logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’interview

Aline Scouarnec et Gwénaëlle Poilpot-Rocaboy : « Les problématiques d’organisation et de travail seront au cœur des métiers RH de demain »

L’interview | publié le : 27.09.2016 | Éric Delon

Image

Aline Scouarnec et Gwénaëlle Poilpot-Rocaboy : « Les problématiques d’organisation et de travail seront au cœur des métiers RH de demain »

Crédit photo Éric Delon

Approches coconstruites, collaborations entre les différents acteurs de l’entreprise, prise en compte des attentes nouvelles des collaborateurs, adaptation des modes de travail à la révolution numérique… les métiers RH de demain doivent évoluer et se réinventer.

E & C : Vous venez de faire paraître Quels métiers RH pour demain ? Quelle est la genèse de cet ouvrage ?

ALINE SCOUARNEC : Ce livre est l’aboutissement du travail réalisé depuis près de huit années dans le cadre de l’Observatoire des métiers du réseau Référence RH. Ce réseau, créé en 2000, rassemble les responsables des 36 masters d’université et mastères de grandes écoles en GRH. Nous avons appliqué une méthodologie de prospective des métiers, développée par mon collègue Luc Boyer et moi-même. Nos étudiants et les enseignants-chercheurs de ces structures ont recueilli la perception de près de 500 praticiens, membres de l’ANDRH sur le contenu, l’évolution et les compétences nécessaires pour exercer leurs métiers RH.

Quels en sont les principaux enseignements ?

GWENAËLLE POILPOT-ROCABOY : Si le besoin de technicité demeure bien réel dans les métiers RH pour “bien” recruter, former, évaluer, faire progresser, dialoguer, rémunérer… les modes de gestion d’hier n’apparaissent plus suffisants pour piloter les organisations d’aujourd’hui et de demain. Le besoin d’approches coconstruites et de coopération entre les acteurs, de prise en compte d’attentes nouvelles des collaborateurs, d’adaptation des modalités de travail à l’évolution numérique appelle de nouvelles compétences RH et transforme les métiers.

En quoi les DRH de demain seront-ils différents de ceux d’aujourd’hui ?

ALINE SCOUARNEC : Au-delà de la maîtrise de la technicité du métier RH, indispensable en raison de la complexité du cadre légal et réglementaire français, le DRH de demain devra encore davantage décrypter l’environnement interne et externe de son entreprise et contribuer à bâtir son projet de développement en conséquence au sein du comité de direction. Il devra être en mesure d’organiser les relais managériaux d’appui et de soutien des équipes par la mise en place de processus formels et l’élaboration d’espaces et de temps d’échanges formels et informels. En lien avec les acteurs économiques et institutionnels du territoire, il devra anticiper les problématiques sociales et contribuer au développement et à l’équilibre du territoire par des actions partagées et un travail en réseau.

Quels types de compétences les RH devront-elles maîtriser en priorité ?

ALINE SCOUARNEC : Trop souvent oubliée des réflexions RH, l’organisation doit se situer au centre des réflexions sur le travail. Il convient de penser un management du travail mettant en avant l’intérêt porté au fonctionnement de l’organisation, au “comment travailler” et au “où travailler”. Les compétences de type diagnostics organisationnels, démarche prospective, audit social seront essentielles pour construire une stratégie de pilotage des personnes et des organisations.

Les questions de conditions de travail et, plus globalement, d’environnement de travail demeureront des problématiques clés. Les équipes RH devront se situer au cœur de ces préoccupations organisationnelles afin de construire les nouvelles formes de reconnaissance – salaires et autres – les plus adaptées. Bien entendu, cette réflexion sur le travail intègre à la fois les questions de digitalisation, de big data et de lieu et formes de travail – télétravail et ubérisation entre autres. Entre l’organisation 4.0 et l’organisation “hôtel à projets”, nous estimons que de nouvelles formes d’accompagnement de ces ruptures sont à concevoir par les équipes RH.

Quelles seront les nouvelles compétences nécessaires au DRH en termes de stratégie et de management ?

ALINE SCOUARNEC : Comme l’écrit l’un de nos coauteurs, Charles-Henri Besseyre des Horts, pour permettre aux responsables RH de jouer un rôle beaucoup plus proactif et reconnu vis-à-vis de leurs collègues des codir dans la recherche de solutions innovantes destinées à faire rebondir l’entreprise, il leur sera nécessaire de parfaitement maîtriser ce type de compétences stratégiques et managériales. Ils devront davantage s’ouvrir sur l’extérieur – actionnaires, clients, communautés, organisations non gouvernementales… – avant de mettre en œuvre leurs actions internes plus traditionnelles.

Si, depuis plus de trois décennies, le rôle de partenaire stratégique est revendiqué par la fonction RH et ses représentants tant au niveau central qu’au niveau local de l’entreprise, force est de constater que les lignes bougent très lentement. La maîtrise des compétences de la fonction RH représente une nouvelle source de légitimité, dans un contexte où il est toujours plus demandé aux DRH de contribuer à créer de la valeur dans un monde de plus en plus globalisé. Autrement dit, le DRH de demain devra évoluer par rapport à la légitimité traditionnelle de cette fonction, assise traditionnellement sur la conduite des missions régaliennes que sont les relations sociales et l’administration du personnel.

Les RH deviendront-elles une fonction davantage stratégique dans l’entreprise ?

GWENAËLLE POILPOT-ROCABOY : Dans un contexte d’incertitude croissante et de changements technologiques et numériques majeurs, la fonction RH deviendra de plus en plus stratégique. Le développement continu des compétences individuelles et collectives de l’entreprise, ainsi que la recherche et la fidélisation de compétences spécifiques, seront les clés de la réussite de l’organisation et de son adaptation.

Les activités de recrutement, de formation, de gestion des carrières et de développement des parcours professionnels des individus seront toujours autant nécessaires à l’ajustement des besoins en compétences et ressources disponibles. De la qualité des modes d’organisation du travail et du temps de travail, du management et de la mobilisation des équipes dépendra la qualité de vie au travail, garante de la fidélisation des collaborateurs.

Aline Scouarnec et Gwénaëlle Poilpot-Rocaboy professeures en GRH

Parcours

> Aline Scouarnec est professeure agrégée des universités en sciences de gestion (spécialité GRH) à l’université de Caen.

> Elle est présidente de l’AGRH (Association francophone de gestion des ressources humaines), vice-présidente de Référence RH en charge de l’Observatoire des métiers RH, vice-présidente de l’Institut d’audit social (IAS) et rédactrice en chef de la revue Management et Avenir.

> Gwénaëlle Poilpot-Rocaboy est professeure d’université à l’IGR-IAE de Rennes et chercheure au laboratoire Crem-CNRS.

> Elle est présidente du réseau Référence RH et vice-présidente de l’AGRH.

Lectures

Master ressources humaines, J. Igalens et A. Roger, Eska, 2013 (2e éd.).

Fonctions RH. Politiques, métiers et outils des ressources humaines, M. Thévenet, C. Dejoux, E. Marbot, E. Normand, A.-F. Bender, F. Silva, Pearson Education, 2015 (4e éd.).

Ressources humaines, J.-M. Peretti, Vuibert, 2016 (21e éd.).

* Dunod, 2016 avec l’ANDRH.

Auteur

  • Éric Delon