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L’enquête

Fouad Benseddik directeur des méthodes et des relations institutionnelles de Vigeo Eiris

L’enquête | L’interview | publié le : 13.12.2016 | Virginie Leblanc

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Fouad Benseddik directeur des méthodes et des relations institutionnelles de Vigeo Eiris

Crédit photo Virginie Leblanc

« Les entreprises les plus vertueuses construisent des plans de progrès avec leurs fournisseurs et leurs sous-traitants »

Dans une étude* publiée en juin, Vigeo Eiris observe que des marges de progrès très importantes restent à combler pour que les droits humains, sociaux et environnementaux soient pris en compte dans la gestion des chaînes d’approvisionnement et de sous-traitance internationales. Quels constats faites-vous ?

Les engagements en faveur de la gestion responsable de la chaîne d’approvisionnement restent l’angle mort du reporting RSE des entreprises. Elles fournissent des informations sur de nombreux items comme ceux de la qualité des produits et services, les performances environnementales, l’éthique des affaires, la prévention de la corruption, les droits de l’homme, les conditions de sécurité, etc. Mais à côté de tous ces sujets, le chaînon le moins bien renseigné est celui de la chaîne d’approvisionnement. Nous observons que les entreprises rendent compte de leur sphère d’activité directe, dans leur pays d’implantation, mais beaucoup moins de ce qui se passe dans leur chaîne de valeur, et notamment dans les territoires de pays en développement. Il existe en quelque sorte une “perte en ligne” de l’information liée à son périmètre de consolidation.

Pourquoi cette faiblesse ?

Les raisons sont multiples. Tout d’abord, la pression des parties prenantes reste limitée pour les entreprises opérant en B to B. En revanche, celles dont les activités sont majoritaires en B to C sont beaucoup plus attentives au risque de réputation. Autre explication : les exigences de gouvernance de l’entreprise. Quand la direction des achats n’est pas responsabilisée sur la RSE ou que les filiales ou les dirigeants ne sont pas eux-mêmes évalués, incentivés sur ces sujets, ils ne vont pas se sentir responsables.

Ensuite, on trouve parfois une limite dans le champ d’intervention du risk management. Lorsque ces services établissent une cartographie des risques, ils pondèrent ceux-ci en fonction de l’impact matériel pour l’entreprise, en termes de perte de chiffre d’affaires ou de marchés, ou de grosses atteintes à la réputation. Souvent, des erreurs sont commises dans la pondération des risques. Par exemple, les risk managers peuvent être tentés de veiller davantage à la qualité et à la continuité de l’approvisionnement et sélectionner des fournisseurs sans trop se préoccuper de leur capacité à se conformer aux exigences sociales et éthiques. En outre, ils ont un horizon de temps limité, de deux à trois ans, là où des risques stratégiques peuvent avoir des incidences matérielles importantes à moyen terme. Enfin, les entreprises sont souvent amenées à devoir gérer des injonctions paradoxales : acheter le moins cher possible et en même temps prendre en compte la RSE à la demande de leur direction. Sans surprise, c’est souvent la dimension RSE qui sera minorée.

Malgré tout, certaines entreprises ont construit de bonnes pratiques, que vous évoquez dans votre rapport…

Oui, les entreprises vertueuses que nous avons identifiées appartiennent à différents secteurs et sont de diverses nationalités. Ce qui les différencie des autres, c’est d’abord leur stratégie managériale de la gestion des risques. Elles étendent leur référentiel de gestion des risques à l’ensemble de leur sphère d’activité, elles affichent des engagements très précis de respect des principes RSE. Ces entreprises considèrent que la vulnérabilité de leurs fournisseurs et de leurs sous-traitants les concerne directement. Elles établissent une cartographie et identifient les parties prenantes les plus fragiles. Elles sont alors en mesure de mettre en place une revue des risques, des procédures de prévention, et des audits de due diligence (de leur sphère d’influence, NDLR).

Pour certaines, la démarche va plus loin que la prévention : elles accompagnent leurs fournisseurs et leurs sous-traitants dans des démarches de progrès social et environnemental et construisent des plans de progrès avec eux. D’un côté, les fournisseurs peuvent améliorer leurs pratiques sociales et le bien-être de leurs salariés, de l’autre, les donneurs d’ordre sécurisent leur approvisionnement et valorisent leur démarche RSE. C’est une logique gagnante pour les deux partenaires. Dans notre classement, les top performers sont les entreprises qui déploient cette logique proactive.

Où les entreprises françaises se situent-elles ?

Elles sont les plus avancées au monde sur ces sujets. Cela s’explique : elles ont été tenues de rendre compte de leurs engagements RSE par la loi et elles ont une tradition de négociation d’accords-cadres internationaux, qui couvrent souvent un territoire allant au-delà des maisons mères. Elles sont aussi sensibles à la notation sociale et aux exigences formulées par les investisseurs.

• Étude portant sur près de 1 300 entreprises cotées dans les pays industrialisés (Amérique du Nord, Asie-Pacifique et Europe).

Auteur

  • Virginie Leblanc