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Motivation : Combattre la peur dans son équipe

Les clés | publié le : 20.09.2016 | Éric Delon

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Motivation : Combattre la peur dans son équipe

Crédit photo Éric Delon

Restructurations, fusions, résultats en berne… : les cortèges de rumeurs et de mauvaises nouvelles sont de nature à générer de la peur dans une équipe. Comment y faire face ?

Aujourd’hui directeur associé d’une agence d’événementiel, François Buson se souvient d’une expérience de management particulièrement douloureuse il y a quelques années, lorsqu’il était aux commandes d’une agence de presse : « Je venais de perdre mon principal client. Mes 25 salariés voyaient bien que je passais davantage de temps avec mes banquiers qu’en clientèle. Je n’ai pas su redresser la barre. J’ai dû arrêter l’activité sans jamais parvenir à extirper la peur que ressentaient mes collaborateurs. J’ai été incapable de trouver une solution concrète à ces difficultés. J’ai tout gardé pour moi, agi tout seul sans leur en parler afin qu’ils continuent à faire leur job dans les meilleures conditions possibles… Avec le recul, je suis aujourd’hui un farouche partisan de la transparence dans l’entreprise et ce, à tous les niveaux. »

Les psychologues sont unanimes : tout changement de situation ou de contexte, subi ou choisi, génère de l’inquiétude et de la peur. Plus l’anxiété est forte, plus notre capacité à nous adapter se trouve entravée. Comment dompter cette peur de l’inconnu ? D’abord en considérant cette angoisse comme naturelle et légitime. « La peur est la première expérience de la vie, explique Thierry Chavel, coach de dirigeants, récent auteur de Je peux guérir (Flammarion). En venant au monde, le bébé quitte la sécurité du ventre maternel pour arriver dans un univers inconnu où il craint d’étouffer, d’avoir froid, d’avoir faim, d’être abandonné… Marqués par cette expérience primitive, nous développons toute notre vie des stratégies pour endiguer nos peurs. »

Non seulement la peur serait normale, mais elle serait même utile, car elle indique qu’il va falloir affronter un danger. Confronté à ce type de situation, le manager doit avant tout rassurer son équipe. « Les causes de la peur qui traverse une équipe sont multiples : chute des résultats, réunions précipitées de la hiérarchie, gel des budgets. Bien souvent, il s’écoule plusieurs mois entre les premiers bruits de couloir et l’annonce éventuelle d’un plan. D’où l’angoisse légitime des intéressés », analyse le coach Daniel Paraiso. Pour éloigner la peur, le manager doit impérativement communiquer avec son équipe, de manière régulière mais sans excès. « Cela permet de tenir au courant ses collaborateurs de ce dont il a connaissance. Cela les rassure et cela souligne sa capacité à les protéger. Cela permet aussi de limiter les bruits de couloir, de rassurer, de forger la solidarité de l’équipe et, ainsi, d’éviter toute défiance ou sentiment d’abandon », poursuit le coach.

Autre impératif pour un manager confronté à une équipe dans laquelle la peur s’est insinuée : libérer la parole, afin que chacun puisse exprimer son ressenti. Nommé il y a un et demi CEO d’IPG Mediabrands, un groupe d’agences de stratégie média, Thomas Jamet possède une longue expérience de restructuration d’entreprise. Son credo : dire la vérité, même si cette dernière n’est guère réjouissante : « La sincérité est essentielle. Affronter la réalité rend les collaborateurs plus productifs. J’en ai connu qui m’étaient hostiles a priori et qui se sont révélés être de précieux alliés. Il faut montrer que la restructuration, si c’est cela dont il s’agit, s’inscrit dans un projet. » Lors d’une réorganisation d’une des structures dont il avait la charge, Thomas Jamet prenait soin de réunir son équipe à intervalles très réguliers en leur livrant l’ensemble des chiffres disponibles, y compris ceux qui étaient censés être réservés au comité de direction : « Les collaborateurs ont pu appréhender l’ensemble de la réalité économique. » Par ailleurs, afin de conjurer la peur, Thomas Jamet s’évertue à se projeter vers l’avenir en montant des équipes projet, « dans un esprit commando, en martelant que l’on va y arriver. Je crois beaucoup aux prophéties autoréalisatrices, et au travail fourni, bien entendu ».

Valoriser ses collaborateurs

« En l’absence de motivation et de perspectives, la peur s’installe et se diffuse, résume le coach Thierry Chavel. Mieux vaut marcher avec le soleil dans le dos, que face à soi, car on voit son ombre. » Enfin, il est indispensable que le manager, à qui il n’est pas interdit de montrer ses émotions (logique de compassion), “positive” tout ce qui peut l’être. « Les bienfaits de la parole positive ne sont plus à démontrer, estime le coach Daniel Paraiso. Le manager doit féliciter un peu plus que d’habitude les membres de son équipe, même si les choses vont mal, et les valoriser dès que c’est possible par une promotion ou une prime, en récompense des efforts accomplis. »

Les conseils du coach

Michel Barabel

Maître de conférences en gestion des ressources humaines, coauteur avec Olivier Meier de Manageor (Dunod, 2015)

–1– Laisser les rumeurs – constitutives de la peur – s’exprimer

Contrairement aux idées reçues, les rumeurs doivent pouvoir s’exprimer, car il s’agit d’un moyen de libération du stress des salariés. En revanche, le manager doit faire preuve d’une écoute active et prendre note de l’ensemble des informations qui circulent, notamment dans les espaces informels (machine à café, lieu de détente, pause…). Ne rien faire peut favoriser un conflit social. Ces informations recueillies permettent au manager de cartographier les craintes de ses collaborateurs, qui lui seront utiles pour bâtir son plan de communication.

–2– Créer des espaces de dialogue

Sur la base d’informations fiables, le manager doit rétablir des vérités et favoriser le dialogue dans des espaces appropriés. Le manager doit bien préparer ces discussions en anticipant les questions et en mesurant l’impact réel de cette démarche sur chaque individu. Tout en assumant un discours de vérité sur les craintes légitimes de ses collaborateurs, il doit réaffirmer le cadre : comment cela va se passer, quelles sont les règles, comment s’assure-t-on que l’équité sera respectée…

–3– Valoriser les points positifs du changement

Il est insuffisant d’asséner qu’un changement est “vital”. Le manager ne peut se contenter de livrer à ses troupes des éléments négatifs, sous peine de renforcer la volonté de résistance des acteurs. Il est nécessaire de tenir un discours de transparence et de vérité tout en se montrant empathique (écoute, compréhension, aide).

Auteur

  • Éric Delon