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Sur le terrain

Retour sur… Le contrat d’apprentissage intérimaire

Sur le terrain | publié le : 11.10.2016 | Valérie Grasset-Morel

CRÉÉ EN 2012 à l’initiative des professionnels de l’intérim, le contrat d’apprentissage intérimaire n’a pas encore trouvé ses marques. Il recèle cependant des atouts pour séduire les entreprises d’accueil dans un contexte de reprise de l’alternance.

Mauvaise image récurrente, réformes du financement et des aides… Le secteur du travail temporaire n’a pas échappé au marasme de l’apprentissage. Quatre ans après sa création par la loi Cherpion du 28 juillet 2011 et le décret du 11 avril 2012, l’apprentissage intérimaire reste à l’état embryonnaire. Prism’emploi, le syndicat des professionnels de l’intérim, ne parvient pas lui-même à quantifier le nombre de ces contrats. Pas plus que les réseaux consulaires chargés de les enregistrer.

Pourtant, la majorité des partenaires sociaux de la branche étaient activement demandeurs de cette mesure. Mais, en dehors de quelques grandes enseignes (dont Adecco, Manpower, Randstad…), force est de constater que le succès escompté n’est pas au rendez-vous. « Nous n’avons pas échappé à la crise générale de l’apprentissage, explique François Roux, délégué général de Prism’emploi. L’apprentissage intérimaire souffre également de sa création récente. » Les entreprises d’accueil semblent parfois lui préférer le contrat de professionnalisation intérimaire, qui s’adresse à des candidats plus âgés et ayant déjà travaillé, comme en témoigne Jean-François Riou, RRH de SPIE Ouest-France, qui a privilégié ce dispositif pour recruter 12 alternants à la mi-septembre dans le cadre d’un parcours de formation FTTH fibre optique. En 2015, le FAF.TT, l’organisme collecteur du travail temporaire, a financé 5 800 contrats de professionnalisation intérimaires.

Quatre acteurs impliqués

Par ailleurs, les PME qui font appel à l’intérim ne sont pas celles qui recrutent le plus d’apprentis. Et celles qui se montrent intéressées « ne sont pas forcément équipées pour déployer le process spécifique de mise en œuvre », précise François Roux. L’apprentissage intérimaire implique en effet quatre acteurs au lieu de trois dans l’apprentissage classique : l’agence d’intérim, l’apprenti, l’entreprise utilisatrice et le centre de formation d’apprentis (CFA). L’agence est l’employeur de l’apprenti. Elle le met à disposition par le biais d’un contrat spécifique annexé au contrat d’apprentissage initial qui doit organiser la mission, la formation et la liaison entre les deux maîtres d’apprentissage : celui désigné au sein de l’ETT et celui de l’entreprise d’accueil.

Dès la publication du décret, en 2012, Manpower s’est lancé : kits et brochures d’information, formations en ligne. « La promotion de ce contrat a pris du temps et les résultats ont été peu concluants la première année », se rappelle Thierry Vaudelin, directeur des talents et parcours intérimaires. Autre écueil : les entreprises d’accueil doivent s’engager sur un contrat d’au moins un an. C’est donc en 2014 que la mesure a vraiment pris son essor au sein du groupe, qui en compte désormais plus de 300, et « 150 dans les tuyaux ». Des jeunes en CAP jusqu’en master 2, accueillis aussi bien dans de grands groupes que dans de petites entités souhaitant externaliser la gestion de l’apprentissage. En 2015, Manpower a ainsi recruté pour l’un de ses clients franciliens 75 apprentis commerciaux détachés dans de grandes enseignes de la distribution. « C’est parce que nous accompagnons ces entreprises depuis des années sur la formation professionnelle que certaines se sont lancées à nos côtés dans l’apprentissage intérimaire, témoigne Gérald Philippe, responsable régional formation intérimaire. Soit parce que nous leur proposons une politique d’apprentissage clé en main, soit parce nous prenons en charge 100 % du coût du diplôme. »

Reprise des embauches

Aujourd’hui, Thierry Vaudelin estime que ce contrat « a toutes les chances de décoller », d’autant plus que la Dares observe une reprise des embauches d’apprentis dans le privé (+ 1,6 % en 2015). Un avis partagé par Isabelle Giraudeau, responsable du service formation des intérimaires de Randstad, qui liste les avantages pour une entreprise de s’adresser à une agence d’intérim : « Gain de temps administratif et économie, puisque c’est l’ETT qui gère le contrat, les relations avec le CFA et finance sur sa taxe la formation et le diplôme, prise en compte de l’apprenti intérimaire dans le quota d’alternants, etc. »

Samuel Tual, président du groupe Actual (190 agences), est sur la même ligne. S’il n’emploie aucun apprenti intérimaire pour le moment, il envisage d’en recruter une cinquantaine en 2017 : « L’apprentissage intérimaire est une traduction concrète de la flexisécurité à la française, affirme-t-il. Il donne plus de souplesse aux entreprises d’accueil et une vraie sécurité aux jeunes qui, s’ils lâchent leur contrat, en retrouveront un autre grâce à l’agence d’emploi. »

Le taux d’abandon qui a été constaté jusqu’à présent par Manpower (8 %) et chez Randstad (un seul contrat rompu sur les 25 signés en 2015) est en effet très inférieur au taux national (28,7 % d’après la Dares). Les méthodes d’évaluation maison des intérimaires et le double tutorat des apprentis expliqueraient ce faible taux de rupture chez Manpower. Mais aussi le fait que « l’apprenti intérimaire se voit confier de vraies missions. Il n’est pas en observation dans l’entreprise d’accueil », souligne Thierry Vaudelin. Pour celui-ci, l’essor de l’apprentissage intérimaire dépend avant tout du travail de promotion « qu’il faut poursuivre auprès des entreprises d’accueil, avec l’appui du FAF.TT. »

Auteur

  • Valérie Grasset-Morel