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Mobilité : Des transports alternatifs pour améliorer l’accès a l’emploi et le bien-être au travail

L’enquête | publié le : 03.01.2017 | Rozenn Le Saint

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Mobilité : Des transports alternatifs pour améliorer l’accès a l’emploi et le bien-être au travail

Crédit photo Rozenn Le Saint

Pour développer l’emploi dans les zones urbaines sensibles et enclavées, faciliter la mobilité représente un enjeu clé des politiques économiques territoriales. Cela le devient aussi pour les entreprises soucieuses de qualité de vie au travail et de responsabilité sociale.

La mobilité a été repérée comme le vecteur de fracture sociale le plus préoccupant du rapport 2015 du Secours catholique. Cet état des lieux de la pauvreté en France estimait que 6 à 8 millions de Français peinaient à sortir du parcours du combattant de la mobilité, notamment pour trouver un emploi. « Les transports en commun sont primordiaux pour fluidifier l’emploi. Les personnes sans qualification habitent souvent en grande banlieue et subissent cette double peine dans leurs recherches et accès à l’emploi », déplore Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (Fnaut).

« Les horaires irréguliers, qui imposent de se déplacer à 4 heures du matin de banlieue à banlieue, obligent à être autonome pour ses déplacements or, quand on est payé au Smic, ce n’est pas évident », confirme Damien Desjonqueres, vice-président et représentant de Total au sein du Laboratoire de la mobilité inclusive(1), qui organise ses quatrièmes rencontres le 18 janvier à l’Assemblée nationale. 12 % des zones urbaines sensibles ne sont desservies par aucun mode de transport. « Lorsqu’elles le sont, les transports publics peuvent parfois proposer des fréquences ou des amplitudes horaires inadaptées », déplore lui-même le ministère de la Ville sur son site. Mais des solutions de covoiturage et de voiture de transport avec chauffeur (VTC) solidaires émergent pour désenclaver les quartiers (lire p. 22).

Garages solidaires

Parmi les personnes en insertion interrogées pour l’enquête Mobilité, insertion et accès à l’emploi, 40 % n’avaient pas de voiture, contre 18 % en moyenne(2). Résultat, une personne en insertion sur deux a déjà refusé un travail ou une formation pour des problèmes de mobilité. Et parmi les heureux propriétaires, leur véhicule a 11,2 ans en moyenne, contre 8,7 ans pour l’ensemble des Français. D’où l’importance des aides à l’entretien des Garages solidaires comme celui du Hainaut (Nord), fondé par Soufiane Iquioussem. Depuis, il a essaimé dans toute la France : 14 se sont développés en tissant des partenariats avec Norautau, PSA ou Transdev.

Autre souci, la moitié des personnes en insertion interrogées ne possèdent pas la fameuse carte rose. « Exiger que les candidats aient le permis de conduire représente souvent la solution facile pour attester de leur mobilité, assure Nicole Bréjou, le responsable du département partenariat de Pôle emploi. Les employeurs prennent cela comme une garantie. » Pourtant, le permis ne fait pas tout. 14 % des personnes que l’association Wimoov remet sur le chemin de l’emploi le sont grâce aux transports en commun. Encore d’autres solutions alternatives existent, mal connues côté recruteurs, mais aussi côté chômeurs, tels que le covoiturage, l’autopartage de type Autolib’ ou le transport à la demande (lire p. 22). « Il est nécessaire de les faire connaître auprès des demandeurs d’emploi pour qu’au moment des entretiens, ils soient en mesure de les proposer à l’employeur pour le rassurer », poursuit-elle.

Mobilité facilitée en zone rurale

Un Français sur deux habite en dehors des zones urbaines, où l’offre de transports en commun est moins dense. La plateforme de covoiturage Blablacar et l’agence Manpower ont pris conscience du problème et ont noué un partenariat pour faciliter la mobilité des salariés intérimaires en zones rurales en décembre dernier. Il prévoit leur mise en relation via l’application mobile de Manpower connectée à la plateforme de Blablacar. À chaque mission, les intérimaires peuvent proposer les places disponibles dans leur voiture, partager ainsi les frais du trajet et faciliter la mobilité des non-motorisés.

Même si les salariés des services à la personne parcourent souvent des kilomètres entre deux domiciles à visiter en campagne, la Mission locale de Dijon lance une expérimentation avec la Fédération française des services à la personne et de proximité (Fédésap) de prêt de deux-roues électriques. « Huit employeurs sur dix dans le domaine exigent le permis de conduire, or il y a un déficit de recrutements côté entreprise », affirme Pascal Richard, délégué de la région Bourgogne-Franche-Comté de la Fédésap. La solution du vélo électrique, qui ne demande pas une condition physique particulière et permet de se déplacer sur des distances plus conséquentes que sans assistance électrique, est apparue comme évidente. Grâce aux financements de la Maison de l’emploi et de la formation professionnelle (Mefp), du Conseil régional et de la Fondation Macif, la location d’un vélo à assistance électrique revient à 65 euros par mois à la structure qui le met à disposition des volontaires… qui restent à convaincre.

