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Airbus investit dans le leadership

Zoom | publié le : 29.11.2016 | Catherine Sanson-Stern

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Airbus investit dans le leadership

Crédit photo Catherine Sanson-Stern

Airbus a inauguré, le 19 septembre, sa “leadership university” à Toulouse. Elle se veut un lieu d’expérimentation et d’exposition de ses leaders de tous niveaux à la culture du changement et de l’innovation.

Rien moins que 36 millions d’euros ont été investis par Airbus pour construire sa nouvelle leadership university, inaugurée mi-septembre dernier. Un investissement financé partiellement – à hauteur de 10 millions d’euros – par la vente de deux sites de formation du groupe aéronautique : l’Airbus Business Academy à Blagnac et le domaine de Villepreux près de Bordeaux. La somme investie traduit l’importance des enjeux que le groupe Airbus loge dans cette nouvelle université du leadership de ses salariés.

« Pour savoir si nous avions besoin d’un lieu physique pour notre leadership university, nous avons commencé par un benchmark d’autres compagnies dont General Electric, Safran, L’Oréal… – et, finalement, nous avons répondu oui, explique Thierry Baril, le directeur des ressources humaines d’Airbus Group. Nous voulons investir sur tous les moyens permettant de faire évoluer nos leaders vers ces capacités nouvelles qu’on attend pour l’avenir. » Une stratégie résumée par Tom Enders, patron du groupe, dans son discours d’inauguration : « Nous avons besoin de leaders qui ont la curiosité d’apprendre de nouvelles choses, la créativité pour impulser le changement pour notre business, nos clients et notre compétitivité. »

Ce site de Toulouse est donc le nouveau navire amiral d’une plate-forme mondiale comprenant cinq autres sites ouverts depuis l’an dernier : à Marignane, à Madrid (Espagne), à Hambourg, à Munich (Allemagne) et à Pékin (Chine). L’ensemble de ces six sites est susceptible d’accueillir 20 000 salariés par an, pour suivre un module de formation complet, un atelier, une conférence, une séance de coaching ou de mise en situation. Et rien que dans cette nouvelle entité toulousaine, la capacité d’accueil annuelle devrait être de 12 000 à 15 000 personnes. Cet ensemble sera complété, selon les besoins, par des universités éphémères avec le même environnement physique et le même contenu, n’importe où en Asie du Sud-Est, aux États-Unis, en Amérique latine ou en Angleterre.

Un réseau de plus de 200 intervenants

Concrètement, le site toulousain se fond dans le paysage industriel environnant, non loin du siège, de l’usine d’assemblage de l’A380 et des pistes de l’aéroport. Une fois le hall d’entrée passé, le lieu fermé sur lui-même tel un cloître frappe par sa tranquillité. Au centre, une piazza arrondie avec des dalles, de l’herbe, du bois, des arbres, des bancs, et parcourue par un cours d’eau artificiel. Tout autour, de larges baies vitrées surmontées de centaines de lames d’aluminium torsadé laissent deviner une bibliothèque, un restaurant de 150 couverts, un centre de conférence avec une jauge de 1 000 personnes, un lounge avec un baby-foot et des canapés, une douzaine de salles avec des fauteuils et des poufs colorés. À l’extérieur : un potager, des espaces pour jouer au basket, au volley, au foot ou courir… Une tour domine le site de 4,5 hectares, accueillant un hôtel de 150 chambres et un sky bar aux lignes épurées.

D’un point de vue pédagogique, l’université peut recourir à un réseau de plus de 200 intervenants extérieurs sélectionnés : formateurs, coachs, facilitateurs, experts… Le catalogue sur les activités de développement est accessible sur l’intranet à tous les employés, après discussion avec le manager. Seuls cinq programmes pour le haut management nécessitent une présélection par le manager et le service des ressources humaines. Et comme l’université vise à ouvrir les horizons des participants en les exposant à des milieux qui ne ressemblent pas à leur quotidien chez Airbus, des learning expeditions dans des start-ups alentours sont également prévues.

