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Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 11.10.2016 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Éthique et pouvoir font-ils bon ménage ?

Depuis quelques années, le nombre de chartes augmente dans l’entreprise. À côté de la traditionnelle charte du management ont fleuri des chartes informatiques, de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), de qualité de vie au travail ou encore d’éthique des affaires. Les esprits chagrins y verront avant tout un inefficace recueil de bonnes intentions ou bien une façon pour les employeurs de se défausser de leurs responsabilités à moindre coût, en les transférant directement sur leurs salariés.

Il existe bien d’autres façons d’agir sur ces sujets, à condition de prendre le problème à la racine, c’est-à-dire en identifiant le cadre qui pousse une personne à agir de façon contraire à ce que lui demande son employeur.

Prenons le cas de l’éthique. Vous croyez que vos collaborateurs se comportent d’une manière éthique (ou non éthique) en raison de leur éducation, de leurs valeurs, de la culture d’entreprise et, enfin, par crainte de sanctions en cas de flagrant délit ? Vous n’avez pas tout à fait tort, mais vous oubliez cependant une donnée importante qui influence inconsciemment leurs comportements : la taille de leur espace de travail. En effet, de plus en plus d’études montrent que la taille de notre bureau ou de notre voiture, par exemple, joue sur notre manière de nous comporter… en bien ou en mal.

Andy Yap, actuellement professeur à l’Insead, consacre ainsi ses travaux de recherche à ce qu’il nomme l’“ergonomie de l’éthique”(1). À travers diverses expériences et observations de terrain, il conclut que, plus nous évoluons dans de grands espaces, plus nous avons tendance à oublier la morale élémentaire, quitte à transgresser nos propres principes personnels. Pourquoi ? Parce que bénéficier d’un grand espace donne un sentiment de puissance. L’éthique passe alors au second plan. Pis, elle peut être perçue comme un obstacle à notre rayonnement.

Par exemple, les conducteurs de grosses voitures telles que les 4x4 se garent plus facilement dans des endroits interdits que les propriétaires de petites voitures. De même, les personnes assises dans un grand fauteuil se montrent moins sourcilleuses avec les règles que celles assises sur un siège étroit.

Pour autant, il ne faudrait pas conclure trop hâtivement que les dirigeants, parce qu’ils disposent généralement d’une grosse voiture de fonction et d’un vaste bureau, franchissent allègrement la ligne jaune.

Éthique et pouvoir ne s’opposent pas nécessairement. L’antagonisme survient surtout quand le pouvoir monte à la tête, quand un salarié passe par exemple, du jour au lendemain, d’un petit à un vaste bureau. Il risque alors d’attraper la “grosse tête”, c’est-à-dire de perdre la notion de limite et de ressentir une forme de toute-puissance. Pour préserver l’éthique des salariés, mieux vaut donc adopter des récompenses régulières qu’une promotion express.

(1) Andy Yap, “The ergonomics of ethics”, in J. W. van Prooijen & P. van Lang (Eds.), Cheating, Corruption and Concealment : The Roots of Dishonest Behavior, Cambridge University Press, 2016.

Auteur

  • Denis Monneuse