Plans de déplacements

L’enquête du Laboratoire de la mobilité inclusive révèle que quatre employeurs sur dix ont rencontré des difficultés à pourvoir un poste pour des questions de transport. Reste que leur proactivité diminue à mesure que le chômage augmente (lire aussi l’entretien p. 25).

En revanche, la question commence à émerger dans le cadre des politiques de qualité de vie au travail (QVT). Une entreprise sur deux intègre les risques de burn-out ou de problèmes familiaux liés aux déplacements répétés ou de longue durée de ses salariés dans sa politique de gestion des déplacements, selon l’enquête menée pour le Forum vies mobiles(3). « Les déplacements liés au travail ou les déménagements occasionnent de la fatigue et du stress », commente Sylvie Landrière, directrice du Forum vies mobiles. L’enquête montre la volonté des employeurs de s’en préoccuper davantage à l’avenir, notamment en mettant en place des plans de déplacements d’entreprise (PDE) ou des plans de déplacements interentreprises (PDIE, lire p. 23).

Pour faire avaler la pilule d’un déménagement, il ne faut pas négliger l’amélioration des accès au transport. En 2008, en regroupant à Villeneuve d’Ascq (Nord) l’ensemble des 2 005 collaborateurs des fonctions support jusqu’alors éparpillés dans Lille, Auchan a obtenu de la métropole un arrêt de bus à 200 mètres de l’entrée du site. De quoi faciliter la venue des 150 salariés qui ont opté pour le transport en commun afin de rejoindre la banlieue de la capitale nordiste.

Le géant de l’hypermarché a mis en place un vélopôle avec des prêts de 20 deux-roues depuis la station de métro la plus proche. Mais la solution qui a remporté le plus de succès est « la plateforme de covoiturage interne qui a séduit un salarié sur dix. Ses adeptes bénéficient d’une place de parking à l’entrée du site en récompense. Une application sera développée début 2017 pour en faciliter encore l’accès », souligne Véronique Gaucher, directrice des services généraux du site d’Auchan.

Chez Humanis, « les fusions engendrent des déplacements de personnels, des ouvertures de sites et des postes en doublon, admet Ludovic Lézier, son DRH. Pour développer l’entreprise sur l’ensemble de l’Hexagone et parce qu’un poste coûte moins cher en province qu’à Paris, l’entreprise vise à transférer 400 postes depuis l’Ile-de-France vers les régions d’ici à 2018, voire 2020. » En 2016, 45 personnes se sont portées volontaires après avoir visité leur future ville avec leur famille ainsi que leur lieu de travail, participé à des opérations « Vis ma vie » de quelques jours et obtenu des aides pour leur déménagement. Avec un droit de retour d’une durée de six mois si leur nouvelle vie loin de Paris ne leur convient pas.

S’agissant des trajets entre domicile et travail, Humanis rembourse 60 % de la carte de transports en commun et cofinance un quart de l’achat des vélos électriques. La société a organisé une plateforme de covoiturage qui a fait ses preuves pendant les pics de pollution de décembre dernier en région parisienne, avec 250 inscrits sur 2 500 salariés franciliens. Et ce, « dans l’optique de diminuer de 15 % le bilan carbone de l’entreprise d’ici à 2018 », indique Vincent Camour, le directeur du développement durable. Car, après la QVT, le transport fait aussi son apparition dans les politiques de responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

Le transport, troisième poste de dépense des Français

Le manque de moyens financiers représente le premier frein à la mobilité, selon l’enquête Auxilia 2013. Un constat qui n’a rien d’étonnant quand on sait que le transport occupe en France le troisième poste de dépense des ménages : en 2015, les Français y ont consacré en moyenne 4 300 euros par an, soit 360 euros par mois, ce qui équivaut à 11 % de leur budget. Même si cela dépend de leur lieu d’habitation, à Paris ou ailleurs, essentiellement. Avec seulement 0,8 voiture pour un ménage habitant dans la capitale, il y consacre moins d’argent et « peut plus facilement modérer l’utilisation de son véhicule en utilisant les transports en commun » note l’Insee. D’autant plus que son employeur est tenu de financer à hauteur de 50 %. Un ménage vivant en milieu rural possède deux fois plus de véhicules : 1,6 en moyenne. La voiture reste utilisée quotidiennement par près de trois quarts des Français, selon le baromètre Sofinco 2016. Sept actifs sur dix se rendent à leur travail en voiture, contre moins de 15 % qui utilisent les transports en commun.

Le Laboratoire de la mobilité inclusive rassemble des acteurs publics et privés impliqués dans le domaine, comme l’Ademe, la Croix-Rouge française, la Fondation agir contre l’exclusion (Face), Pôle emploi, Keolis, Wimoov, etc.

Enquête réalisée par le cabinet Auxilia, à la demande de Voiture & co (devenu Wimoov) et de Total, auprès de 699 Français en insertion (chômeurs et allocataires du RSA), 167 structures accompagnatrices (Missions locales, CCAS, Pôle emploi, etc.) et 165 entreprises et administrations.

Think tank de la SNCF, enquête réalisée auprès de 340 DRH en septembre 2015.

Auteur

  • Rozenn Le Saint