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Sur le terrain

Suisse : Débats tendus sur les inégalités

Sur le terrain | International | publié le : 13.09.2016 | Mathieu Noyer

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Suisse : Débats tendus sur les inégalités

Crédit photo Mathieu Noyer

Une réforme fiscale adoptée en début d’été et un référendum sur la revalorisation des retraites prévu ce mois créent une tension sociale inhabituelle. Sans rapport l’un avec l’autre, ils interrogent sur le modèle social du pays dans un contexte d’écarts grandissants entre hauts et bas revenus.

La Suisse n’est pas connue comme le pays au plus lourd climat social. Mais voilà que les esprits s’échauffent fortement sur deux sujets : la loi de réforme de l’imposition des entreprises, dite RIE III, qui a été adoptée peu avant les congés d’été, et la votation populaire organisée le 25 septembre sur l’amélioration du système de retraite de base, l’AVS (assurance vieillesse et solidarité). Le rapport entre l’un et l’autre ne saute pas aux yeux, mais Daniel Lampart, le chef économiste de l’Union syndicale suisse (USS), le principal syndicat interprofessionnel du pays, se charge de jouer les éclaireurs : « C’est l’accroissement injustifié des inégalités qui est en jeu », résume-t-il.

Dans le premier cas, la complexe réforme fiscale aboutit in fine à baisser l’imposition des entreprises, sous couvert de leur harmonisation selon les types juridiques de sociétés et l’origine des bénéfices (nationale ou étrangère). Le patronat et l’État y voient un facteur d’attractivité pour l’accueil des multinationales et, par ricochet, pour le recrutement de talents internationaux.

Alourdissement de l’impôt

L’USS et plus généralement les associations sociales, familiales et de salariés ont une autre vision : le manque à gagner qui en résultera pour les pouvoirs publics – entre 1,3 et 2,5 milliards de francs suisses selon les points de vue – va entraîner nécessairement en contrepartie un alourdissement de l’impôt des ménages. Or, d’après les calculs de l’USS, depuis l’an 2000, les salariés millionnaires ont vu leur taux passer de 37 % à 32 % pendant que leurs salaires ont augmenté de 43 %, alors que les revenus moyens acquittent un peu plus d’impôts, pour un revenu en hausse de seulement 14 %. La faute au dumping de la main-d’œuvre étrangère et à une insuffisante progression du salaire minimum, ainsi que de la négociation collective de branche, analyse l’USS.

L’inégalité la plus criante viendrait de l’évolution en quinze ans de la charge « fiscale », en fait l’addition de tous les impôts-taxes et cotisations sociales. Pour une personne seule, elle a augmenté de 180 francs par mois dans la tranche des 10 % de revenus les plus bas du pays et dans celle des salaires moyens, pendant qu’elle a baissé de 60 francs chez les 1 % les plus riches.

Le principal facteur de hausse pour les plus modestes vient des primes d’assurance-maladie exigées par les caisses privées, et indispensables en Suisse pour obtenir une couverture correcte. « Elles ont absorbé les hausses de salaire ces dernières années », estime Daniel Lampart. Pour redonner de l’air, l’USS et les partis de gauche demandent le relèvement de 10 % de toutes les rentes, afin de soulager non seulement les personnes âgées, mais aussi les actifs, en les faisant moins épargner pour leurs vieux jours. C’est le sens du référendum « AVS Plus » du 25 septembre prochain. « L’AVS est aujourd’hui le dispositif à même de compenser les inégalités », estiment les partisans.

Cette fois-ci, ce sont les milieux économiques et les partis de droite qui donnent de la voix. Ils jugent l’initiative AVS Plus « irresponsable, aux antipodes de l’évolution démographique », et particulièrement malvenue alors que le système d’assurance-retraite est devenu déficitaire en 2014 et que son trou ne va cesser de se creuser. Selon leur description, le mécanisme de ce dispositif aboutit en outre à ce que l’augmentation ne profite pas aux personnes qui en auraient le plus besoin. Ces opposants au référendum retournent finalement l’argument des adversaires de la réforme fiscale : qui va financer les 5,5 milliards de francs qu’induirait la revalorisation des prestations retraite, sinon les pouvoirs publics par des impositions pesant sur les ménages ? interrogent-ils. De façon ingénue, ou presque…

Dans les médias

LA TRIBUNE DE GENÈVE. Une charte pour l’égalité salariale

La Confédération et 25 cantons et communes de Suisse ont signé mardi une charte pour améliorer l’égalité salariale dans le secteur public. Le texte impose aux administrations de sensibiliser à la loi sur l’égalité entre femmes et hommes en premier lieu les responsables chargés de fixer les salaires et d’évaluer les collaborateurs. Selon une statistique remontant à 2012, les employées des administrations nationales et locales ont perçu 16,5 % de moins que leurs collègues masculins. Près de 40 % de ces différences de traitement ne sont pas justifiées. 6 septembre, La Tribune de Genève, quotidien généraliste.

LE MATIN. Appel à faire reculer l’illettrisme

Alors que le Parlement débattra à l’automne d’une nouvelle loi sur la formation continue, la fédération suisse Lire et Écrire appelle à faire de la lutte contre l’illettrisme une priorité. Le phénomène touche 800 000 adultes, qui ne maîtrisent pas la lecture ni l’écriture, selon les statistiques publiques. 5 septembre, Le Matin, quotidien généraliste.

Auteur

  • Mathieu Noyer