logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Chronique

Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 30.08.2016 | Denis Monneuse

Image

Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Toujours deux sans trois

Permettez-moi de débuter la rentrée sous de bons auspices. Vous ne le savez peut-être pas, mais il y a un domaine pour lequel le french bashing ne sévit pas à l’étranger. Bien au contraire, la France est même fortement admirée pour une chose : sa capacité à avoir accru en quelques années et de façon spectaculaire le nombre de femmes en politique et dans les conseils d’administration des entreprises. Il est vrai que l’introduction de quotas, en dépit de ce qu’il peut avoir de choquant du point de vue démocratique, est extrêmement efficace.

Voilà pour la bonne nouvelle. Parce que, malheureusement, il y en a une moins bonne à partager. Que se passe-t-il en l’absence de quotas concernant, par exemple, les cadres dirigeants ? Eh bien des quotas implicites se mettent en place dans de nombreuses entreprises. Cela devrait donc accroître le nombre de femmes parmi les dirigeants, me direz-vous. Oui et non, car il s’agit de quotas restrictifs. C’est ce qu’indique en tout cas une étude de Cristian Dezsö, David Gaddis Rosse et José Uribe dans la revue Strategic Management Journal.

À partir de l’étude des équipes dirigeantes de 1 500 entreprises cotées aux États-Unis, ils notent tout d’abord que la progression du nombre de femmes est réelle mais lente (elles sont passées de 1,6 % à 8,7 % des dirigeants). Ils observent ensuite un phénomène curieux : aucun cercle vertueux n’apparaît. Généralement (j’en avais parlé dans une chronique en début d’été), plus il y a de femmes managers dans une entreprise, plus celle-ci met en place des actions en faveur de l’égalité professionnelle, donc plus le nombre de femmes managers augmente. Cela s’explique aussi par les “femmes modèles”. Si une jeune femme se rend compte que des femmes plus expérimentées ont réussi à devenir dirigeantes, elle peut s’identifier à elles et avoir l’ambition de leur ressembler en devenant elle-même dirigeante quelques années plus tard au lieu de s’autolimiter par manque de confiance en soi ou par anticipation du plafond de verre.

Pourquoi ce cercle vertueux n’existe-t-il donc pas au sein même des équipes de direction ? Une explication pourrait être celle du « syndrome de la reine abeille » : les femmes dirigeantes feraient elles-mêmes en sorte de rester les seules femmes au sommet. Mais nos trois chercheurs mettent en avant une autre explication à partir de leurs analyses statistiques : il existerait une sorte de quota implicite qui ferait que les entreprises se débrouilleraient pour avoir une ou deux femmes dans l’équipe dirigeante, mais pas plus.

Une autre étude à paraître prochainement, réalisée par d’autres chercheurs en management, va exactement dans le même sens. Cette stratégie permet de montrer patte blanche : elle a le mérite d’éviter ces photos où seuls des hommes (généralement aux tempes grisonnantes) représentent l’entreprise. Avec une ou deux femmes parmi les dirigeants, une entreprise échappe à l’accusation de discrimination : puisque deux femmes ont réussi, c’est possible ! En revanche, la diversité reste limitée pour ne pas bousculer les habitudes.

Bref, les quotas (implicites) ont aussi leurs limites. Ce n’est donc qu’à partir de la troisième femme dirigeante qu’une entreprise peut vraiment être qualifiée de women friendly !

Auteur

  • Denis Monneuse