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Formation : Oser le co-développement ?

Les clés | publié le : 05.07.2016 | Éric Delon

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Formation : Oser le co-développement ?

Crédit photo Éric Delon

D’inspiration québécoise, le codéveloppement est une approche d’apprentissage misant sur les interactions entre les participants et sur l’intelligence collective. Méthode efficace ou énième mode managériale ?

Ne plus se former à partir d’un savoir descendant mais à partir de la confrontation « bienveillante » avec ses pairs. Telle est la philosophie du codéveloppement (professionnel et managérial), un concept élaboré et mis en œuvre dans les années 1980 par les Québécois Adrien Payette (professeur de management) et Claude Champagne (psychologue), et importés dans l’Hexagone par l’Association française du codéveloppement professionnel (Afcodev) créée en 2004.

La méthodologie ? Au sein d’une entreprise, un groupe composé de six à huit managers se réunit sur une période de six mois à un an, à raison d’une demi-journée mensuelle découpée en deux séances d’une heure trente chacune. Guidé par un animateur formé à la méthode, l’un des participants joue, alternativement, le rôle du “client”, les autres, en tant que “consultants”, ayant pour objectif de l’aider à résoudre des problématiques managériales concrètes.

« Le codéveloppement est une alternative à la formation présentielle classique. L’objectif est d’être plus efficace dans l’apprentissage grâce à une mise en situation réelle et à une participation active de chacun des participants », explique le coach et formateur Olivier Raynal-Benoit. Responsable du “revenue management” (optimisateur de revenus) à PepsicoFrance, Viviane Abouassi a récemment participé au “Think Tank”, un groupe de codéveloppement créé au sein de l’entreprise et composé de managers appartenant à l’ensemble des départements. « Chacun d’entre nous remontait des observations, proposait des idées ou échangeait sur les bonnes pratiques qu’il avait pu observer au quotidien avec ses équipes, se réjouit-elle. Cela a permis d’identifier des chantiers de travail dans des domaines très différents, fondés sur le quotidien et la réalité des collaborateurs. L’ensemble des échanges s’est déroulé sans tabou. »

Coprésident de l’Afcodev et codirigeant du Centre européen de codéveloppement professionnel et managérial (Cecodev), Dominique Delaunay, qui intervient en tant qu’animateur d’atelier de codéveloppement dans le public et le privé, estime que l’efficacité d’une telle approche n’est possible que si le manager « joue le jeu ». Autrement dit, qu’il accepte de montrer ses faiblesses ou ses lacunes managériales. « Par ailleurs, les participants doivent faire preuve de bienveillance les uns envers les autres, et de confidentialité quant aux sujets qui sont abordés. Ils doivent également s’engager à participer à l’ensemble des séances, afin de garantir une cohérence de groupe. »

Directrice marque et communication externe de la compagnie d’assurance GMF (groupe Covéa), Sophie de Montalembert a participé il y a quelques mois à un atelier de codéveloppement avec des managers appartenant à d’autres marques du groupe ainsi qu’à d’autres métiers : « Cela nous a permis de nous rapprocher, de renforcer notre réseau interne. Dans ce type de processus, il faut faire preuve d’humilité en tant que manager, se dire que l’on est en permanence en progression, qu’on ne peut pas tout faire tout seul, analyse-t-elle. Le codéveloppement permet de gagner du temps pour résoudre des problématiques concrètes tout en améliorant sa communication personnelle vis-à-vis d’autrui, qui, de fait, devient moins agressive. »

Volontariat

Selon les spécialistes, ces démarches ne sont pertinentes qu’à condition que les participants soient volontaires, car l’engagement requis n’est pas anodin. Par ailleurs, vis-à-vis de leurs collaborateurs, doivent-ils craindre d’être pris en défaut d’autorité en acceptant, implicitement, à travers ces ateliers, de confesser leur humilité ? « Au contraire, estime Claude Bodeau, associé RH chez Kurt Salmon. Cela leur confère davantage de prestige et peut les amener à être de meilleurs managers, plus à l’écoute de leurs collaborateurs et davantage dans le management participatif. »

Le codéveloppement serait-il devenu la solution miracle pour résoudre l’ensemble des problèmes managériaux ? « J’y suis favorable à condition d’éviter de tomber dans la caricature, analyse Michel Barabel, auteur (avec Olivier Meier) de Manageor. Tout le management à l’ère digitale*. Il me semble illusoire de vouloir basculer en un instant d’un monde centralisé, bureaucratique, asymétrique à un système avec structure plate, coconstruction et confiance réciproques. Je crois à la combinaison de ces deux mondes. Mais attention, la démarche est exigeante : culture commune, climat de confiance, éloge de la lenteur. »

Les conseils du coach

Olivier Raynal-Benoit

Coach et formateur

–1– Ne pas faire cohabiter des profils en liens hiérarchiques

Une séance de codéveloppement doit se dérouler avec des collaborateurs n’ayant pas de liens hiérarchiques entre eux, car cela briderait la spontanéité de chacun.

–2– Bien jauger la motivation des collaborateurs

L’une des principales conditions du succès d’un groupe de codéveloppement vient de la motivation des participants à améliorer leur pratique. La qualité de la motivation entraînera la qualité des autres conditions : engagement, ouverture, confidentialité, confiance, attitude d’aide, assiduité.

–3– Se mettre d’accord sur la finalité

La finalité ne doit pas être de chercher à résoudre le problème de son collègue, mais de l’aider à mieux comprendre et à mieux agir. Le “client” doit être acteur, impliqué et solidaire. Il faut partir du vécu terrain et passer à l’action. L’objectif du codéveloppement est de stimuler la réflexion du “client” et non d’apporter forcément une réponse ou d’être tous d’accord.

* Dunod, 3e édition, 2015.

Auteur

  • Éric Delon