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L’interview : Thierry Rochefort professeur associé à l’IAE de Lyon, directeur du D.U. management de la qualité de vie au travail et santé

L’enquête | L’interview | publié le : 27.09.2016 | V. L.

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L’interview : Thierry Rochefort professeur associé à l’IAE de Lyon, directeur du D.U. management de la qualité de vie au travail et santé

Crédit photo V. L.

« L’attrait pour la promotion de la santé globale n’est pas un effet de mode »

Pourquoi certaines entreprises semblent-elles aujourd’hui s’intéresser aux programmes de santé globale ?

On peut faire l’hypothèse que, dans les sociétés occidentales – au Canada, en Europe et en France –, deux questions se cumulent : l’allongement de la vie professionnelle, car on repousse l’âge de la retraite, et le vieillissement de la population active. Parallèlement, le travail est de plus en plus exigeant, ce qui suppose que les salariés soient impliqués ; donc la question de leur maintien en bonne santé devient cruciale. Or on assiste à un accroissement des restrictions d’aptitudes – y compris pour les plus jeunes – et à des départs à la retraite prématurés pour cause de mauvaise santé. La question du retour à l’emploi des salariés après un arrêt maladie de longue durée devient par exemple un sujet crucial pour lutter contre l’absentéisme.

On peut également signaler une tendance sociologique lourde à faire désormais plus attention à l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle, notamment parmi les jeunes générations. L’accord interprofessionnel sur la QVT, tout comme la loi Rebsamen, inscrivent désormais ces questions à l’agenda des DRH. L’attrait pour la promotion de la santé globale n’est donc pas un effet de mode, c’est une tendance profonde, même si nous n’en sommes aujourd’hui qu’aux prémices d’une prise de conscience. Les Québécois ont ouvert la voie avec le programme “Entreprise en santé”. Nous devons nous inspirer de leur exemple en ayant conscience que nous ne pouvons pas dupliquer leurs démarches, compte tenu des différences culturelles et institutionnelles entre nos pays.

Qui sont les acteurs des démarches de santé globale dans l’entreprise ? Et à l’extérieur ?

Le sujet ne doit pas être laissé aux seuls acteurs médicaux ou de prévention ; il doit être porté à un niveau stratégique, la direction générale et, a minima, les DRH. Ces derniers doivent être à l’interface de l’ensemble des acteurs de santé et du management.

À l’extérieur des entreprises, les groupes de protection sociale ont un intérêt majeur à proposer des programmes santé, en lien avec l’enjeu de diminution des taux de cotisations des complémentaires santé. Toutefois, ces offres atteignent vite leurs limites quand elles s’adressent seulement aux individus dans l’entreprise, sans prise en charge collective des conditions de travail. C’est l’angle mort de ces démarches.

L’ambition est louable, mais les moyens utilisés laissent penser que les individus ont toutes les ressources pour améliorer par eux-mêmes leur santé. Un salarié qui porte des charges lourdes sans matériel de levage adéquat, un cadre dont les horaires dépassent fréquemment 60 heures par semaine, un ouvrier qui effectue des travaux à très forte température ou un chef de projet stressé par des délais trop contraints ne pourront préserver leur santé qu’en lien avec des actions de management et de prévention collectives dans l’entreprise.

C’est la raison pour laquelle les cabinets de conseil RH sont également bien placés pour proposer, en lien avec les complémentaires, une nouvelle offre globale “vie au travail”, et passer ainsi d’une gestion des risques professionnels centrée sur l’évitement des accidents à une politique active de promotion de la santé. C’est le sens également des démarches prônées par l’Afnor.

Peut-on dégager les grandes lignes d’une méthodologie pour déployer un programme de santé globale ?

Il faut partir d’une identification claire de la démographie de l’entreprise, y compris en termes de différenciation hommes-femmes. Où sont les métiers pénibles, quels sont les effets de sélectivité qu’entraînent des conditions de travail dégradées ? Repérer ensuite quels sont les indicateurs de santé clés, en intégrant aussi les signaux faibles – les passages à l’infirmerie, les plaintes – ; et identifier les métiers ou les collectifs en difficulté. Si l’employeur veut crédibiliser la démarche, il doit dégager des actions prioritaires en lien avec ce diagnostic, expliquer sa politique et soutenir le management intermédiaire pour qu’il n’ait pas le sentiment de subir une nouvelle contrainte.

Quels sont les indicateurs à suivre pour mesurer les effets des politiques engagées ?

Les indicateurs de suivi sont classiques : l’absentéisme, le turnover, les accidents et les maladies professionnelles, et les enquêtes de satisfaction régulières. Les entreprises savent aujourd’hui qu’il n’est plus suffisant de prévenir les accidents du travail : si on compare leur coût à celui de l’absentéisme, le rapport est de 1 à 10. Elles doivent donc s’intéresser à tous les déterminants de l’absentéisme.

Auteur

  • V. L.