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Orange se dote d’une méthode pour évaluer et adapter la charge de travail

La semaine | publié le : 12.07.2016 | Virginie Leblanc

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Orange se dote d’une méthode pour évaluer et adapter la charge de travail

Crédit photo Virginie Leblanc

Afin de mieux anticiper les conséquences de la diminution de ses effectifs sur la charge de travail de ses salariés, Orange a signé avec trois syndicats un accord de méthodologie qui place l’expression des collaborateurs au cœur de l’analyse de leur propre charge de travail.

Alors que le parquet de Paris a demandé le renvoi en procès pour harcèlement moral de France Télécom et de son ex-patron Didier Lombard, soupçonnés d’avoir mis en place une politique de déstabilisation des salariés, la nouvelle direction d’Orange veut s’attacher, à travers de multiples accords, à améliorer les conditions de travail des salariés : prévention des RPS, organisation du travail et, maintenant, charge de travail.

Le sujet était sur la table de négociation depuis un an. Le 6 juillet, Orange a rendu public un accord de méthodologie sur l’évaluation et l’adaptation de la charge de travail, conclu le 21 juin avec la CFE-CGC, la CFDT et FO (52 % des voix).

« Nous continuons à beaucoup recruter : 6 000 salariés entre 2016 et 2018, mais de nombreux départs sont également prévus, et le nombre de salariés va diminuer », expose Jérôme Barré, DRH du groupe Orange. L’opérateur fait le pari que cette diminution des effectifs sera corrélée à des transferts de tâches automatisées grâce à la digitalisation, « mais nous ne pouvons pas ne pas évaluer l’impact de ces évolutions sur la charge de travail », souligne le DRH.

D’autant que les résultats de la troisième enquête sur le stress et les conditions de travail (plus de 47 000 répondants) réalisée par Secafi et pilotée par le Comité national de prévention du stress (paritaire) avance, parmi les points de vigilance à étudier dans les prochains mois par Orange, une inquiétude sur la charge de travail liée à l’impact de la baisse des effectifs. Environ 25 000 départs à la retraite sont prévus entre 2015 et 2020, dont une forte proportion ne seront pas remplacés.

Afin d’anticiper ces bouleversements, l’accord pose des bases méthodologiques sous trois dimensions. Tout d’abord, Orange entend travailler sur la prévision des emplois et des compétences, tant au niveau national que local. Ensuite, l’entreprise entend analyser très en amont l’incidence des projets sur la charge avec les équipes. Enfin, elle souhaite mettre en place des dispositifs d’échange et d’écoute entre managers et équipes sur le contenu du travail et sur la charge, au plus près du terrain. « Nous ne résoudrons pas cette question par une démarche top-down », affirme le DRH.

Dialogue de proximité.

L’entreprise entend créer un dialogue de proximité sur le contenu et la charge de travail et sur la perception par les salariés de leur charge. « Nous ne pouvons pas nous contenter d’éléments quantitatifs comme le volume d’activité ou le temps de travail. Il faut aussi tenir compte du ressenti des salariés. De plus, nous devons nous méfier des moyennes, qui peuvent masquer des situations de sous-charge ou de surcharge de travail à certains endroits », relève Jérôme Barré.

Pour évaluer la charge de travail, l’accord insiste donc sur le fait qu’« il ne faut pas se placer exclusivement au niveau du travail vécu, mais mener une approche globale du travail, de son organisation et des conditions de travail, par trois voies complémentaires ». À savoir : le travail prescrit, le travail réel et le travail vécu.

Salariés acteurs de leur travail.

S’agissant du travail réel, l’accord promeut l’approche par l’observation de l’activité dans son quotidien, et par des entretiens avec les « salariés acteurs de leur travail » (y compris les managers). Le travail vécu sera appréhendé par l’écoute des personnes : questionnaires et entretiens.

L’accord s’accompagne d’une boîte à outils à destination des managers, des équipes RH et des chefs de projet. L’objectif est de leur permettre de traiter le sujet au cours des réunions d’équipes, lors des entretiens individuels et, plus globalement, de disposer d’une méthode, de grilles de questionnement pour analyser les impacts des changements sur la charge et pour résoudre les éventuelles difficultés.

Non signataire de l’accord, Pascal Piron, négociateur CGT et secrétaire du comité de groupe France, regrette que celui-ci « ne traite pas de la question des objectifs de l’entreprise, ni de celle des moyens alloués pour réduire efficacement la charge de travail : le niveau d’emploi, le renforcement des prérogatives des CHSCT, le choix de modèles alternatifs d’organisation du travail et un outillage informatique incitatif au respect du temps de travail légal ». De plus, il souligne que l’accord assoit une part importante de la responsabilité de la charge de travail sur le salarié et sa communauté de travail via des groupes d’expression collective : « Il y a un risque important de transfert de l’obligation de l’employeur de préserver la santé mentale et physique des salariés sur les collectifs. »

De son côté, SUD se réserve le droit d’apposer sa signature après une nouvelle consultation de ses instances, dont le vote avait été en premier lieu « assez équilibré » entre le pour et le contre. Pour ? « Notre syndicat s’est beaucoup impliqué dans son écriture, et les instruments de mesure de la charge de travail étaient attendus de longue date », explique Christian Pigeon, représentant syndical de SUD. Contre ? « Ce n’est qu’un accord de méthodologie sans objectifs précis, et renvoyant la mesure réelle de la charge au CHSCT et à la commission de suivi devant faire évoluer le texte vers des mesures concrètes », poursuit-il.

Numérique.

Même Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC d’Orange, pourtant signataire de l’accord, relativise sa portée : « Ce n’est pas engageant, et la méthodologie de référence en annexe est celle de l’Anact, donc elle est peu contestable, relève-t-il. Mais il faut se poser la question de l’impact du numérique sur la charge de travail. L’accord ne répond pas à cette question. L’accord sur le numérique n’est toujours pas signé, et nous aimerions que des avancées soient faites sur ce texte. » Ce dernier accord, qui avait fédéré l’opposition de la CGT, de la CFE-CGC et de SUD, est en cours de discussion sur la base d’un nouveau texte. Une réunion devait se tenir ce lundi 12 juillet.

Le rôle des RH

L’accord explicite le rôle « essentiel » de la fonction RH dans l’évaluation de la charge de travail, « notamment grâce aux éléments qu’elle fournit sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. En lien avec la ligne managériale, elle construit les actions de développement de compétences individuelles et collectives à mettre en place pour améliorer le pouvoir d’agir des salariés », affirme le texte.

Elle veille à la qualité du dialogue social et met si besoin à disposition des acteurs différents éléments d’aide au diagnostic : taux d’absentéisme, PV des CHSCT, rapport sur les heures supplémentaires et complémentaires, registre relatif aux cadres exécutifs autonomes (CEA), rapports des médecins du travail et du service social, rapports sur l’emploi.

Auteur

  • Virginie Leblanc