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Apprentis handicapés : des alternants (presque) comme les autres

Zoom | publié le : 19.07.2016 | Solange de Fréminville

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Apprentis handicapés : des alternants (presque) comme les autres

Crédit photo Solange de Fréminville

Largement soutenu par les aides publiques, l’emploi d’apprentis handicapés commence à se faire une place. Les recrutements préparés en amont bénéficient d’un accompagnement attentif.

« Ce qui compte, c’est leur projet, leur motivation, et en quoi cela correspond aux besoins de l’entreprise. » Isabelle Delaune-Minard, directrice générale de la société informatique bretonne A2Com, recrute des apprentis en situation de handicap depuis deux ans. Bien loin de tout misérabilisme. « Il suffit de faire les aménagements nécessaires. Les deux étudiants que j’ai pris en apprentissage se sont très bien intégrés dans les équipes », poursuit-elle. Le premier était en BTS services informatiques aux organisations. Le second, toujours sous contrat dans cette entreprise de 50 salariés, est en licence pro informatique. Ils ont été recommandés par le club breton Osons l’Égalité, qui soutient l’insertion professionnelle de jeunes handicapés. Une rencontre décisive, selon Isabelle Delaune-Minard, qui a franchi le pas. Sans regret.

Encore peu d’entreprises ont suivi l’exemple d’A2Com. En 2015, l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) ne recense que 2 720 contrats d’apprentissage. Pourtant, depuis 2013, elle a nettement renforcé les aides destinées à leur financement (lire l’encadré). Leur nombre progresse, mais encore modérément (+ 6 % par an de 2013 à 2015). Pour compenser le handicap, le contrat a l’avantage de ne pas comporter de limite d’âge à l’embauche. Il affiche des résultats positifs en termes d’insertion professionnelle et de qualification : 60 % des apprentis handicapés trouvent un emploi trois mois après la fin du contrat, deux apprentis sur trois restent dans l’entreprise d’accueil, et le taux de réussite au diplôme s’élève à 72 %, selon l’Agefiph. Quant aux ruptures de contrats, problème récurrent dans l’alternance, le taux est tombé à 8 %. Ces résultats sont d’autant plus remarquables que beaucoup d’apprentis ont connu par le passé des difficultés scolaires en raison de leur handicap.

Aménager et sécuriser les parcours

L’Agefiph n’a pas lésiné sur les moyens pour lever les nombreux freins liés aux discriminations subies en raison du handicap et à l’image défavorable de l’apprentissage. D’une part, elle a noué des partenariats avec des structures régionales [notamment des associations ou des CFA spécialisés, cofinancés par les régions(1)] qui se sont chargées d’accompagner les apprentis handicapés en intervenant à leurs côtés, ainsi qu’auprès de leurs employeurs et de leurs formateurs, afin d’aménager et de sécuriser leur parcours. D’autre part, elle a engagé des préparations opérationnelles à l’emploi (POE) individuelles ou collectives, qui mettent le pied à l’étrier avant l’entrée en apprentissage. « En cumulant les deux, cela nous a permis par exemple d’amener des bacheliers à des niveaux bac + 2 ou bac + 3 », précise Sandrine Roy, chargée de mission de l’Agefiph, qui pilote le plan Alternance, reconduit en 2016. Enfin, se développent des dispositifs sectoriels tels que Hanvol, destiné à favoriser l’insertion de personnes handicapées dans l’aéronautique. Il a permis leur embauche en apprentissage chez les leaders (Airbus, Dassault…) et dans des PME du secteur.

Une stratégie similaire est déployée dans la Fonction publique, avec des résultats plus minces en raison du peu de familiarité des administrations avec un contrat qui relève du droit privé, mais aussi à cause de la concurrence des emplois d’avenir. En 2015, le FIPHFP n’a enregistré que 464 contrats(2), bien que ses aides apportées aux employeurs couvrent la quasi-totalité du coût d’un apprenti handicapé (lire l’encadré). Là non plus, pas de limite d’âge et, autre avantage majeur, pas de concours avant la titularisation.

