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L’enquête

Bernard Gomel, chercheur au centre d’études de l’emploi

L’enquête | L’interview | publié le : 26.04.2016 | É. S.

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Bernard Gomel, chercheur au centre d’études de l’emploi

Crédit photo É. S.

« Les contrats aidés relèvent plus des politiques sociales que des politiques d’emploi »

Les contrats aidés sont-ils devenus une mesure structurelle des politiques publiques d’emploi ?

Depuis la fin des années 1970, ils constituent en effet une mesure constante des politiques de lutte contre la montée du chômage. Leur usage est avant tout contracyclique, dans la mesure où ils ont un impact massif, direct et contrôlable sur le volume d’emplois. Pour autant, je ne dirais pas qu’ils s’inscrivent dans des politiques d’emploi stricto sensu. Les contrats aidés relèvent davantage de politiques sociales de lutte contre l’exclusion. Ainsi, la loi du 1er décembre 2008, qui a institué les contrats uniques d’insertion [qui se sont substitués aux contrats aidés antérieurs, NDLR], est la même qui a créé le RSA. On a, à ce moment-là, articulé politique d’activation et contrat aidé, le retour à l’emploi des bénéficiaires du RSA devant s’appuyer sur l’utilisation des CIE-CAE. Néanmoins, cela n’a pas eu l’effet escompté car, surtout en période de crise, peu d’employeurs se sont engagés dans le recrutement de ces profils ; et il s’agit d’un public très diversifié, pour lequel il était difficile de proposer un accompagnement ciblé, du type de celui mis en place par les missions locales pour les jeunes en emploi d’avenir.

De manière générale, l’effet des contrats aidés sur l’insertion durable dans l’emploi n’est guère probant, surtout dans le secteur non marchand.

C’est vrai, car les emplois aidés dans ces structures ne durent bien souvent que le temps de la subvention. Les CAE sont donc très majoritairement en CDD, avec des quotités de travail souvent égales à 20 heures par semaine. D’où de faibles performances en termes d’accès durable et des expériences peu valorisables sur le marché du travail. Mais, dans le même temps, il ne faut pas perdre de vue les objectifs poursuivis par ces contrats, à savoir offrir une expérience professionnelle à des publics éloignés de l’emploi, et leur donner accès à un revenu. Il s’agit d’une étape dans un cheminement de réinsertion, en aucun cas d’un instrument devant déboucher sur un emploi stable. On fait donc un mauvais procès aux contrats aidés en leur assignant des objectifs qu’ils n’ont pas. De même, les premiers emplois d’avenir conclus pour trois ans vont arriver à leur terme cette année, ce serait une erreur de se focaliser sur le taux de transformation en CDI pour évaluer leur efficacité.

Pourtant, les emplois d’avenir sont à temps plein, durent au moins douze mois et comprennent une formation obligatoire. Pourquoi cet indicateur ne serait-il pas pertinent ?

Parce que l’ambition première des emplois d’avenir est de donner à des jeunes en rupture scolaire l’opportunité de se réinscrire dans une démarche de formation, de poser les jalons de leur parcours professionnel, pas nécessairement de déboucher sur un emploi pérenne chez le même employeur. Sinon, l’État n’aurait sans doute pas autant résisté aux pressions des recruteurs qui voulaient élargir le profil des jeunes éligibles, notamment en faveur des plus diplômés. La nouveauté, c’est d’abord d’avoir construit une politique globale, coordonnée par un intermédiaire spécifique – les missions locales – et de s’adresser à des bénéficiaires qui ne sont pas nécessairement inscrits au chômage, comme les fameux Neet [ni en emploi, ni en études, ni en stage, NDLR], qui échappent aux statistiques.

Auteur

  • É. S.