logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Zoom

Protéger ses salariés et muscler sa compétitivité

Zoom | publié le : 13.09.2016 | Thierry Butzbach

Image

Protéger ses salariés et muscler sa compétitivité

Crédit photo Thierry Butzbach

Concilier la lutte contre les TMS et contre l’absentéisme avec l’aspiration au bien-être des salariés en favorisant le développement d’activités physiques. C’est le pari fait par de plus en plus de managers. Avec succès, puisque la pratique sportive améliore aussi la productivité et l’esprit d’équipe.

Lorsqu’on lui demandait le secret de sa longévité, Winston Churchill, à 80 ans, répondait malicieusement : « No sport ! » La réplique est savoureuse mais elle ne vaut pas pour tout le monde. Les bénéfices pour la santé d’une pratique sportive régulière sont aujourd’hui validés par de nombreuses publications scientifiques. Avec la dégradation des comptes sociaux, notamment par la multiplication des maladies chroniques, les bienfaits préventifs du sport sont aujourd’hui devenus l’une des préoccupations majeures de la société… et des entreprises. Échauffements avant la prise de poste, étirements après les heures de travail, élargissement de la pause déjeuner, vestiaires aménagés avec douches, mise à disposition de salles de sport et participation aux compétitions interentreprises : on ne compte plus les initiatives favorisant le développement du sport en entreprise.

De nombreux “signaux” – comme l’application récente de l’indemnité kilométrique vélo – montrent d’ailleurs que le sport est désormais un sujet de société prégnant pour les employeurs. « Les entreprises n’ont plus le choix : elles doivent prendre conscience de leurs responsabilités concernant l’effet délétère du travail sur la santé de leurs salariés et mettre en place des dispositifs de prévention. Demain, on questionnera leurs contributions aux politiques de santé publique », prophétise Julien Pierre, maître de conférences à la faculté des sciences du sport de l’université de Strasbourg. Et l’auteur du Sport en entreprise. Enjeux de société (Economica, 2015) de s’interroger : le jour où un salarié malade accusera son employeur aux prud’hommes de « sédentarisation excessive » est-il annoncé ? Aux États-Unis, où la culture de la prévention est bien plus développée qu’en France (sans doute à cause d’un système de couverture sociale moindre), les primes d’objectif pour la perte de poids ou l’exercice d’activités sportives ne sont pas rares.

Selon le Code du travail (articles L. 4121-1 et suivants), l’entreprise se doit de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, notamment par des actions de prévention des risques professionnels. En tant que thérapie non médicamenteuse à l’efficacité validée, le sport est ainsi devenu une panacée pour tous les maux. « Au-delà de l’ergonomie, la promotion des activités physiques et sportives est un moyen pour les entreprises de prévenir les risques de troubles musculo-squelettiques (TMS) mais aussi des risques psychosociaux, estime Laurent Tarin, président de la société de conseil Panakeia. Du côté des salariés, cet intérêt pour le sport trouve un écho avec la montée en puissance simultanée des préoccupations relatives au bien-être. »

Comme des sportifs de haut niveau

À Colomiers, près de Toulouse, l’atelier de peinture de l’usine de Safran Aircelle (qui réalise les nacelles de moteurs d’avion) cumulait jusqu’en 2014 plus de 1 000 jours d’absence de ses salariés pour cause de maux de dos et douleurs musculaires diverses. Avant de mettre sur pied un traitement de choc en considérant les employés comme des sportifs de haut niveau avec médecin, podologue, ostéopathe, diététicien et coach à disposition. Un programme auquel a adhéré plus de la moitié de l’équipe depuis deux ans. Pour ces volontaires, toutes les prises de postes sont précédées d’une séance d’échauffement musculaire de 15 minutes et se terminent par une demi-heure d’étirement et de gainage, toutes encadrées par un coach sportif. Les exercices se font pendant le temps de travail et, si la fatigue est toujours là, les douleurs semblent bel et bien avoir disparu. « Nous avons trois fois moins d’absences liées aux TMS », rapporte Jérôme Rebière-Desveaux, le DRH.