Le FIPHFP ne dispose pas de statistiques sur la formation et l’insertion des apprentis en situation de handicap. Mais son partenaire le plus ancien, le centre de gestion de la fonction publique territoriale du Nord, qui a expérimenté un dispositif dès 2009 et accompagne chaque année 10 à 20 nouveaux contrats dans des petites communes du département, enregistre un taux de réussite au diplôme de 65 % au niveau V et jusqu’à 100 % pour les niveaux I et II. Une personne sur deux est embauchée en contrat à durée déterminée après son apprentissage, dans la même collectivité ou chez un autre employeur. « Il y a un changement de culture, observe Michaël Peigue, référent pour la Fonction publique au centre de formation d’apprentis spécialisé (CFAS) Auvergne. Les collectivités voient ce contrat comme un outil de recrutement dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. »

Autres clés de la réussite des parcours d’apprentissage : un stage d’immersion professionnelle pour tester le choix du métier, voire rencontrer le futur employeur et, pendant la durée du contrat, un accompagnement pédagogique et social des apprentis. « Nous intervenons à plusieurs moments importants, par exemple pour résoudre des problèmes de mobilité et de logement, si le CFA est loin du domicile de l’apprenti, ou pour obtenir d’un CFA un aménagement spécifique », détaille Lionel Jerez, directeur de 3ALR, Association pour l’apprentissage adapté en Languedoc-Roussillon.

Hausse du niveau de qualification

Le profil des apprentis handicapés et leur orientation professionnelle a beaucoup changé entre 2012 et 2015, sous l’effet de la diffusion plus grande des dispositifs publics et privés. Selon l’Agefiph(3), la part des 26-44 ans a été multipliée par deux. Le nombre d’apprentis atteints de handicaps moteur et de maladies invalidantes a plus que doublé, passant de 322 à 794 et faisant reculer la part de ceux atteints de handicaps mentaux et psychiques. Le changement le plus important concerne le niveau de qualification : le nombre des apprentis handicapés ayant un niveau bac ou plus a triplé.

On observe également une diversification des secteurs et des métiers. « Aujourd’hui, ils peuvent entrer dans l’aéronautique, la banque, l’assurance, le luxe… », constate Sandrine Roy. Le groupe de défense navale DCNS, qui a signé 120 contrats d’apprentissage avec des personnes en situation de handicap depuis 2010, dont 34 sont en cours, fait figure de pionnier. « Nous embauchons dans tous les métiers, du bac pro aux diplômes d’ingénieur, uniquement sur les compétences », indique Sylvain Britel, chargé de mission handicap sur les sites de Lorient et de Cherbourg, pour qui seules les réticences suscitées par le handicap constituaient un frein majeur : « Nous avons engagé en interne un travail de sensibilisation, qui a peu à peu dédramatisé la situation et permis une acceptation des différences. »

Des financements très avantageux

Dans les secteurs public et privé, les aides foisonnent pour favoriser l’entrée en apprentissage de personnes handicapées. L’Agefiph verse 1 000 euros pour un contrat de six mois et autant pour chaque nouveau semestre. Les apprentis handicapés reçoivent également une aide, de 1 000 à 3000 euros en fonction de leur âge. S’y ajoute un soutien indirect, l’Agefiph cofinançant dans chaque région un dispositif d’accompagnement pour sécuriser le parcours de la personne sous contrat. Enfin, des aides sont destinées à pérenniser l’emploi, une fois le contrat terminé. Quant aux financements du FIPHFP, ils couvrent 80 % du salaire de l’apprenti handicapé, tous les frais pédagogiques, et, selon les besoins, l’aménagement du poste et l’accompagnement de l’apprenti par un prestataire.

(1) 2APH, réseau national pour la promotion de l’apprentissage adapté des personnes en situation de handicap, fédère une grande partie de ces structures régionales.

(2) Leur nombre est sans doute plus élevé de quelques dizaines, des conventions étant en cours avec les collectivités territoriales.

(3) Le FIPHFP ne dispose pas de ces statistiques pour le secteur public.

Auteur

  • Solange de Fréminville