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Aide aux salariés : Manager les aidants familiaux

Les clés | publié le : 12.07.2016 | Nicolas Lagrange

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Aide aux salariés : Manager les aidants familiaux

Crédit photo Nicolas Lagrange

Pour faire face à la maladie d’un enfant ou à la dépendance d’un parent, de plus en plus de salariés ont besoin d’attention, de compréhension, de conseils et parfois d’une autre organisation du travail. Des problématiques nouvelles pour les managers, qui questionnent leurs approches et leurs marges de manœuvre.

« Il y a quelques semaines, j’ai dû écourter une réunion professionnelle très importante, pour accompagner chez le neurologue ma mère, qui a la maladie d’Alzheimer, raconte Valérie Aveline, directrice learning & développement du talent chez L’Oréal pour la division recherche et innovation. J’avais prévenu par écrit que je devais quitter plus tôt la réunion. J’ai été encouragée de manière sympathique à le faire. »

Pour Alain Benlezar, fondateur du cabinet Ingenium Mens Sano et ancien directeur QVT chez Air France, « la conciliation des temps professionnels, personnels, sociaux et familiaux constitue de nouveaux défis pour les managers. Le manager moderne doit être à l’écoute des membres de son équipe et attentionné, tout en respectant ses objectifs ». Une attention qui peut permettre d’identifier des situations compliquées, car 5 % seulement des salariés confrontés à une difficulté avec un proche en ont parlé avec leur manager ; leur proche étant éloigné de 200 kilomètres en moyenne, selon une étude menée en 2015 auprès de 750 aidants familiaux par Responsage. Cette plate-forme téléphonique d’experts spécialisés dans le vieillissement et la dépendance, créée en 2013, a déjà séduit plusieurs grands groupes, dont L’Oréal France (12 000 salariés) : « En cinq mois, depuis la généralisation de l’accès au service, près de 150 salariés ont appelé la plate-forme, ce qui témoigne de l’ampleur des besoins, souligne Emmanuelle Lièvremont, directrice santé et QVT. Quatre demandes principales émergent : évaluer la situation d’un proche, trouver une solution d’hébergement en institution, rechercher des intervenants à domicile et connaître les modalités et les montants de prises en charge financières. »

« Il y a un an, avec mes trois frères et sœurs, nous avons réfléchi au placement de notre mère, témoigne Valérie Aveline. En appelant Responsage, j’ai pu avoir des réponses précises et une liste de plusieurs établissements ayant des lits disponibles. Même si nous avons finalement décidé de la laisser chez elle en accroissant son niveau d’assistance, c’est appréciable d’être guidé, car les démarches sont très chronophages auprès des organismes, des professionnels de santé, du notaire… Et encore, nous avons la chance d’être quatre ! »

Lorsque le salarié est seul avec ses problèmes familiaux, il peut être moins vigilant, moins engagé, plus souvent absent. « Son corps est au travail, mais son esprit est ailleurs, résume Alain Benlezar. Ce qui occasionne parfois des conséquences sur sa qualité de travail, ses relations sociales avec ses collègues ou sa hiérarchie. Il y a aussi un vrai risque d’image pour l’entreprise, si elle se montre incapable de le soutenir. » D’où l’importance pour le manager de disposer de leviers de QVT et de marges de manœuvre, en lien avec la politique sociale de l’entreprise, pour pouvoir proposer au salarié des solutions de transition. « En 2014, nous avons encadré le congé de présence parentale ainsi que le congé de solidarité familiale – lorsque le pronostic vital d’un proche est engagé –, le salarié pouvant percevoir l’intégralité de sa rémunération pendant 90 jours, détaille Emmanuelle Lièvremont. Peut s’y ajouter un don de JRTT par les collègues, jusqu’à 45 jours, abondé par l’entreprise à 15 %. Mais le manager ou les RH peuvent également proposer la pose de congés, de jours de CET, des assouplissements horaires, l’aménagement d’un temps partiel ou encore du télétravail. »

Au cœur des actions de QVT

Parfois eux-mêmes concernés, ou conscients qu’ils pourraient l’être demain, les managers ont tout intérêt à mieux prendre en considération la problématique des aidants familiaux. Les entreprises les y encouragent quelquefois. « Manager avec générosité » est ainsi une compétence managériale évaluée chez L’Oréal. De son côté, Air France a mis en place une formation d’une journée, « manager par la QVT au quotidien pour gagner en performance », monté des groupes pluridisciplinaires intégrant les managers et élaboré des affichettes plaçant le manager au cœur des actions de QVT, avec le réseau de parties prenantes et de relais qui gravite autour de lui.

Au final, le manager peut utilement prendre les devants avec ses collaborateurs en évoquant le sujet par anticipation, pour libérer la parole. Sans pour autant se montrer trop intrusif… Un équilibre pas évident à trouver.

Les conseils du coach

Jean-Renaud D’Elissagaray

Cofondateur de Responsage

–1– Favoriser l’expression des salariés

Les problèmes des aidants familiaux passent le plus souvent en dessous des radars : ils prennent sur eux, tentent de compenser, peuvent éprouver de la culpabilité à être moins performants au travail et estiment fréquemment qu’ils ne doivent pas faire état des difficultés rencontrées. Il est donc essentiel que le manager se mette à l’écoute de ses collaborateurs, soit attentif aux indices de moindre implication et les déculpabilise. Avec un argument fort : de très nombreux salariés ont été, sont ou seront concernés tôt ou tard par la dépendance d’un proche. Le manager indique ensuite à son équipe qu’il mettra tout en œuvre pour trouver une solution.

–2– Ajuster l’organisation du travail

Le rôle du manager est clé pour faire évoluer l’organisation du travail. En lien avec les RH, il peut faire connaître au salarié les dispositifs existants et lui proposer des aménagements. Avec un message clair : le salarié peut tout à fait remplir la même mission, mais en travaillant différemment, afin d’être en capacité de s’adapter à ses nouvelles contraintes familiales. Cette considération managériale peut constituer un élément de motivation pour l’ensemble de l’équipe, un levier pour rapprocher voire souder les collaborateurs.

–3– Combattre les idées reçues sur les aidants familiaux

Un salarié aidant familial peut être perçu comme un poids pour l’équipe, susceptible de s’absenter régulièrement, pas forcément fiable, etc. Il n’en est rien si le manager sait trouver des solutions et s’il communique positivement à l’égard de l’intéressé et de ses collègues. Car un salarié qui accompagne un parent dépendant, notamment, doit gérer tellement de contraintes, se mettre en contact avec tellement d’interlocuteurs, qu’il apprend à mieux gérer la complexité et acquiert le plus souvent autonomie et esprit d’initiative. Des compétences précieuses pour l’entreprise.

Auteur

  • Nicolas Lagrange