En dépit du temps consacré au sport, les salariés bénéficiant du dispositif font le même travail que les autres. Mieux, ce programme sportif a amélioré l’ambiance au sein de l’équipe en favorisant la communication et la convivialité. Face à ce succès, d’autres filiales du groupe aéronautique déclinent le dispositif, tandis que Safran Aircelle s’engage encore plus loin en proposant aux salariés qui le souhaitent un programme de sevrage du tabac par le sport. À terme, un troisième programme de lutte contre la sédentarité et les risques psychosociaux sera mis en place, avec cours de yoga et séance de cardio-training.

Comme Bouygues Construction ou France Télévisions, les entreprises rechignent de moins en moins à introduire ce type de protocoles d’activité musculaire renforcée. Leur mise en place exige du doigté et une bonne dose de conviction, car il faut souvent que la direction y consacre un budget, que les managers revoient l’organisation du travail, et les équipes elles-mêmes sont souvent sceptiques. Mais le jeu en vaut la chandelle. Selon l’étude de Goodwill Management sur l’impact économique de l’activité physique et sportive sur l’entreprise, le salarié et la société civile (septembre 2015), il ressort qu’un collaborateur sédentaire qui se met à pratiquer régulièrement une activité physique et sportive en entreprise améliore sa productivité de 6 % à 9 %. Et que l’incitation de l’entreprise à la pratique sportive des salariés conduit à une amélioration de 1 % à 14 % de la rentabilité nette, selon le niveau d’engagement. Les résultats sont aussi bénéfiques pour la population, puisque le salarié allonge de trois ans sa durée de vie et réduit de six ans l’âge du début de la dépendance.

Beaucoup d’entreprises incitent donc leurs salariés à faire du sport, certes sur le lieu de travail, mais en dehors des heures de travail. « La mise à disposition d’une salle de sport ravira les pratiquants mais ne suffira pas à séduire les sédentaires. Pour les persuader, il faut développer des arguments propres à les convaincre de l’utilité d’une pratique sportive », prévient Roland Krzentowski, président de Mon Stade. Au siège parisien de l’organisme de complémentaire santé et prévoyance MGEN (550 personnes), le prestataire a ainsi mis sur pied un programme individualisé avec médecin et préparateurs sportifs. Au menu, trois séances d’activité sportive encadrée par semaine pendant trois mois, avec des objectifs en termes d’augmentation de capacité. Une période suffisamment longue pour constater les premiers résultats positifs et gagner en autonomie.

En plus de maintenir le corps en bonne santé et de soigner le moral, le sport favorise également les dynamiques collectives. À l’image de Natixis, qui mise sur le sport pour fédérer ses salariés, le “travailler ensemble” se cultive aussi sur le terrain du sport. « On est tous différents, mais on vit ensemble. Dans un groupe aussi international et interculturel que le nôtre, le sport est le premier vecteur d’intégration, de solidarité et de cohésion », insiste Haïdy Aron, responsable diversité et égalité de Veolia. Qui a pris en charge les frais de participation de son équipe à la première édition des Jeux mondiaux du sport d’entreprise, en juin dernier à Palma de Majorque.

Une préoccupation stratégique

Clé de voûte de l’organisation de ces compétitions interentreprises, la Fédération française du sport d’entreprise (FFSE) regroupe plus de 3 500 entreprises. Sa directrice générale Catherine Carradot (ancienne secrétaire générale de l’ANDRH) estime que le sport doit être une préoccupation stratégique : « L’entreprise travaille aujourd’hui en réseau, dans un écosystème où s’entremêlent ses partenaires. Cela exige une capacité d’écoute et un travail en mode projet qui réclament de l’engagement et de la cohésion. En rapprochant les équipes et en contribuant au bien-être des salariés, le sport fait sauter les barrières hiérarchiques et générationnelles, il favorise le dialogue et contribue donc directement à l’esprit d’innovation et à la performance. »

Salon Pep’Sport les 14 et 15 septembre à Paris

Les premières rencontres du sport en entreprise, dont Entreprise & Carrières est partenaire, se tiennent les 14 et 15 septembre au stade Jean-Bouin, à Paris ; 3 000 visiteurs sont attendus. Expositions, conférences, rencontres d’affaires, ateliers exposants, “village innovation” et démonstrations sportives en plein air réuniront les différents acteurs du secteur (directions des ressources humaines, comités d’entreprises, prestataires de produits et services) pour échanger autour des enjeux et des problématiques liés à la pratique des activités physiques en entreprise.

Pour en savoir plus : www.pepsport.fr.

Auteur

  • Thierry Butzbach