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L’enquête

L’esprit de la loi : Une rupture historique en accéléré

L’enquête | publié le : 31.05.2016 | L. G.

La réforme rompt avec quarante années de pratique de formation professionnelle. Sa nature même et son tempo trop rapide lui sont reprochés. Mais 2016 permet plus d’optimisme.

Après deux ans d’application, les lectures du bilan de la réforme de la formation restent divergentes. « En tant que président du Comité interprofessionnel pour l’emploi et la formation (Copanef), j’affirme sans ambiguïté que la mise en œuvre de la réfore est réussie, même s’il reste des réglages à faire, déclare le président (CFDT) Christian Janin. Il s’agit d’une réforme complexe qui change tout l’édifice (dispositifs, gouvernance quadripartite…), et il a fallu du temps aux acteurs pour qu’ils s’approprient les nouveaux rouages et apprennent à travailler ensemble (État, partenaires sociaux, régions). »

De son côté, le Medef ne nie pas la rapidité du tempo, mais a toujours préféré une rupture nette : « Une réforme en sifflet, par étapes, aurait davantage cumulé les défauts des deux formules que leurs bénéfices », argumente, depuis toujours, Alain Druelles, directeur de la formation.

Ce point de vue n’est évidemment pas partagé par Jean-Michel Pottier, responsable des questions de formation à la CGPME, qui n’a pas signé l’ANI débouchant sur la loi de réforme. Pour lui, « c’est une réforme sans transition qui mène directement dans le mur ». Didier Cozin, gérant de l’organisme de formation AFTLV, est lui aussi largement dubitatif : « Ça ne marchait pas bien avant, mais c’est bien pire désormais. Un mauvais diagnostic a été posé sur de mauvaises interprétations. Des dispositifs assez simples préexistants pouvaient facilement être améliorés, comme le DIF, le CIF ou le bilan de compétences. »

Une mise en œuvre bâclée

Tentant de faire la part des choses, Marc Dennery, responsable du cabinet conseil C-Campus (et ancien président du Garf, association de responsables formation au sein de laquelle il reste actif) estime que « la réforme repose sur de bons principes, mais la mise en œuvre a été totalement bâclée ; il aurait fallu l’étaler sur trois ans. C’est aberrant de voir que certains Opca sont contraints d’annoncer des plans de départs volontaires alors que les besoins en conseil sont énormes. Tout ça, parce qu’ils n’ont pas eu le temps de se retourner. Par ailleurs, que différents acteurs – les politiques, les partenaires sociaux, des instances du type du Cnefop, les régions, Pôle emploi – revendiquent leur légitimité complexifie les dispositifs et les outils ».

La complexité, c’est également le ressenti de Christophe Chollet, responsable des financements de la formation à Orange : « 2015 a été très dur, reconnaît-il. Aujourd’hui, c’est “ultracompliqué”, très difficile à mettre en œuvre. Et pourtant, je suis en charge des financements formation depuis plusieurs années. Les objectifs de la réforme étaient louables, mais son application à court terme est cauchemardesque. » Christophe Chollet a la chance de siéger dans différentes instances de la branche Télécom, et son Opca Opcalia et a été impliqué dès début 2013 dans les travaux de la réforme. Il reconnaît que le cumul de ces points de vue « est un réel atout ». Mais « le prix pour expliquer la réforme en interne est très élevé, c’est quasiment un temps plein annuel ». Le responsable d’Orange pense néanmoins que « ça va aller mieux en 2016. Le côté positif de cette réforme est que tout le monde tire désormais dans le même sens d’une recherche de certification : les prestataires, les Opca, les entreprises ».

Le temps de la stabilisation

Le nouvel enjeu aujourd’hui pour l’entreprise de télécom est « le développement du dialogue social sur ce qu’est une action de formation. Un travail de repérage de tout ce qui peut être formatif a été réalisé. Reste à le partager avec les partenaires sociaux pour avoir une nouvelle vision concertée de ce qu’est un moment de formation ». Au final, Christophe Chollet ne s’attend pas à une nouvelle réforme en 2018, « le CPF commence à fonctionner, il faut laisser du temps au système pour se stabiliser ».

Auteur

  • L. G.