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Gestion d’équipe : Manager après un conflit social

Les clés | publié le : 07.06.2016 | Sabine Germain

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Gestion d’équipe : Manager après un conflit social

Crédit photo Sabine Germain

Se remettre en mouvement et se tourner vers l’avenir sans faire abstraction du conflit passé : il n’est pas toujours facile de reprendre le travail après un mouvement social. Mais c’est aussi l’occasion de purger des problèmes latents.

Pour peser sur des négociations salariales tendues, la moitié des effectifs de cette grosse PME rhône-alpine du secteur de la logistique se met en grève. Le conflit s’enlise, les relations se tendent, mais l’activité commerciale continue. À la tête d’une équipe de cinq commerciaux, Christophe tente tant bien que mal d’expédier les affaires courantes : puisque trois de ses collaborateurs sont en grève, il met la main à la pâte et retrouve un terrain qu’il avait délaissé depuis des années. « Il a fallu que je me remette à prendre des commandes pour réellement comprendre l’exaspération de mon équipe, se souvient-il. Les procédures imposées par le nouvel actionnaire américain étaient ubuesques. Tout le monde s’en plaignait, mais il a fallu cette grève pour que je prenne la mesure du malaise qui, plus encore que les revendications salariales, a motivé le conflit. »

« Les conflits ouverts permettent de soulever des problèmes plus ou moins latents et de remettre à plat certaines règles de fonctionnement », observe Sylvie Thibault, coach, formatrice et consultante au sein du groupe Orsys. Car derrière les revendications officielles (qui ont généralement trait aux salaires, à un projet de réorganisation, de plan social, ou à un mot d’ordre national) se cache souvent un malaise plus diffus, composé d’une accumulation de petits irritants quotidiens. « Avant de relancer la machine, le manager doit chercher à comprendre les ressorts réels du conflit, poursuit Sylvie Thibault. Les grévistes peuvent officiellement faire grève contre le projet de loi Travail : un manager opérationnel n’y peut alors pas grand-chose. Mais leur mobilisation peut aussi s’ancrer sur un mécontentement plus local qu’il est important d’identifier. »

Ce mécontentement a déjà pu se manifester sous plusieurs formes : une montée de l’absentéisme, des retards, de la non-qualité… « Le conflit ouvert a le mérite de mettre ce mécontentement en lumière, prévient Sylvie Thibault. Encore faut-il l’interpréter correctement ! ». Et lui apporter une réponse concrète. « Je n’ai guère de prise sur les revendications salariales de mes collaborateurs, explique Christophe. Pour dire la vérité, je ne suis pas loin de les partager ! En revanche, je peux agir sur les nouvelles procédures de gestion des commandes : nous avons donc constitué un groupe de travail pour les simplifier. »

Le conflit peut donc avoir des vertus… à condition qu’il soit soldé de façon intelligente : « Il est illusoire et néfaste de vouloir repartir comme si de rien n’était, estime Thierry Heurteaux, dirigeant du cabinet de conseil Ethic Social (lire p. 37).

Rétablir la confiance

Au contraire, lors de la reprise du travail, la priorité des priorités est de libérer la parole et de permettre à chacun – grévistes, non-grévistes et encadrants – de dire comment il a vécu le conflit. » Avec une question centrale : « Qu’attendiez-vous de ce conflit et qu’en retirez-vous aujourd’hui ? explique Sylvie Thibault. Si les grévistes ont le sentiment de s’être fait berner par la direction, il sera très difficile de rétablir la confiance. »

En tout état de cause, chacun doit reprendre sa juste place. Durant le conflit, le manager opérationnel a pu être intégré dans une cellule de crise ou transmettre les éléments de langage de la direction à son équipe. A contrario, il a pu – de façon plus ou moins ouverte – partager les revendications des grévistes. À l’issue du conflit, les choses sont claires : « Le manager doit se repositionner en tant que manager, explique Sylvie Thibault. Il doit être plus que jamais présent sur le terrain, donner l’exemple en se remettant lui-même au travail et en traitant tous ses collaborateurs de la même façon, quel qu’ait été leur rôle durant le conflit. »

Enfin, l’ensemble de l’équipe doit se tourner vers l’avenir : « Le passé est passé, commente Sylvie Thibault avec fatalisme. On ne peut pas refaire l’histoire, mais on peut en tirer des enseignements. » Et accepter l’idée qu’il faut changer : le conflit a mis en lumière des points de friction sur lesquels il faut agir. « C’est une folie que de faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent », disait Einstein. Ne rien changer après une grève, c’est l’assurance de voir surgir d’autres conflits…

Les conseils du coach

Thierry Heurteaux

Expert en management des relations sociales, dirigeant du cabinet de conseil Ethic Social.

–1– Parlez et faites parler

Les dirigeants d’entreprise ont trop souvent tendance à privilégier l’écrit pour renouer le dialogue et commencer la reconquête du terrain. Ils oublient que l’écrit est un support « froid », sans feedback, au moyen duquel il est délicat d’aborder les sujets qui fâchent. Mieux vaut laisser les managers de proximité organiser des petits groupes de parole de quatre ou cinq personnes, durant lesquels chacun peut exprimer son ressenti. En revanche, évitez les grands-messes : elles peuvent trop facilement tourner à l’assemblée générale post-grève.

–2– Apportez des réponses

Libérer la parole, c’est bien. Mais si cela ne débouche sur rien, c’est contre-productif. Vous devez apporter des réponses aux questions soulevées par vos collaborateurs. Cela ne veut pas dire que vous devez accéder à toutes les demandes. Mais vous devez montrer que vous les avez entendues et proposer un plan d’actions très concrètes. Neuf fois sur dix, les conflits sont liés à une accumulation de petits “irritants” quotidiens du travail auxquels il n’est pas très difficile de trouver des solutions.

–3– Évitez les règlements de comptes

C’est une tentation naturelle à laquelle il faut absolument résister. À l’issue du conflit, chacun doit retrouver sa place : le meneur de grève redevient un collaborateur comme les autres, qui ne peut être jugé que sur la qualité de son travail. Les tensions liées à la grève ne doivent pas entrer en ligne de compte.

Auteur

  • Sabine Germain