Une pyramide des âges vieillissante, une transmission des savoirs aléatoire, des métiers peu attractifs : tel est le constat que le spécialiste en génie électrique Engie Ineo dressait, en 2006, sur sa filière chantier. Alors qu’elle est au cœur de l’activité de l’entreprise – 75 % des personnels y travaillent –, il fallait réagir. La réponse RH a été de créer les “maîtres de l’énergie” (MDE). « L’objectif était de valoriser la filière chantier en valorisant les meilleurs professionnels qui y travaillent », résume Jean-Loup Roch, DRH délégué pour le pôle Nord et Île-de-France d’Engie Ineo.

Les prérequis pour être maître de l’énergie sont l’exemplarité et un grand professionnalisme. Ils doivent ensuite accepter des engagements formalisés et y répondre au quotidien : être tuteur d’alternant, faciliter l’insertion professionnelle des jeunes, transmettre leur savoir au plus grand nombre, former, se former.

Recommandés par leur hiérarchie, ces experts sont, dans leur grande majorité, des encadrants de chantier. Environ un quart sont des ouvriers qualifiés. Leur moyenne d’âge (dans le pôle Nord et Île-de-France) : 50 ans et 9 mois. En 2012, leur rôle a évolué. « Ce qui n’était qu’un sujet RH au départ a changé de registre. En effet, le nouveau DGA a souhaité que les opérationnels s’appuient sur ce réseau des meilleurs professionnels pour améliorer la performance des chantiers. Ils ont donc intégré des groupes de travail où ils ont amené la vision terrain sur les divers sujets que l’on pouvait traiter », indique Jean-Loup Roch.

La transmission des savoirs, qui était déjà au cœur de la mission des MDE, a pris alors une dimension stratégique. Ce sont des maîtres de l’énergie de la direction Nord-Picardie qui, constatant l’absence sur le marché de formations correspondant aux besoins des chantiers, ont décidé de créer et d’animer des “ateliers-métiers”. Le principe : enseigner une méthode, un geste technique à un petit groupe de salariés, les jeunes et les apprentis étant prioritaires. L’initiative a essaimé dans d’autres directions, sous d’autres noms : “compagnonnage” en Île-de-France, “point-école” dans la filiale Ineo Infracom de la direction Sud-Est, qui est allée jusqu’à reconstruire une portion de voie ferrée pour former les salariés à l’usage de mini-pelles. De telles initiatives sont régulièrement récompensées depuis trois ans lors d’un concours interne, les “Trophées performance et innovation”.

Dix ans après la création des maîtres de l’énergie, la DRH en tire un bilan très positif. La culture de la transmission est acquise. « En matière d’insertion, d’alternance, l’objectif est plus que dépassé. Parfois, des MDE viennent me voir pour me demander pourquoi ils n’ont pas d’apprenti cette année ! », témoigne Jean-Loup Roch. Il estime aussi qu’ils contribuent à fidéliser les plus jeunes, et notamment les apprentis, source importante de recrutement. Directeur de l’Omig (lire l’encadré p. 22), Marc Raynaud constate dans une étude consacrée à cette démarche(1) qu’Engie Ineo a su placer « le management intergénérationnel, condition de la pérennité de l’entreprise, au cœur de la philosophie managériale pour transmettre les savoirs et faire grandir les équipes ».

Considérée avant tout comme un acte de management, la démarche des maîtres de l’énergie n’est pas intégrée dans le contrat de génération signé au niveau du groupe Engie. Celui-ci prévoit pourtant un dispositif d’incitation à « la transmission des savoirs et des compétences entre générations » pour les collaborateurs de plus de 55 ans choisissant de consacrer leurs dernières années d’activité professionnelle à la formation des plus jeunes (ils bénéficient d’une réduction de leur temps de travail de 20 % sans diminution de salaire).

En revanche, les 200 maîtres de l’énergie d’Engie Ineo font l’objet d’un suivi RH particulier et ont des entretiens plus fréquents avec leurs managers. Ils sont également valorisés régulièrement dans le journal interne et, cette année, une convention les réunira pour fêter les dix ans de la démarche.

Activités

Installation électrique et intégration de systèmes de communication et d’information (groupe Engie, ex-GDF Suez).

Effectif

15 355 salariés.

Chiffre d’affaires 2015

2,4 milliards d’euros.