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L’enquête

Legisway : Le quart du capital est aux mains des salariés

L’enquête | publié le : 13.09.2016 | H. T.

Depuis 2011, l’éditeur de logiciels propose chaque année à ses collaborateurs d’investir dans l’entreprise. Pour le Pdg et la responsable RH, le dispositif, qui n’est pas logé dans un PEE, est devenu un levier de dialogue et de créativité.

Lorsque Legisway organise, en 2011, la sortie des “financiers” de son capital détenu aux deux tiers par des investisseurs externes – la Société générale en possédant 30 % –, le Pdg, Jérôme Teissier, en profite pour tendre la perche à son personnel. « En tant qu’entrepreneur, il me semblait important de proposer à ceux qui le souhaitaient de les associer à la réussite de l’entreprise, et l’occasion m’était donnée de leur permettre d’acheter des actions dans de bonnes conditions », raconte-t-il.

Créé en 2000, l’éditeur de logiciels de gestion de contrats, qui compte aujourd’hui 45 salariés, avait bien tenté les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise (BSPCE), donnant la possibilité à leur porteur de souscrire ultérieurement des actions à un prix fixé d’avance. « Mais les actions n’ont jamais atteint le prix convenu », raconte-t-il.

Le rachat auprès de la banque donne de fait aux actions une valeur concrète. Et permet alors au patron de s’entendre avec son personnel sur une formule de valorisation très simple, validée par le commissaire aux comptes : « Une fois le chiffre d’affaires annuel divisé par le nombre d’actions, sachant que la valeur des titres sur notre marché s’établit plutôt entre une fois et demie et deux fois le chiffre d’affaires », détaille-t-il.

Autre point fondamental pour Jérôme Teissier : l’établissement d’un pacte d’actionnaires signé par tous les intéressés, qui formalise les règles du dispositif et lui donne « des bases saines ». Selon ce document, « quoi que je fasse en tant qu’actionnaire majoritaire, les actionnaires minoritaires ont le droit de faire la même chose que moi, dans les mêmes conditions. Comme par exemple vendre des actions à un prix avantageux à une entreprise souhaitant prendre le contrôle de Legisway. Sachant que, si cet acheteur veut acquérir 100 % des titres, les actionnaires salariés devront suivre, selon un principe de réciprocité ».

Création d’un “marché interne”

Legisway ne dispose pas de plan d’épargne entreprise (PEE), lui ayant préféré jusqu’ici la logique des primes et des dividendes, mais le projet serait à l’étude. Du coup, les actions sont directement gérées en interne via le registre des mouvements de titres et les comptes d’actionnaires, l’administration fiscale devant être prévenue de chaque mouvement. « Mais certains salariés nous demandent de transférer leurs actions sur un plan d’épargne en actions (PEA). »

Le problème de la liquidité des actions, l’éditeur l’a résolu en créant un “marché interne” : chaque salarié peut revendre ses actions à un autre salarié. Si le premier ne trouve pas preneur, c’est le Pdg qui s’efforce, toutefois sans engagement, de racheter les titres en cas de besoin, par exemple pour l’acquisition d’une résidence. Ce qu’il a toujours réussi à faire jusqu’à présent, affirme-t-il.

À l’ouverture du capital, en 2011, 40 % des salariés se sont laissés tenter, se félicite Jérôme Teissier. Depuis, il leur propose chaque année d’acheter des actions Legisway selon la même formule et « autant qu’ils en veulent ». Un actionnariat qui implique, pour le chef d’entreprise, une obligation de transparence et de précision de l’information : « Quand on décide d’associer ses salariés pour des montants significatifs, il est important de respecter le formalisme juridique de la vie de l’entreprise », conseille le Pdg. « Tous les actionnaires sont conviés aux deux assemblées générales annuelles. Nous mettons tout à plat : chiffres d’affaires, ventes, objectifs, risques… De là naît une meilleure compréhension des rouages de la société, mais aussi une solidarité entre les services… Et des idées. Le fait que chacun ait fait l’effort d’acheter un petit morceau de Legisway crée une synergie incroyable. »

Mais cela génère aussi des responsabilités supplémentaires pour le chef d’entreprise, éminemment conscient des risques potentiels pour les salariés actionnaires : « Ce n’est pas simple à vivre », admet-il. Aujourd’hui, 60 % des collaborateurs détiennent 26 % du capital (2 % se trouvent entre les mains d’anciens salariés). Les actions rapportent entre 2 et 4 euros brut par an – sur les cinq dernières années, Legisway aurait ainsi distribué plus d’un million d’euros de dividendes –, leur rentabilité brute (dividendes et plus-value) étant de 10 % par an en moyenne.

Un à-côté substantiel, quoique passablement allégé à la source par le régime fiscal et social des dividendes (21 % à titre d’acompte sur l’impôt sur le revenu et 15,5 de prélèvements sociaux). « Cette année, une personne devait par exemple toucher 1 365 euros brut de dividendes et n’a perçu à l’arrivée que 866 euros », illustre Delphine Lanchy, directrice générale adjointe de Legisway.

Prise de conscience des salariés

Il n’empêche. Pour celle qui est en charge de la politique RH de l’entreprise, le calcul du dividende est un exercice « intéressant » : « Que fait-on des bénéfices, faut-il recruter, investir dans la R & D, que peut-on redistribuer ? Les salariés actionnaires prennent conscience de tous ces paramètres. Mais les assemblées générales ne suffisent pas à faire converger les points de vue, nuance-t-elle. C’est un travail quotidien, en lien avec la culture d’entreprise. » Et cela peut déboucher, dit-elle, sur « des décisions originales ». Comme, par exemple, le recrutement d’un professeur d’anglais “à demeure” en CDI, et la réorientation du budget formation sur le développement personnel.

Repères

Activité

Édition de logiciels de gestion de contrat.

Effectif

45 salariés (42 en équivalent temps plein).

Chiffre d’affaires 2015

4,2 millions d’euros.

Auteur

  • H. T.