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Un an après les attentats, le soutien aux salariés s’est installé dans les entreprises

Zoom | publié le : 08.11.2016 | Rozenn Le Saint

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Un an après les attentats, le soutien aux salariés s’est installé dans les entreprises

Crédit photo Rozenn Le Saint

À l’approche de la date anniversaire des attentats du 13 novembre, les symptômes post-traumatiques touchent toujours de nombreux salariés. Le point sur les initiatives des employeurs pour les épauler après les événements, puis au long cours.

Flash de scènes ensanglantées, troubles du sommeil, stress aigu, irritabilité, difficulté à gérer ses émotions, à se concentrer, phobies des transports qui empêchent de se rendre au travail… Les entreprises les plus affectées sont celles situées à proximité des cibles des attentats, comme les restaurants. Les professionnels de la santé ont également été très éprouvés car ils ont dû travailler « à chaud ». « Ils se sont mis en position de soignants alors qu’eux-mêmes étaient impactés personnellement », souligne Camy Puech, directeur général de QualiSocial, cabinet conseil spécialisé dans l’amélioration du bien-être au travail. « Les journalistes – qui ont dû traiter de ces événements dramatiques sans avoir été formés au reportage de guerre – ont également été choqués », complète Aude d’Argenlieu, directrice du pôle clinique d’Éléas, cabinet spécialisé en prévention des risques psychosociaux (RPS), ainsi que « ceux des services Justice, qui enquêtent sur les événements et les revivent tous les jours ».

« En situation de post-traumatisme, les personnes peuvent être incapables d’exercer leur métier ou de revenir sur leur lieu de travail », constate Camy Puech. D’autant plus quand celui-ci est annoncé comme prochaine cible d’attentats par des sites djihadistes, comme les centres commerciaux. Enfin, ceux qui ont perdu un collègue sont particulièrement ébranlés. « On sous-estime parfois leur douleur. Elle peut être aussi vive que s’il s’agissait d’un proche de la sphère privée », estime Aude d’Argenlieu.

Suivi psychologique personnel

Un an après les événements, les plaies sont loin d’être pansées. Responsables RH et managers appréhendent l’arrivée de cette date anniversaire. « Cela peut être l’occasion de réaliser un état des lieux là où l’on n’aurait pas forcément pris ce temps auparavant. Ils nous expliquent qu’ils sentent que des difficultés persistent chez certains de leurs collaborateurs. Cela peut être l’occasion de leur proposer un suivi psychologique personnel en plus », constate l’experte.

La phase de crise dure environ cinq jours, le temps de reprendre ses esprits. La première demande des entreprises a été la mise en place d’un numéro vert de soutien psychologique, joignable 24 heures sur 24, pour soulager immédiatement les collaborateurs. QualiSocial a par exemple reçu huit fois plus d’appels dans les 24 heures qui ont suivi les attentats du 13 novembre, trois fois plus après le 14 juillet. Vient ensuite la post-crise. Des séances de débriefing collectif sur les événements, de visu, sont menées par des psychologues et des entretiens individuels sont proposés.

Ces faits dramatiques ont aussi constitué un élément déclencheur dans la prévention de ces risques au long court. « Beaucoup d’entreprises ont des difficultés à démarrer un projet de lutte contre les RPS, c’est un sujet sensible, voire tabou. Les attentats ont montré que chacun est susceptible d’être affecté et, par la force des choses, les entreprises ont officiellement déployé un dispositif », assure le DG de Qualisocial, dont l’équipe suit toujours 17 salariés en accompagnement psychotraumatique : le pic atteint a été de 75 salariés au cours de l’année 2015. Beaucoup ont donc terminé leur suivi, qui dure environ trois mois pour les troubles post-traumatiques.

Les entreprises qui sont allées le plus loin sont ensuite passées à la phase préparatoire, qui consiste à mieux anticiper ce type d’événements, en amont, pour que les personnes en première ligne soient habilitées à déclencher l’aide appropriée en cas de nouvelle attaque. À raison d’environ une entreprise sur cinq clientes des cabinets RH spécialisés dans la lutte contre les RPS, cités dans cet article. Des modules d’e-learning avec formation des managers au risque psychotraumatique ont par exemple du succès : on y prend conscience que des collaborateurs peuvent être hantés par les événements des années plus tard.

Guides pour managers

Les employeurs ont également opté pour la diffusion de guides à destination des encadrants, véritables modes d’emploi en situation de crise. Ces derniers « permettent de déclencher l’intervention d’un psychologue en moins de 12 heures, quand cela prend entre 48 et 72 heures quand on n’y est pas préparé. Là, le dispositif est sur les rails. S’il y a un problème, les managers ne sont pas livrés à eux-mêmes », assure Camy Puech.

Les entreprises impactées par les attentats de Charlie Hebdo, mais surtout par ceux du 13 novembre, qui ont mis en place des soutiens psychologiques ont été plus efficaces dans leur gestion de crise après l’attaque sur la promenade des Anglais. Comme ISS, le géant du service aux entreprises (nettoyage ou gestion d’immeuble), qui emploie 25 000 salariés en France. Le 14 juillet, le patron de l’agence niçoise a directement contacté Philippe Maurette, le DRH. « Comme nous avions décidé de faire perdurer le service de soutien psychologique mis en place après les attentats du 13 novembre en l’élargissant à l’écoute de tout type de problèmes que peuvent rencontrer nos collaborateurs, il était déjà en place. Il n’y a eu qu’à rappeler le numéro », assure le DRH. Depuis un an, 270 salariés y ont eu recours, dont moins de dix pour une souffrance directement liée aux attentats. Tous des salariés d’ISS présents sur la promenade des Anglais. Le lieu d’écoute a quoi qu’il en soit le mérite de montrer que l’entreprise se préoccupe de la souffrance psychologique de son personnel.

Le rôle de relais des encadrants

Les managers se retrouvent parfois avec des collaborateurs en crise de larmes dans l’open space, encore un an après. « Cela affecte la production et peut amener l’ensemble de l’équipe à retomber dans le souvenir de ces événements tragiques. Les encadrants également, qui sont aussi affectés », témoigne Camy Puech, directeur général de QualiSocial. Ce que l’on attend d’eux n’est pas évident. « Certains managers se sentent parfois dépossédés de leur rôle dans une situation de crise. L’idée n’est pas de les former aux débriefings psychologiques mais à devenir des relais plus efficaces », insiste Maria Ouazzani, psychologue clinicienne responsable du pôle accompagnement du cabinet Psya, spécialisé dans la gestion des RPS. Par ailleurs, ils doivent apprendre à « se protéger eux-mêmes pour être en mesure de répondre aux demandes des collaborateurs et de déclencher des actions pertinentes », estime Aude d’Argenlieu, directrice du pôle clinique d’Éléas. Selon Maria Ouazzani, « il est important d’outiller les managers à reconnaître l’impact psychique que peuvent avoir eu les attentats, à identifier les collaborateurs en difficulté et à s’appuyer sur des dispositifs de prise en charge pour mieux les orienter ».

Auteur

  • Rozenn Le Saint