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Chronique

La chronique juridique d’avosial

Chronique | publié le : 24.05.2016 | Nathalie Pequiman

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La chronique juridique d’avosial

Crédit photo Nathalie Pequiman

Motif économique et lettre de licenciement

Le “projet de loi Travail” en débat au Parlement prévoit notamment de repréciser les contours du motif économique de licenciement. Les motifs jurisprudentiels de la cessation d’activité et de la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité intégreraient la définition légale et, entre autres mesures, le périmètre d’appréciation du motif économique serait précisé : « L’appréciation des difficultés économiques, des mutations technologiques ou de la nécessité d’assurer la sauvegarde de sa compétitivité s’effectue au niveau de l’entreprise si cette dernière n’appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d’activité commun aux entreprises implantées sur le territoire national du groupe auquel elle appartient » (art. 30 du projet de loi). La démarche est à saluer, tant le champ du contentieux relatif au périmètre d’appréciation de ce motif économique de licenciement est vaste.

Dans un arrêt du 3 mai 2016 (n° 15-11046), la Cour de cassation apporte des précisions concernant la mention de ce motif dans la lettre de licenciement, laquelle doit comporter « l’énoncé des motifs économiques invoqués par l’employeur » (C. trav., art. L. 1233-16). Il s’agit donc de faire état tant de la cause économique de la réorganisation (et donc du licenciement) que des incidences de celle-ci sur l’emploi du salarié.

Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, l’existence des difficultés économiques s’apprécie non pas seulement dans le périmètre de l’entreprise, mais au niveau du secteur d’activité du groupe auquel appartient l’entreprise concernée (Cass. soc., 5 avr. 1995, n° 93-42690). Une imprécision sur ces éléments conduit à une absence de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 27 mars 2012, n° 11-14223). Dès lors, en cas d’appartenance d’une entreprise à un groupe, l’exigence de motivation conduit-elle à devoir faire état dans la lettre de licenciement de la situation du secteur d’activité du groupe auquel elle appartient ?

En l’espèce, un salarié conteste son licenciement pour motif économique. Les juges du fond retiennent l’absence de cause réelle et sérieuse au motif que la lettre de licenciement de l’intéressé faisait exclusivement état des difficultés économiques de la société employeur sans aucune référence à la situation du secteur d’activité du groupe auquel celle-ci appartient et évoquait deux motifs économiques contradictoires, les difficultés économiques de l’entreprise et sa réorganisation pour sauvegarder sa compétitivité. Confirmant sa jurisprudence (voir notamment, Cass. soc., 4 nov. 2015, n° 14-18140), la Cour de cassation censure la décision d’appel : si la lettre de licenciement doit énoncer la cause économique du licenciement et l’incidence matérielle de cette cause économique sur l’emploi ou le contrat de travail du salarié, l’appréciation de l’existence du motif invoqué relève de la discussion devant le juge en cas de litige. Par conséquent, la lettre de licenciement n’a pas à préciser le niveau d’appréciation de la cause économique quand l’entreprise appartient à un groupe ; ce n’est qu’en cas de litige qu’il appartient à l’employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué.

Cet arrêt a le mérite de ne pas faire supporter à l’employeur confronté à des difficultés économiques les conséquences financières d’une absence de cause réelle et sérieuse du licenciement en raison d’une insuffisance rédactionnelle de la lettre de licenciement. Il permet également de préserver la confidentialité de certaines données économiques qui, certes transmises aux représentants du personnel, n’ont pas à être développées dans les lettres de licenciement. Pour autant, le débat judiciaire imposera la communication de ces éléments au salarié. Le mérite de la décision n’est dès lors que relatif…

Auteur

  • Nathalie Pequiman