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L’enquête

L’interview : Gilles Schildknecht chercheur associe au centre de recherche sur la formation du CNAM*

L’enquête | publié le : 05.07.2016 | Laurent Gérard

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L’interview : Gilles Schildknecht chercheur associe au centre de recherche sur la formation du CNAM*

Crédit photo Laurent Gérard

« Il faut créer une progression entre les certifications : de CléA aux titres ministériels »

Vous estimez que la validation des acquis de l’expérience est pour l’heure l’oubliée des réformes. Pourquoi ?

Parce que la création de la validation des acquis de l’expérience (VAE) en 2002 s’appuyait sur le constat de l’absence de toute attestation de qualification pour plus de 40 % de la population active. Hélas, ce droit est resté confidentiel et a même tendance à régresser dans son utilisation. L’enjeu est d’importance, car lié à l’accroissement de la productivité et à la compétitivité de nos produits et services.

La VAE n’est pas un remède miracle, mais un levier formidable pour les individus – reconnaissance, motivation, appétence pour la formation tout au long de la vie, gains salariaux… –, pour les entreprises – réduction de l’absentéisme, augmentation de la productivité, fidélisation de la main-d’œuvre… –, ainsi que pour les partenaires sociaux – objet de négociation en entreprises, offres syndicales d’accompagnement…

Le développement de la VAE nécessite de rationaliser et de simplifier un paysage de la certification opaque et dense, ce qui rencontre beaucoup de résistances. La détention d’un monopole d’État en la matière est peut-être source de pérennisation de rentes de situations pas toujours en adéquation avec les besoins en matière de qualification.

Que préconisez-vous ?

Pour développer une culture de l’identification et de la validation des compétences, et au-delà de la seule recherche de passerelles entre des dispositifs préexistants, la construction d’un véritable système national de certification me semble centrale. Il serait bâti sous la forme d’une progression entre les certifications, intégrant à la base le nouveau certificat CléA (Certificat de connaissances et de compétences professionnelles), puis les certificats de branche professionnelle (CQP), puis les titres du ministère du Travail et les diplômes. Ce qui permettrait pour le public d’avoir une meilleure lisibilité de l’offre et de mieux réguler cette dernière. Cette proposition n’entraîne pas nécessairement de fusion des différents organismes et offres de certifications. Les différentes offres sont complémentaires et peuvent faire système si on les présente comme telles. Un pilotage national fixant des priorités et des objectifs et associant l’ensemble des acteurs pourrait entraîner un changement de culture.

Faut-il alors gérer autrement l’enregistrement des certifications ?

Cela implique un renforcement des pouvoirs en matière de création et de renouvellement des certifications de la CNCP ou d’une agence de la certification, en particulier pour les organismes bénéficiant d’une inscription de droit. Donner un pouvoir réel de régulation des créations et des renouvellements des certifications avait été envisagé pour la CNCP, qui aujourd’hui ne fait qu’enregistrer des certifications sous une forme standardisée. C’est une question de volonté politique. À ce jour, la CNCP est placée sous l’autorité unique de la secrétaire d’État auprès de la ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle, alors que, selon le rapport CNCP 2015, les certifications délivrées par l’Éducation nationale enseignement secondaire et supérieur représentent 6 787 fiches répertoires, contre 428 pour celles du ministère en charge de l’emploi.

Vous prônez un droit à l’expérience qualifiante dans le cadre du compte personnel d’activité (CPA). Que voulez-vous dire ?

Le projet de CPA ne comporte aucun nouveau droit et risque de se résumer à la création d’un portail recensant quelques droits existants. Je propose de créer, dans ce cadre, par voie législative et inscrit dans le Code du travail, un droit opérationnel à l’expérience qualifiante se matérialisant par un examen tous les cinq ans des acquis issus de la tenue d’un poste de travail.

* Il est également membre du bureau du Comité mondial pour les apprentissages tout au long de la vie (CMA) et ancien chef de la mission VAE du ministère de l’Éducation nationale.

Auteur

  • Laurent Gérard