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Sur le terrain

Autriche : Bank Austria Taclée sur ses retraites

Sur le terrain | International | publié le : 07.06.2016 | Luc André

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Autriche : Bank Austria Taclée sur ses retraites

Crédit photo Luc André

La banque autrichienne voulait transférer les pensions d’une partie de son personnel vers le régime général en profitant d’une niche réglementaire. C’était sans compter la réaction de l’opinion publique et des partis politiques.

Un texte de loi non actualisé peut se révéler un véritable casse-tête. Les dirigeants autrichiens en font l’expérience depuis cinq mois, avec le transfert des retraites des salariés de Bank Austria vers le régime général. L’affaire trouve sa source dans les difficultés du deuxième établissement bancaire de la petite république alpine. Dans le cadre de sa restructuration, en décembre 2015, Bank Austria décide d’abandonner sa caisse de retraite interne, en accord avec les représentants du personnel. La banque liquide ainsi une provision de 1,9 milliard d’euros inscrite à son bilan.

Une loi datant des années 1950

Le transfert devait se faire moyennant une soulte de 7 % du salaire actuel par mois d’ancienneté. La banque s’appuie sur un passage de la loi régissant la sécurité sociale, datant du milieu des années 1950. La mesure concerne 3 300 des quelque 7 000 salariés autrichiens du groupe, filiale de la banque italienne UniCredit. Il s’agit des personnes embauchées avant le début des années 1990.

Mais ce qui aurait dû demeurer une question technique a tourné au vinaigre. La presse et les partis politiques se sont émus d’une transaction au détriment de la collectivité en regard du taux de cotisation vieillesse du régime général (22,8 %). « Le cas normal était celui d’un fonctionnaire qui sortait de la fonction publique pour aller dans le privé. L’employeur public payait une contribution. Au final, c’est un jeu à somme nulle. Car l’État paie le transfert et renfloue le déficit de l’assurance-retraite », explique August Wöginger, député conservateur spécialiste des questions sociales. Ce cas concerne environ 3 000 personnes par an. Le petit parti libéral Neos considère qu’utilisé autrement, le dispositif constitue une aide illicite aux entreprises, et il a déposé une requête auprès de la Commission européenne.

Dans l’urgence, en mars, la coalition gauche-droite a comblé la niche avec une loi rétroactive, le taux de référence pour la transaction passant de 7 % à 22,8 %. Bank Austria, qui se réserve le droit de contester le texte en justice, devra débourser près de 730 millions d’euros la première année, contre 225 millions selon la première mouture. Dans les faits, il faudrait étudier les carrières de chaque salarié dans le détail pour savoir si la transaction initialement prévue lésait le contribuable et si la nouvelle loi annihile les risques. Sept pour cent d’un salaire en fin de carrière peut, en effet, générer plus de cotisations que le taux classique appliqué à une faible rémunération à l’embauche. Le plus curieux est que ces données, essentielles, n’ont pas été communiquées. Surtout que la banque devait en disposer pour calculer le montant des provisions à dégager.

La Cour des comptes autrichienne s’en est émue, avant le vote, dans un courrier au vitriol adressé aux responsables des différents groupes parlementaires. Mais, de la gauche à l’extrême droite, la loi, baptisée par la presse Lex Bank Austria, a fait quasiment consensus. Seul le parti Neos a voté contre, estimant que la banque s’en tirait à trop bon compte.

Des pensions moins élevées

Pour le député libéral Gerald Loacker, les salariés font aussi les frais du changement de système : « La caisse de retraite de Bank Austria prenait en compte les 15 meilleures années. Selon les classes d’âge, le régime général se fondera sur 28, 29 années, voire sur 40 années. On arrive au final à une réduction du niveau des pensions. » L’indemnisation forfaitaire (115 000 euros en moyenne) consentie par l’établissement de crédit « ne compense en rien cette différence », déplore l’élu Neos. Un groupe de 300 salariés s’est doté des services d’un avocat et compte obtenir satisfaction devant les tribunaux.

Voyant le vent tourner définitivement en sa défaveur, Bank Austria s’est adapté à cette nouvelle situation. La banque a mis 444 millions d’euros de côté pour les retraites, d’après son dernier rapport trimestriel, publié début mai. Le plan de restructuration poursuit son cours : UniCredit compte supprimer 2 000 postes en Autriche d’ici à 2018.

Dans les médias

DIE PRESSE. L’intention de prolongation ne change pas la nature du CDD

Mentionner une possible prolongation dans un CDD ne lie pas l’employeur, a décidé la justice autrichienne mi-mai. Une cadre d’entreprise de santé avait porté plainte à l’issue d’un contrat de cinq ans. La déclaration d’intention n’a d’importance que si le non-renouvellement est lié à une discrimination. La plaignante n’a pu le prouver. 19 mai 2016, Die Presse, quotidien généraliste.

DER STANDARD. La numérisation pèse sur les salariés

La numérisation des procédures en entreprise représente-t-elle un surcroît de charge de travail ? 59 % des délégués du personnel, interrogés pour une étude de la chambre des travailleurs, répondent par l’affirmative. Un sur deux constate une évolution négative pour les salariés les plus âgés. L’avis des représentants du personnel dépend largement de leur degré d’association dans la mise en œuvre des systèmes informatiques. 18 mai, Der Standard, quotidien généraliste.

Auteur

  • Luc André