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Sur le terrain

Autriche : Vienne renforce la lutte contre le dumping social

Sur le terrain | International | publié le : 10.05.2016 | Luc André

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Autriche : Vienne renforce la lutte contre le dumping social

Crédit photo Luc André

Les travailleurs détachés vont toucher les mêmes primes que les Autrichiens. Dans le bâtiment, ils pourront réclamer leur paie au donneur d’ordre. Le gouvernement transpose ainsi une directive de 2014. Et il espère d’autres restrictions au niveau européen.

Sur les échafaudages à Vienne, on est habitué depuis longtemps à entendre des langues d’Europe de l’Est. La Slovaquie ou la Hongrie sont à moins d’une heure de voiture de la capitale autrichienne. Avec le détachement de travailleurs, les entreprises ont profité de la différence de salaire de part et d’autre de l’ancien rideau de fer. En 2015, l’Autriche a accueilli 133 679 travailleurs détachés. Rapporté au nombre d’habitants, la petite République alpine occupe le premier rang européen.

Hausse du chômage

La hausse constante du nombre de chômeurs ces dernières années (+ 43 % depuis 2011) a remis le dossier du détachement au sommet de l’agenda politique. La coalition gauche-droite, pressée par l’extrême droite sortie en tête du premier tour de la présidentielle, prépare une loi contre le dumping social, au moment même où la Commission européenne se penche à nouveau sur la question.

Le projet de loi provisoire, qui transpose une directive européenne de 2014, prévoit notamment d’inclure désormais les différentes primes (heures supplémentaires, 13e mois…) dans le cahier des charges. Jusque-là, seul le versement des salaires minimums prévus par les conventions collectives, qui couvrent quasiment tous les secteurs en Autriche, était garanti pour les travailleurs détachés. La différence demeure le niveau des cotisations sociales.

Comme le bâtiment est un des secteurs les plus problématiques, Vienne veut étendre la responsabilité du donneur d’ordre dans cette branche. Ainsi, les salariés détachés pourront lui réclamer leur paie directement si leur entreprise ne respecte pas les règles. Un dispositif allégé doit s’appliquer aux chantiers commandés par les particuliers.

Le gouvernement prévoit par contre un régime d’exception pour les groupes disposant d’un réseau transnational de filiales. Ils pourront continuer à faire intervenir en interne des salariés basés à l’étranger dans la limite d’un mois par an. D’autres exceptions sont prévues pour le transit dans les transports.

Face à la pression politique, les employeurs sont prêts à s’accommoder de cette réglementation. Même s’ils déplorent des amendes déjà draconiennes. De 1 000 à 20 000 euros par salarié sous-payé et jusqu’à 50 000 euros en cas de récidive.

Jusqu’ici, il était difficile de faire payer les entreprises fautives établies à l’étranger. Une meilleure coopération administrative doit rendre la politique de dissuasion plus efficace. « Les pays d’origine des travailleurs ont une incitation : ils peuvent conserver le montant de l’amende », souligne Martin Müller, expert juridique à la fédération autrichienne des syndicats (ÖGB).

Pour permettre les contrôles, les salariés détachés doivent déjà emporter avec eux une série de documents en langue allemande : contrat de travail, feuille de paie et relevés bancaires prouvant les virements. Ce système, déjà en vigueur, paraît bien bureaucratique au député du parti libéral Neos Gerald Loacker : « C’est un obstacle pour les entreprises qui n’ont pas de service paie en interne. Les documents sont chez le comptable. » Même si les papiers sont en règle, ces mesures n’empêchent pas que l’employeur contraigne le salarié à rendre une partie du salaire a posteriori.

Vote avant l’été

Le gouvernement a récolté à la mi-avril les avis des acteurs économiques et doit affiner sa copie avant de la soumettre au Conseil des ministres pour un vote avant l’été. Le débat se poursuit aussi au niveau européen, car la Commission veut réviser la directive sur le détachement. Le ministre du Travail Alois Stöger (SPÖ, gauche) souhaite réduire la durée maximale de détachement de 24 mois à un mois. Les conservateurs, partenaires de la coalition, sont opposés à une durée fixe et courte. « Pour la plupart des chantiers, un mois, c’est déjà trop long. Mais quand un spécialiste informatique vient pour une mission, il peut rester pour six ou neuf mois », explique le député August Wöginger. Sans oublier que l’Autriche détache elle aussi quelque 48 000 travailleurs vers l’étranger.

Dans les médias

DIE PRESSE. Haro sur les entreprises fictives

Les autorités autrichiennes ont dans le viseur les entreprises qui passent des contrats avec des sociétés fictives, créées pour économiser sur les salaires et les charges sociales. Depuis le 1er janvier, le donneur d’ordre est responsable du paiement s’il ne pouvait ignorer les manigances de son partenaire. À cet effet, le ministère des Finances tient une liste de ces fraudeurs. La loi doit également empêcher des entrepreneurs de donner des emplois fictifs à des proches pour obtenir des prestations sociales. 6 avril 2016, Die Presse, quotidien généraliste, Tirage : 80 000 exemplaires.

DER STANDARD. Réfugiés et marché du travail

L’Autriche hésite à ouvrir son marché du travail aux demandeurs d’asile. Pour le moment, ils peuvent seulement occuper des postes saisonniers dans l’agriculture et la restauration. Les partenaires sociaux sont favorables à une évolution, mais pas à une libéralisation, en raison de la hausse du chômage. L’institution représentant les salariés (AK) propose un délai de carence de six mois et de maintenir la priorité donnée aux ressortissants de l’UE. 15 avril 2016, Der Standard, quotidien généraliste, tirage : 90 000 exemplaires.

Auteur

  • Luc André