logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

Baromètre RH FHF/OBEA : Hôpital public : une fonction RH sous contraintes

L’enquête | publié le : 04.10.2016 | É. S.

Image

Baromètre RH FHF/OBEA : Hôpital public : une fonction RH sous contraintes

Crédit photo É. S.

Entreprise & Carrières révèle en exclusivité les résultats du premier baromètre RH conduit par la Fédération hospitalière de France (FHF) et Obea dans le secteur public hospitalier. Cette étude montre les tensions auxquelles la fonction, qui contribue à mettre en œuvre les mesures d’économies imposées au secteur, doit faire face. Et dresse le panorama des pratiques, des priorités et des difficultés d’une GRH qui se revendique de plus en plus stratégique.

Tarification à l’acte (T2A) et mise en place des groupements hospitaliers de territoire (GHT), développement de l’ambulatoire et rigueur budgétaire instituée… Au confluent des réformes et des enjeux de santé publique, l’hôpital vit des transformations en profondeur. Avec, pour les acteurs de la fonction RH, de nouveaux défis à relever, que ce soit pour les directeurs des affaires médicales (DAM), en charge de la gestion du personnel médical (les praticiens hospitaliers) ou pour les DRH, dont dépend le personnel non médical (infirmiers, aides-soignants, personnel technique et administratif…).

Les résultats du baromètre FHF-Obea des enjeux RH 2016(1) révèlent d’abord à quel point les contraintes économiques et budgétaires sont structurantes pour la fonction : 92 % des répondants considèrent qu’elles les incitent à faire évoluer leurs pratiques RH (lire page 26). Par comparaison, 56 % des DRH du privé(2) partagent ce point de vue.

Dès lors, la priorité des priorités, pour 80 % des sondés, consiste à maîtriser la masse salariale (cf. graphique ci-dessous). « C’est un score très élevé, mais qui n’est pas surprenant, commente Marie Houssel, responsable du pôle RH de la Fédération hospitalière de France (FHF). Car en moyenne, la masse salariale représente 70 % de la dépense des établissements de santé, et le plan triennal d’économies fixe des objectifs très clairs de maîtrise salariale. En outre, les gestionnaires RH doivent composer avec des mesures nationales dont l’incidence financière est importante, comme l’application du protocole PPCR, la revalorisation du point d’indice, en 2016. »

Logique, aussi, que l’optimisation des organisations de travail et l’absentéisme figurent en haut de la liste des préoccupations. Pour Yann Dubois, professeur en GRH à l’EHESP (École des hautes études en santé publique), les DRH hospitaliers sont désormais clairement positionnés sur la recherche de la performance : « Depuis l’introduction de la T2A, la fonction a fondamentalement changé : auparavant, il s’agissait de suivre la masse salariale, désormais, il faut la piloter. » Ce qui passe concrètement par un suivi renforcé des postes et des moyens de remplacement, voire des plans de réduction d’effectifs, une gestion resserrée des plannings, des réorganisations et des mutualisations…

L’enquête confirme par ailleurs que la renégociation des protocoles RTT s’est largement diffusée : 44 % des répondants affirment l’avoir revu ou être en train de le revoir. Les 56 % restants estiment le sujet non prioritaire ou vecteur de peu d’améliorations ; 23 % d’entre eux citent un « climat social défavorable ».

Dans ce contexte, la gestion des carrières et le développement des compétences semblent passer au second plan. La GPMC (gestion prévisionnelle des métiers et des compétences), notamment, arrive en queue des sujets de mobilisation. « Cela pose question sur la possibilité d’individualiser la GRH au regard des outils statutaires en vigueur », remarque Marie Houssel.

Les sondés sont pourtant bien conscients de certains risques : ainsi, seuls 12 % des DRH et 36 % des DAM se mobilisent prioritairement sur l’attractivité et la fidélisation des professionnels, alors qu’ils sont respectivement 41 % et 62 % à citer ce sujet comme un des enjeux principaux de leur établissement.

Secondes parties de carrière

Par ailleurs, seuls un quart des DRH affirment avoir mis en place des actions dédiées aux secondes parties de carrière : la plupart du temps, il s’agit d’une adaptation des postes (72 %) afin de prévenir des phénomènes d’usure, plus rarement (33 %) d’un entretien.

