logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

Distributeurs-grossistes en boissons : Un accord, un mode d’emploi, des formations

L’enquête | publié le : 12.07.2016 | Nicolas Lagrange

Un accord de prévention de la pénibilité dans la branche des distributeurs-grossistes en boissons, récemment étendu, crée un mode d’emploi à destination des entreprises. Mode d’emploi désormais opposable juridiquement, et dont le déploiement est assuré par des formations.

Une démarche atypique, ambitieuse… et payante ! Les partenaires sociaux des “distributeurs conseils hors domicile” (les distributeurs-grossistes en boissons) ont conclu un accord de prévention de la pénibilité majoritaire en février 2016, étendu début juin.

« Nous travaillons depuis plusieurs années sur la santé et l’amélioration des conditions de travail, avec notamment un accord sur les inaptitudes au portage et à la conduite en 2001, et plusieurs conventions nationales d’objectifs avec la Cnamts », souligne Laure Bomy, directrice générale de la Fédération nationale des boissons (FNB), unique organisation d’employeurs de la branche (non affiliée à une confédération patronale), qui assure regrouper près de 95 % des entreprises.

En 2013, la FNB constate les difficultés de ses adhérents à réaliser les fiches d’exposition à la pénibilité, aux risques professionnels, obligatoires depuis 2012. Des risques très présents dans la branche, où près de la moitié des effectifs évoluent dans la logistique (préparation de commandes, chargement, transport, livraison, déchargement), manipulant couramment des fûts de 30 litres, soit 40 kilogrammes. La FNB – qui souhaite outiller ses adhérents – et la CFDT (32 % des suffrages) convergent pour ouvrir des discussions.

Les partenaires sociaux décident en premier lieu de s’appuyer sur AG2R La Mondiale-Primavita pour sélectionner un cabinet IPRP (intervenant en prévention des risques professionnels) afin de réaliser un audit pénibilité. Choisi pour objectiver la réalité des expositions, Didacthem propose rapidement de raisonner par tâches et non par métier. « Nous avions envisagé une approche métiers collant aux classifications, reconnaît Patrick Massard, secrétaire général FGA-CFDT en charge de la branche. Mais l’entrée par les tâches est beaucoup plus pertinente, car un chauffeur-livreur, par exemple, peut ne pas faire exactement les mêmes choses d’une entreprise à l’autre : le chargement et le déchargement du camion peuvent être inclus ou pas dans ses missions. » Didacthem se rend dans six établissements employant de 14 à 195 salariés, observe les situations de travail et mène de nombreux entretiens.

Au total, dix tâches sont recensées et deux facteurs de pénibilité identifiés : la manutention manuelle de charges et les vibrations mécaniques. « Pour chaque tâche, nous avons quantifié l’exposition des salariés aux seuils de pénibilité, fourni une première liste d’axes de prévention détaillés et décrit les modalités d’application », explique Thierry Desjardin, directeur de l’expertise IPRP du cabinet. Un mode d’emploi complet constituant le support des négociations de branche et figurant en annexe de l’accord. « Les évaluations du cabinet – intervenant neutre – n’ont pas du tout été contestées, relève Patrick Massard. Nous nous sommes focalisés sur les moyens de prévention et nous avons obtenu que, dans chaque entreprise, l’accord soit systématiquement présenté aux IRP par l’employeur. » Du côté de la FNB, Laure Bomy souligne « l’intérêt d’un consensus avec les syndicats pour faciliter l’acceptabilité, au regard de la loi, des niveaux d’exposition par les salariés concernés », et met l’accent sur les nombreux échanges, durant la négociation, avec les entreprises de la branche pour faire valider la démarche et avec Michel de Virville, le “Monsieur Pénibilité” nommé par le gouvernement, pour sécuriser l’approche.

Juridiquement opposable

Signé début février 2016 par quatre syndicats sur cinq (à l’exception de la CGT), l’accord a été le premier du genre soumis à l’Administration. Laquelle l’a étendu début juin. Ainsi, le mode d’emploi est désormais opposable juridiquement aux salariés et à l’inspection du travail. Pour permettre une bonne prise en mains, la branche propose une formation ad hoc. Pendant une journée, Didacthem détaille le mode d’emploi aux patrons ou aux responsables en charge de l’évaluation et des déclarations, voire aux représentants du personnel, et leur explique comment appliquer l’accord aux salariés, en fonction de leur temps passé aux différentes tâches. Une proratisation qui peut être partagée avec les IRP puis avec chaque salarié, notamment lors de l’entretien annuel. « Nous passons aussi en revue les pistes de prévention, les aides financières éventuelles des Carsat et rappelons l’importance du DUER, ajoute Thierry Desjardin. Les retours à l’issue de la formation sont très positifs. » Près de 150 personnes ont d’ores et déjà été formées sur près de 500 entreprises.

Repères

Activité

Commercialisation et livraison de boissons aux cafés, hôtels et restaurants.

Effectif

Près de 10 000 salariés.

Auteur

  • Nicolas Lagrange