se rendent compte qu’il y a aussi du bon à travailler moins qu’auparavant. En revanche, quand la situation de surtravail dure plus de deux ans et demi, les salariés ne voient pas leur niveau de bien-être revenir à la normale, il reste faible. Autrement dit, ils sont prêts à travailler plus que prévu pendant quelques mois, à condition que cette situation ne s’éternise pas.

Conclusion : les salariés sont prêts à travailler plus pour faire face à un « coup de bourre » ; mais attention à ne pas tirer sur la corde trop longtemps ! Plus globalement, les DRH devraient proposer un temps de travail à la carte pour rendre leurs salariés heureux. Suivant le cycle de vie, le salaire et le contexte familial, il y a des gens qui souhaitent travailler plus et d’autres qui souhaitent travailler moins. Reste à savoir comment mettre une telle révolution culturelle en place !

Auteur

  • Denis Monneuse