De même, les parcours professionnels et le développement des compétences, y compris managériales, sont considérés comme un enjeu majeur par moins de 20 % des sondés. Pourtant, sur le terrain, « les DRH ont pris conscience du rôle pivot des cadres, assure Jérôme Miara, Pdg d’Obea. Ils savent l’importance d’aller vers des principes d’actions partagés entre la fonction RH et les lignes managériales, notamment pour accompagner les transformations. Certains établissements ont créé des universités du management ».

Engagement professionnel

L’autre « constat fort » du baromètre, relève Frédéric Valletoux, le président de la FHF, est le niveau d’engagement particulièrement élevé que les sondés prêtent aux professionnels dont ils ont la responsabilité. Que ce soit vis-à-vis de leur métier (97 % des sondés le constatent, dont 39 % comme « très engagé »), ou de leur établissement (75 %).

Mais cette unanimité contraste avec le sentiment qu’ils ont de ne pas pouvoir les reconnaître et les valoriser, particulièrement dans les grands établissements, où les chiffres sont tout autant tranchés (cf. graphique ci-dessus). Or « cet écart est alarmant, car l’hôpital s’appuie beaucoup sur cet engagement professionnel », prévient Yann Dubois.

D’ailleurs, si 80 % des DRH et des DAM ont le sentiment que l’attachement des professionnels aux valeurs du service public reste fort, Valérie Muller, directrice associée du cabinet Arthur Hunt Consulting, juge ce niveau de confiance très optimiste : « Plusieurs études montrent que l’attachement au service public hospitalier ne prime plus dans le choix de carrière des praticiens. Il y a là un risque que l’hôpital public doit prendre en compte. En tant qu’employeur, comment permet-il aujourd’hui d’incarner les valeurs du service public ? Tous les personnels hospitaliers, particulièrement les praticiens, attendent des réponses à cette question. »

Interrogés sur la perception qu’ils ont s’agissant des principales attentes des professionnels, les DRH et les DAM ne sont pourtant que 12 % à citer le partage des valeurs du service public (cf. graphique p. 21). Selon eux, celles-ci reposent en priorité sur la rémunération – sur laquelle ils n’ont guère de prise. Pas moins de 44 % des DRH constatent que la part du personnel non médical en « précarité sociale » augmente. S’agissant des plus jeunes, ils ressentent une forte demande en termes d’équilibre vie professionnelle-vie privée. « Sans doute faut-il voir dans cet item une aspiration à une amélioration des conditions de travail, comme le fait de ne plus être rappelés sur ses congés, décrypte Yann Dubois. De même, les jeunes médecins ne veulent plus travailler sans compter leurs heures. »

Marie Houssel souligne que le niveau « exceptionnel » d’engagement des professionnels doit aussi être « préservé » à l’occasion des réorganisations. Seulement, nuance Frédéric Valletoux, « si les démarches d’efficience doivent être globales, quantitatives mais aussi qualitatives, avec des actions sur les conditions de travail, il pèse un fort risque que l’impératif budgétaire ne laisse que peu de place au déploiement des nécessaires actions d’accompagnement, collectives ou individuelles ». Un accompagnement jugé prioritaire par 46 % des personnes interrogées, selon le baromètre. Normal, puisque « les réorganisations marchent quand la fonction RH est associée en amont, constate Jérôme Miara. C’est essentiel pour prendre en compte le corpus de valeurs très fort du secteur – bienveillance, responsabilité, etc. – et renforcer l’acceptabilité du changement ».

Les services publics hospitaliers en chiffres

1 458 établissements publics de santé en 2013

Effectifs (au 31 décembre 2014) : 1,16 million d’agents de la fonction publique hospitalière (FPH), dont 1 million exerce à l’hôpital (115 000 médecins) ; + 0,7 % en un an (progression moyenne annuelle entre 2004 et 2014 : + 1,1 %).

49 % sont en catégorie C.

77 % sont des femmes.

Moyenne d’âge (2013) : 41,4 ans.

Salaire net moyen en équivalent temps plein (2014) : 2 210 euros par mois.

Taux d’absentéisme (motif médical et non médical) : 3,4 % pour le personnel médical, 8 % pour le personnel non médical (+ 0,2 %) ; 33 % des agents de la FPH ont eu au moins un arrêt maladie en 2013.

Sources : DGAFP, Atih, Insee.

(1) Réalisé auprès de 274 directeurs d’établissement, DRH et directeurs des affaires médicales des établissements publics sanitaires, sociaux et médico-sociaux adhérents à la FHF.

(2) Défis RH 2016 Inergie-ANDRH-Entreprise & Carrières.

Auteur

  • É. S.