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Toyota Onnaing : une expérimentation QVT réussie

Zoom | publié le : 30.08.2016 | Stéphanie Maurice

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Toyota Onnaing : une expérimentation QVT réussie

Crédit photo Stéphanie Maurice

Débutée en janvier 2016, une démarche de résolution des problèmes, impulsée par la CFDT et limitée pour l’instant à une chaîne d’assemblage, va être étendue à l’ensemble de la production à partir de septembre.

Amélioration des relations sociales, meilleure appréciation des conditions de travail, problèmes résolus plus rapidement : à l’usine Toyota d’Onnaing, près de Valenciennes (Nord), la direction a tiré un bilan positif de l’expérimentation qualité de vie au travail (QVT) menée depuis janvier sur l’une des lignes de production, et a décidé de généraliser le dispositif à partir de septembre. C’est un satisfecit pour la CFDT : le syndicat est à l’origine de l’action. Ses adhérents au sein de Toyota, avec le soutien de la CFDT Métallurgie, ont établi en février 2015 un diagnostic sur les bonnes pratiques et sur les défaillances que soulevaient les ouvriers, les “team members” en langage Toyota.

Amélioration permanente

« Nous sommes dans le cadre du Toyota production system », rappelle Richard Szczygiel, référent QVT sur le site pour la CFDT. Donc, chez les inventeurs du lean management et de son credo, l’amélioration permanente. Or c’est justement sur la remontée des informations venant de la base que portent les critiques syndicales : « Cela restait une relation du haut vers le bas : les ingénieurs qui aménagent les postes de travail, alors que ce sont les team members qui vivent les process, explique Richard Szczygiel. Par exemple, quand il y avait un changement de rythme sur la chaîne pour s’adapter aux ventes, c’était fait par un groupe support, sans demander l’avis des opérateurs. »

Même si les modifications étaient opportunes, elles n’étaient pas partagées ni expliquées : « Les gars arrivaient sur le poste de travail et découvraient que tout avait changé : cela ne passait pas », note le syndicaliste CFDT. Les enjeux sont importants : les ouvriers de Toyota souffrent de troubles musculo-squelettiques (TMS), alors que la moyenne d’âge est basse, 37 ans. « Il n’y a pas beaucoup de temps morts, et le process est chargé, explique Richard Szczygiel. Si les rotations de personnel sont mal gérées, une personne peut rester sept jours d’affilée sur le même poste. » Ce qui signifie mal de dos, douleurs dans les poignets. La problématique a été prise en compte par la direction, avec des ergonomes dans l’usine. Pour, par exemple, rapprocher un rack, ce qui évite de tendre la main. En 2011, un accord de “bien-être au travail” a été signé par toutes les organisations syndicales (CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC) hormis la CGT.

La direction générale, consciente des enjeux de santé au travail mais aussi de productivité, a accepté l’idée d’une expérimentation de qualité de vie au travail. Les négociations ont duré près d’un an, pour descendre jusqu’au management de proximité, nécessaire à convaincre. Elle a été mise en place sur une ligne d’assemblage, la Final 1, où sont montés roues, pare-brise et batteries. « C’était une zone représentative du site, et sur laquelle on pouvait tenter l’expérience », précise Benoît Chambon, l’ancien DRH du site, désormais directeur de production à l’atelier assemblage. Six équipes de cinq à six personnes chacune, qui tournent en 3x8 – six le matin, six l’après-midi, six de nuit – s’y relaient sur trois postes (de 5 h 30 à 13 h 15, de 14 h 00 à 21 h 43, et de 21 h 55 à 5 h 30).

Moment d’échanges

« Nous n’avons rien révolutionné », s’exclame Richard Szczygiel. Beaucoup d’outils existaient déjà, mais étaient mal utilisés. » Tous les 15 jours, une réunion de développement personnel de 50 minutes était ainsi programmée, mais elle tournait en rond et les opérateurs avaient l’impression d’y perdre leur temps, sans que soient évoquées les véritables difficultés sur la chaîne.

L’option choisie a été de redynamiser ce moment d’échanges. « L’idée était d’enregistrer toutes les remontées de problèmes, puis de faire réfléchir l’équipe. Il est important de mettre tout le monde autour de la table », souligne Benoît Chambon. Ce qui paraît simple, mais n’était pas pratiqué.

Richard Szczygiel le rappelle : « Avant, les gens soulevaient des problèmes puis attendaient plusieurs mois sans avoir de nouvelles. » D’où l’impression que leur avis ne comptait pas, et le dépérissement progressif des réunions de développement personnel, qui portaient sur des thématiques générales. Désormais, l’un des 18 référents nommés est chargé d’animer la réunion. Si la résolution du problème est trop complexe, ou hors du champ de compétence de l’équipe, la main passe au n + 1. À charge pour lui d’en référer aux services compétents, maintenance, ergonomie, par exemple. Une personne de la “team” doit suivre le dossier, et donner des nouvelles au reste du personnel. « C’est constructif, et cela enlève des frustrations, souligne le référent CFDT. Une anomalie peut ne pas être résolue pour une question de coût : au moins, maintenant, on a une explication claire. »

Pour formaliser ces réflexions, une fiche “gestion des anomalies” a été créée et affichée dans l’atelier. Avec trois indications importantes : les faits constatés, évidemment, mais aussi la solution possible et le délai de résolution nécessaire. « Nous donnons la priorité à la sécurité, et aux conditions de travail », note Benoît Chambon.

80 % de problèmes résolus

Au bout de six mois, le système a fait ses preuves : le taux de résolution des problèmes est de 80 %, soit 270 défaillances réglées. Fabrice Cambier, délégué syndical FO, reconnaît en effet une meilleure réactivité sur ce point précis. Mais il prône la vigilance : « Si on veut réellement améliorer les conditions de travail, il faut investir. Sinon, on amuse la galerie et c’est tout. » Il craint un délitement du système au fil des mois, au rythme des turnovers des référents. « À Toyota, ça bouge beaucoup, on change souvent de service, et le suivi des projets risque d’être difficile », explique-t-il. Pour l’instant, les salariés sont satisfaits. Un questionnaire a permis de mesurer les bénéfices immatériels de la mesure : en six mois, le taux de satisfaction sur la démarche QVT est passé de 22 % à 75 % sur la ligne concernée.

Et la rentabilité a été améliorée : par exemple a été déployée une aide au “picking” : sur la chaîne, où peuvent passer plus de 1 000 véhicules par jour, chaque modèle est différent, diesel ou hybride, conduite à droite ou à gauche, et l’ouvrier doit choisir les bonnes pièces, sans se tromper. Ce qui était source de stress : « Nous avons allégé la charge cognitive avec des voyants qui signalent ce que l’opérateur doit prendre, ce qu’ils ont fortement apprécié », raconte Benoît Chambon. Il voit dans cette expérimentation le moyen de « générer de la motivation ».

Les salariés se sentent reconnus car leur avis est pris en compte. Des éléments qui, assure-t-il, améliorent la compétitivité de l’usine d’Onnaing, et assurent sa pérennité face à la concurrence internationale.

Auteur

  • Stéphanie Maurice