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Sur le terrain

Fait religieux : Les directeurs de la RATP, premiers formés à la laïcité

Sur le terrain | publié le : 05.07.2016 | Rozenn Le Saint

Dans les deux ans à venir, les 45 000 agents de la régie seront sensibilisés à la neutralité religieuse dans l’entreprise. Le plan d’action a commencé en février par la formation de 220 directeurs opérationnels et responsables RH.

Quand il s’est fait embaucher en 2011, Samy Amimour a signé la charte de la laïcité, jointe au contrat. Quatre ans plus tard, il se faisait exploser au Bataclan. Dans un premier temps, à la suite des attentats du 13 novembre 2015, la RATP présentait pourtant cette clause comme sa principale arme pour lutter contre le communautarisme, dénoncé depuis des années par Christophe Salmon, ancien secrétaire général CFDT de la RATP. Refus de certains chauffeurs de conduire après une femme, de saluer leurs supérieures, prière dans les bus… « On nous répond qu’il s’agit d’un épiphénomène, c’est faux », assure-t-il.

Direction de l’éthique

Mais dès la fin du mois de novembre 2015, la régie a annoncé la création d’une direction générale à l’éthique. Le but ? Outiller les managers pour lutter efficacement contre ces comportements radicaux. En février 2016, son plan de bataille est établi : parmi les 15 actions énumérées figure la formation des directeurs de service et de l’ensemble des responsables RH.

Le 19 février, 220 managers (les directeurs des départements et des unités opérationnelles et leurs responsables RH, ainsi que des représentants de RATP Dev, la filiale internationale du groupe), se sont retrouvés autour du comité interministériel de prévention de la délinquance, en lien avec l’Observatoire de la laïcité. Cette formation, financée par la régie, s’est déroulée dans ses locaux, avec des interventions du préfet Pierre N’Gahane, secrétaire général du comité interministériel pour la prévention de la délinquance, sur les aspects historiques et opérationnels, ainsi que de Nicolas Cadène, de l’Observatoire national de la laïcité. Ce dernier « a expliqué pourquoi le thème de la laïcité est si particulier en France », relate Patrice Obert, à la tête de la toute nouvelle délégation générale à l’éthique de la RATP (lire son interview dans Entreprise & Carrières n° 1290). Élisabeth Borne, présidente de l’entreprise publique, a tenu à ouvrir la séance pour donner le cap.

Sensibilisation pour tous

Son intervention sera rediffusée lors des sensibilisations d’environ deux heures prévues pour l’ensemble des 45 000 salariés dans les deux ans à venir. Un serious game élaboré en partenariat avec la SNCF devrait être disponible à l’automne.

Les équipes de recrutement sont également sensibilisées : elles doivent rappeler les règles de laïcité qui s’imposent à la RATP en tant qu’entreprise publique aux 30 000 candidats reçus en entretien chaque année (pour 3 000 recrutements annuels). À elles également « d’éviter la concentration de certaines communautés sur quelques sites, de faire en sorte qu’il n’y ait pas que des habitants du 93 à travailler dans le 93 et d’augmenter le taux de féminisation, aujourd’hui de 20 % », assure Patrice Obert. Car, dans les années 1990, des « grands frères » ont été recrutés dans les banlieues pour éviter les caillassages des bus dans les cités. Mais quelques sites se sont radicalisés, laissant les managers de proximité impuissants. Ces derniers ont pour consigne de réaliser des entretiens de recadrage pour expliquer que l’on ne peut pas prier dans les locaux de la régie, que la discrimination des femmes n’est pas tolérée, etc. Voire de sanctionner les agents qui dépassent les limites fixées par l’entreprise, allant de la mise à pied pendant quelques jours à la révocation. Les managers peuvent s’appuyer sur des cas pratiques rédigés et agrégés au guide de la laïcité qui leur est fourni depuis 2013. Sauf que, sur le cas bien précis des salutations entre hommes et femmes, il leur faut “marcher sur des œufs” : « On ne peut pas imposer de se serrer la main ou de se faire la bise », admet le délégué général à l’éthique. Autre situation sur laquelle la RATP ne peut intervenir : les règles différentes qui régissent les comportements des prestataires de service dans le secteur du nettoyage ou du gardiennage, en tant que salariés du privé.

Auteur

  • Rozenn Le Saint