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L’enquête

Néa : Le secret d’une gestion RH au plus près

L’enquête | publié le : 06.12.2016 | Hubert Heulot

Nea, vaste entreprise adaptée près de Chambéry, emploie majoritairement des salariés handicapés, dont la moitié sont atteints de troubles psychiques. Cette scop explique sa performance économique par le savoir-faire particulier de son service RH.

À ce jour, 82 % des salariés de Néa, une entreprise adaptée sous statut de scop, sont atteints de handicaps, la moitié physiques, l’autre psychiques. En 2003, année de sa naissance, la société comptait trente-cinq employés et 500 000 euros de chiffres d’affaires. En 2015, elle enregistrait 5,5 millions d’euros de chiffres d’affaires, avec 220 salariés en CDI, et jusqu’à 350 en comptant les CDD et les stagiaires. Un succès sur dix ans, grâce à la construction d’un « business model innovant » et à « une démarche de croissance », selon son président Denis Simiand.

« Spécialisés au départ dans la sous-traitance industrielle, nous nous sommes diversifiés dans la propreté, le bâtiment, l’imprimerie, la communication graphique, les services informatiques, comme l’installation d’ordinateurs, le test des logiciels et progiciels : toutes activités de main-d’œuvre, précise le président. Mais le moteur de notre performance économique réside dans celle de notre service RH constitué de quatre personnes à plein-temps. Là où, dans une entreprise normale, il n’y en aurait qu’une, deux en m’y incluant. »

Dans le quotidien, comme sur le long terme, la préoccupation centrale de l’entreprise est de s’adapter à chacun. La première tâche de Mélanie Thomas, la nouvelle responsable du service RH, âgée de 24 ans, est, avec ses trois collègues, de surveiller quotidiennement et très attentivement la disposition au travail des salariés. Chaque matin, elles passent saluer dans les ateliers. Cette tournée est hebdomadaire sur les chantiers extérieurs, à Aix-les-Bains, à Grenoble, à Lyon, à Saint-Étienne, des villes où elles disposent d’un bureau pour recevoir les salariés désireux de leur parler.

Dans la journée, il leur faut souvent désamorcer les tensions entre salariés qui peuvent stopper le travail, et notamment les incompréhensions avec les chefs d’équipes, handicapés eux aussi pour la moitié d’entre eux. « Un changement mal anticipé, pas amené correctement à leur connaissance, et les salariés peuvent s’en trouver vite froissés et s’absenter sans autre justification », indique Mélanie Thomas, qui pointe un taux d’absentéisme de 14 %.

Connaître les problématiques de chacun

« Nous faisons très attention à eux et à leur handicap », confirme Ghislaine Bailly, déléguée CGT et responsable d’une ligne de production employant sept salariés qui mettent en sachet des petites pièces électriques ou pour l’automobile. L’un d’eux, atteint d’un trouble autistique léger, travaille très bien, mais ne doit surtout pas être bousculé.

« Pour beaucoup d’employeurs, le handicap est un frein à l’embauche : pas chez nous, résume Mélanie Thomas. Mais, pour cela, nous avons besoin de connaître les problématiques de chacun. » Dès le recrutement, l’objectif de la responsable RH est de tenter de débusquer les contre-indications au travail. Une tâche d’autant plus délicate que le secret médical lui interdit d’interroger les salariés sur leur handicap ; et que les personnes atteintes de handicaps psychiques sont très souvent réticentes à évoquer et à avouer leur état.

Ayant de grands besoins, Néa reçoit tous les candidats possibles. Elle les teste tous, à l’occasion d’un stage durant une ou deux semaines. Deux préoccupations dominent : éviter d’attribuer des charges trop lourdes, et prévenir les difficultés de relations avec les collègues comme avec les clients. En terme d’attribution d’occupations, la multispécialités de Nea permet de s’adapter aux possibilités de chacun. Ainsi, d’ex-travailleurs du bâtiment se retrouvent réaffectés au lavage de vitres en solitaire, une activité qui leur convient mieux désormais.

Néa doit aussi une partie de son efficacité et de son succès à deux choix très particuliers. Non seulement, elle joue un rôle élargi : « Ces personnes atteintes de troubles psychiques ont, en général, un grand besoin d’écoute qui nous prend beaucoup de temps. Ils sont souvent sans amis, sans famille. Nous les aidons jusque dans leurs papiers personnels », explique Mélanie Thomas.

Mais, de plus, elle a décidé de faire entrer à son capital les personnes intéressées au premier chef : c’est ainsi que parmi la cinquantaine de sociétaires la moitié sont handicapés.

Repères

Activité

Entreprise adaptée.

Effectif

220 salariés en CDI et jusqu’à 350 en comptant les CDD et les stagiaires, dont 80 % de travailleurs handicapés.

Chiffre d’affaires 2015

5,5 millions d’euros.

Auteur

  • Hubert Heulot