Les officiels d’Airbus insistent particulièrement sur le fait que cette leadership university est ouverte à tous les niveaux hiérarchiques, du top management aux agents de maîtrise, et à toutes les divisions. « Ce n’est plus un endroit pour les happy few, mais pour tous les gens ayant un rôle d’animation d’équipe quelle qu’elle soit, affirme le DRH Thierry Baril, passé par General Electric tout comme la directrice de l’université : l’Écossaise Kerrie Ann Stein-Goujon (lire ci contre). L’idée est de les préparer à un style de leadership qui évolue, et pas seulement chez Airbus : on aplatit les organisations, on réduit les niveaux hiérarchiques, on redonne du pouvoir aux hommes et aux femmes qui font l’organisation. On est moins dans le vertical où on donne des ordres, mais plus dans la conviction, l’explication, l’écoute. On veut que nos leaders deviennent plus des coachs que des managers. »

De nouvelles façons de manager

Illustration de cette volonté de changement : le campus accueillera également les équipes qui fonctionnent désormais sur le modèle de l’“entreprise libérée”, un peu partout dans l’organisation. Ainsi, les pionniers d’un groupe en pleine transformation ont lancé, fin octobre, Pulse, un projet « visant à insuffler de nouvelles façons de manager, moins hiérarchiques, plus collaboratives, amener les salariés à plus d’autonomie et de responsabilisation, explique Françoise Vallin, déléguée syndical centrale pour la CFE-CGC. La leadership university devra œuvrer pour que les changements de Pulse se passent au mieux ».

La construction de cette leadership University vise donc à faire réaliser au groupe un saut culturel important, alors même qu’en 2009, lors de sa première enquête sur l’engagement des salariés, beaucoup d’entre eux s’étaient plaints de leurs relations avec leur encadrement intermédiaire.

Pour autant, et malgré le niveau d’investissement financier(1), la fréquentation de l’université n’aura rien d’obligatoire. Airbus ne s’est pas fixé d’objectifs chiffrés de fréquentation, mais estime, qu’au sein d’un parcours de manager, il est normal de faire des formations au leadership. L’entreprise assure d’ailleurs qu’il y a plutôt plus de demandes que d’offres.

Au-delà du coût du lieu, le DRH Thierry Baril précise que le leadership représente 20 % de l’effort de formation du groupe Airbus, soit environ 20 millions d’euros sur un budget total de 100 millions d’euros. Un niveau maintenu depuis 2012, grâce à l’optimisation des ressources permise par la montée en puissance de l’e-learning. Ce dernier concernera 50 % du plan de formation en 2017, affirme le DRH.

Kerrie Ann Stein-Goujon directrice de la leadership university

« Rendre chaque individu de plus en plus autonome »

« L’idée de l’université est de rendre chaque individu de plus en plus autonome sur son développement personnel, insiste Kerrie Ann Stein-Goujon, directrice de la leadership university. Tout le monde peut venir sans s’annoncer, faire une session de feedback avec quelqu’un de son équipe ou de codéveloppement à deux ou trois… Nous sommes à côté du siège de façon à ce que le top management puisse venir prendre la température de ce qui se passe, échanger, être régulièrement exposé aux salariés de tous niveaux et leur expliquer la stratégie. Dans ce lieu convivial et détendu, on souhaite que les titres hiérarchiques s’effacent. L’esprit de notre site, comme, par exemple, la bibliothèque inspirée de Google et des universités américaines, est de connecter nos salariés de manière à ce qu’ils puissent discuter, échanger, partager, cocréer et contribuer au développement des autres. L’apprentissage et le développement se font par un tas de manières différentes. Lorsqu’on travaille avec l’intelligence émotionnelle, qui est importante dans la connaissance de soi et des autres, c’est plus adapté de le faire dehors dans l’herbe à côté de la rivière ou au bar, qu’enfermé dans une salle devant une table ! ».

Auteur

  • Catherine Sanson-Stern

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