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Relations interpersonnelles : Instaurer un esprit “fun”

Les clés | publié le : 11.10.2016 | Florence Roux

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Relations interpersonnelles : Instaurer un esprit “fun”

Crédit photo Florence Roux

Dans l’entreprise collaborative, où les postures traditionnelles s’effacent, certains managers n’hésitent pas à miser sur le “fun”. Il génère du plaisir à travailler et une bonne ambiance qui favorise la créativité. Même des entreprises traditionnelles s’y essaient. Mais attention : le fun ne se décrète pas.

Le “fun” n’est plus un gros mot en France. Des managers, formateurs ou coachs s’aventurent même à parler de plaisir « dans un pays où le travail rime souvent avec souffrance, regrette Frédéric Losfeld, consultant en management à Lyon (lire ci-contre). Selon l’institut Gallup, 11 % des salariés sont engagés… et 65 % désengagés. C’est terrible. Il faut parvenir à associer ces derniers à l’activité. Le fun génère du bien-être et un mieux-être ensemble, sources de performance. »

Associer tout le monde : c’est le “graal” de Laurent Constantin, patron de l’agence Web Acti, à Lyon (30 salariés). « Quelqu’un qui a la pêche travaille davantage en équipe et remplit mieux ses objectifs, assure-t-il. Et pour créer, il faut des espaces de liberté. Ici, chacun dit ce qu’il pense, s’habille à son goût, écoute sa musique, consulte sa page Facebook. » Chez Acti, le tutoiement fait loi et le manager se dit « plutôt référent que chef ».

Pour David Bernard, patron et psychologue du travail, dirigeant d’AssessFirst, société de conseil en recrutement à Paris (29 salariés), la posture collaborative, qui évite le surplomb, se combine avec l’esprit fun : « On n’a plus envie de s’ennuyer au travail. On a besoin d’une part d’inattendu qui donne du plaisir et qui commence par la liberté de parole. »

D’accord. Mais le fun n’est-il pas plus facile à instiller dans des sociétés du loisir ou du conseil pour booster la créativité de collaborateurs âgés de moins de 30 ans en moyenne ? Pas seulement, assure Frédéric Losfeld, beaucoup d’entreprises tentent le pari : « Le distributeur de matériaux de construction Samse a lancé, il y a cinq ans, une démarche de satisfaction du client qui s’est appuyée sur l’initiative du terrain, avec quelque 380 projets au final. Depuis, ce sont les équipes qui organisent chaque année leur Sommet du bricolage. Un événement qui est justement un temps de fête et de jeux, d’échanges informels et de challenges, où le plaisir des clients comme des salariés est prioritaire. »

Le fun est également une promesse de recrutement. « Venez chez nous si vous voulez prendre du plaisir ! », lance Damien Cugnet, directeur d’un magasin Samse à Valence, sur le site du groupe. Le patron d’AssessFirst prône un recrutement décontracté : « Il faut être naturel, jouer l’humour. Un cadre souple aide le candidat à être lui-même. On peut se centrer sur sa personnalité. »

Chez Acti, « le besoin de recutement émerge du terrain, dit Laurent Constantin. Puis nous définissons ensemble le profil. Mais c’est le salarié demandeur qui gère lui-même la première phase de l’embauche ». En mode décontracté, il poste son annonce avec sa propre photo sur le site de l’entreprise. Il gère un premier rendez-vous et, éventuellement, en propose un second au DG.

Les managers fun soignent aussi l’informel au quotidien. « Attention, prévient Frédéric Losfeld, le fun ne se limite pas à installer un baby-foot en salle de repos : il faut amener du plaisir dans le travail. » À Acti, un énorme baby-foot, totem du fun, trône tout de même dans la salle de repos. « C’est une demande des collaborateurs !, souffle Laurent Constantin. Le plaisir émerge de l’initiative. » Côté ambiance, l’imagination est reine : “pots” après le travail, échange de playlists, mascotte. Le chef d’entreprise, lui, organise des séminaires durant lesquels il concocte des rencontres ou des visites surprises.

Moments informels

« Le temps qu’on passe ensemble ne doit pas toujours être directement rémunérateur, estime David Bernard. Dans nos soirées informelles, les gens échangent beaucoup, on a le sourire. C’est capital dans notre métier de service. » Même défi au Club Med. Les managers misent beaucoup sur le jeu – notamment pour se connaître à l’arrivée dans les villages. Et, au quotidien, ils s’ingénient à trouver des respirations avec leurs équipes. « Ces moments très informels – des apéros, des discussions… – se décident ensemble au fil de l’eau, explique Vincent Derwael, formateur conseil dans les métiers du loisir au Club Med. Les gens s’y expriment et se détendent sans objectif d’accueil des vacanciers. Cela renforce la cohésion d’équipe. Souvent aussi, dans les coulisses des animations, managers et GO se sentent dans la même barque, plus libres. On rit beaucoup. »

La limite est la même pour tous les managers : que le travail soit fait et les objectifs atteints. Mais, ajoutent-ils, le fun est facilitateur. « Cette part de liberté repose sur la confiance, conclut David Bernard. Et, en général, ça marche. »

Les conseils du coach

FRÉDÉRIC LOSFELD

Spécialiste de la transformation managériale, chercheur en joie

–1– Donner la liberté de parole

Première étape pour un management fun : les gens doivent se sentir libres de dire ce qu’ils pensent sur tous les sujets liés à la qualité du travail. En s’interrogeant par exemple systématiquement après chaque réunion : était-elle utile ? Efficace ? Y a-t-on pris plaisir ? La base pour le manager est d’écouter, de connaître l’autre, sa sensibilité, pour lui laisser cet espace de liberté.

–2– Redonner du plaisir au travail

Le “jeu” est un bon outil de décision commune : il casse les postures et dynamise la collaboration. Le fun offre une perspective plus large, plus profonde. Quand un collectif prend le temps de décortiquer son travail, ses résultats, sa manière de l’exécuter, il redonne du sens et, souvent, reprend plaisir à ce qu’il fait. À cette fin, le manager sera dans l’accompagnement plutôt que dans la consigne. Cela peut passer par des ateliers de codéveloppement entre pairs ou, pour le manager, par le lâcher-prise : plus leader que responsable hiérarchique.

–3– Fixer des limites

Une fois la dynamique du dialogue à l’œuvre, cet état d’esprit repose sur un équilibre subtil et fragile. L’arrivée d’un nouveau chef peut tout modifier. Les gens peuvent se brider eux-mêmes. Il faut être vigilant pour rester dans la confiance, patient pour ne pas tuer la spontanéité. Pas une fin en soi, le fun apporte l’équilibre et la force de construire ensemble. Seul, on va plus vite ; à plusieurs, on va plus loin. La bonne solution émerge des gens, dans le temps.

Auteur

  • Florence Roux