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Sur le terrain

Retour sur… Le PSE de La Redoute

Sur le terrain | publié le : 29.11.2016 | Stéphanie Maurice

EN 2014, l’enseigne de vente à distance signait dans la douleur un PSE drastique réduisant ses effectifs de moitié, mais avec peu de départs contraints. Elle espère aujourd’hui un retour à l’équilibre de ses comptes pour 2017.

À un an de sa clôture, le PSE de La Redoute a déjà fait carton plein. Il excédera légèrement les 1 178 suppressions de postes initialement prévues, avec 1 200 départs déjà réalisés ou programmés. Seuls 77 seront contraints, à la suite de la fermeture de certains secteurs, comme les plates-formes téléphoniques de Nancy ou Rouen.

Ce bilan est un succès pour la direction de l’enseigne de vente à distance, comme pour les syndicats signataires de l’accord : la CFDT et la CFE-CGC. Et La Redoute va mieux avec une progression de 10 % du chiffre d’affaires sur le premier trimestre 2016, même si elle a connu un gros bug informatique cet été, et que son nouvel entrepôt logistique, qui promet d’être le plus moderne de France, est encore en phase de montée en puissance.

Pourtant, le 24 mars 2014, jour de la signature, après une mobilisation de cinq mois des salariés contre le plan social, personne n’aurait parié sur un tel scénario. Ce jour est resté dans les mémoires comme le vendredi noir. Salariés dans la rue, devant le siège, profondément divisés entre pro-PSE et ceux qui ne voulaient rien lâcher, sûrs d’obtenir plus. « Il fallait absolument signer, c’était évident pour la CFE-CGC, se souvient Louis Marcy, délégué du syndicat des cadres. Il n’y avait plus d’issue, c’était la fermeture de La Redoute. Ce que les autres syndicats n’ont pas compris. »

La CFDT, majoritaire à l’époque, éclate, malgré la consigne claire du secrétaire départemental en faveur de l’accord. Une partie de ses membres rejoint FO, devenu aujourd’hui le principal syndicat de l’entreprise. Cette fracture a encore aujourd’hui des répercussions, comme la vacance du poste de secrétaire du comité d’entreprise.

Me Mario Califano, l’avocat de l’intersyndicale, a aussi milité pour la signature du PSE, qu’il estimait de bonne facture. Kering, propriétaire de la société, finançait le plan à hauteur de 180 millions d’euros, avec un échelonnement des départs sur quatre ans. Les fonds étaient placés dans une fiducie, pour garantir leur affectation aux mesures sociales prévues (lire ci-dessous). Une combinaison originale qui a, dans l’ensemble, bien fonctionné.

Une petite moitié des salariés concernés par le PSE (430 personnes sur les 1 004 départs déjà réalisés) ont opté pour la mesure d’âge, une possibilité ouverte pour les carrières longues, à partir de 55 ans, avec 80 % du salaire brut pendant cinq ans ; 516 personnes ont choisi le plan de départ volontaire.

Mais la médaille a son revers, selon Nora Miloudi, déléguée FO : « Il y a eu une mauvaise gestion des cadencements des départs. » Les premiers à lever le doigt sont partis, alors que leur poste n’était pas supprimé, souligne-t-elle. « Une personne qui a voulu prendre le temps de la réflexion en se disant qu’elle avait quatre ans devant elle, s’est retrouvée coincée. » du coup, une cinquantaine de salariés ont saisi les prud’hommes pour « perte de chance ». Ces cas ont été réglés en grande majorité à l’amiable.

« Il y a eu un fort engouement au démarrage du plan », reconnaît Pascal Lafon, le DRH de La Redoute. « En février 2016, nous avons donc aménagé l’accord, avec l’assentiment des organisations syndicales. Dans certaines catégories, il y a eu moins de départs que prévus, et nous avons accepté d’en tenir compte pour autoriser des départs dans les catégories qui, à l’inverse, avaient déjà atteint leur quota. » Selon Me Califano, il resterait une quinzaine de cas litigieux. « Il est assez original de se trouver devant un conseil de prud’hommes pour contestation de non-licenciement, remarque Pascal Lafon. Mais c’est sans doute lié à l’attrait financier du plan. »

La fiducie sanctuarise les fonds du PSE

« Chaque mois, nous nous réunissons pour suivre l’affectation de l’enveloppe financière du PSE », explique Jean-Claude Blanquart, administrateur CFDT de la fiducie La Redoute. Laquelle compte trois représentants désignés par les syndicats signataires de l’accord d’accompagnement social, CFDT et CFE-CGC, et trois représentants de l’employeur. Un dispositif atypique de transfert d’avoirs dans une structure ad hoc, introduit dans le droit français en février 2007, essentiel pour veiller à la bonne utilisation des fonds, estime le syndicaliste : « Lorsque Kering a vendu La Redoute, nous voulions être certains que les salariés quittant l’entreprise pourraient être bénéficiaires de la dotation de 180 millions d’euros que nous avions négociée, sans qu’elle puisse être utilisée par les repreneurs en cas de difficultés. D’autant que l’avenir était très incertain pour beaucoup, la moyenne d’âge des salariés étant supérieure à 50 ans. Le bilan est d’ores et déjà très positif. Ce dispositif est cité en exemple dans d’autres restructurations. »

C’est la société Equitis qui a mis en place l’ingénierie juridique et comptable et gère les fonds jusqu’en 2022, avec un allongement possible de deux ans. Plus de 150 millions d’euros pourraient être engagés à fin 2017 pour couvrir les indemnités de départ, les rémunérations des salariés dispensés d’activités (formes de préretraites sans rupture de contrat), les dépenses de formation, de créations d’entreprise ou de revitalisation. L’usage du solde, qui ne peut être affecté qu’à des mesures sociales, devrait être débattu fin 2016-début 2017. La CFDT suggère notamment d’élargir le dispositif de dispenses d’activité et de promouvoir un accompagnement intensif pour les salariés inaptes.

Nicolas Lagrange

Auteur

  • Stéphanie Maurice