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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 26.04.2016 | Denis Monneuse

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Denis Monneuse : Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Le harcelement sexuel ne touche pas que les femmes

Quand on pense au harcèlement sexuel au travail, on pense naturellement à une femme harcelée sexuellement par son chef. On commet alors trois erreurs. Tout d’abord, le harcèlement ne passe pas nécessairement par la voie hiérarchique. Il existe aussi entre deux personnes situées au même niveau. De plus, il arrive même qu’il soit ascendant : un collaborateur peut se montrer trop pressant avec son supérieur.

Deuxième erreur, on a tendance à n’envisager le harcèlement sexuel qu’entre sexes opposés. Or les harceleurs peuvent tout aussi bien être homosexuels ou bisexuels qu’hétérosexuels. Enfin, on pense quasi uniquement au cas où la personne harcelée est une femme, ce qui est certes la majorité des cas, mais ne doit pas nous faire oublier que des hommes aussi peuvent en être victimes.

L’un des mérites d’une enquête menée par Kathryn Holland, chercheuse à l’université du Michigan, et ses collègues est d’analyser ce phénomène encore largement méconnu(1). Les auteurs ont interrogé plus de 300 hommes travaillant dans des secteurs professionnels très différents en leur demandant s’il leur arrivait de subir des formes de harcèlement sexuel.

Le harcèlement lié au genre semble légèrement plus fréquent et plus typiquement masculin que les formes d’avances sexuelles. Cela passe par des blagues à caractère sexuel et des commentaires désobligeants. On sait par exemple que ceux qui ne répondent pas à l’idéal de virilité sont facilement moqués en raison de leur différence. Quant au second type de harcèlement sexuel, il s’agit d’avances sexuelles répétées et d’attouchements inappropriés et non désirés.

Kathryn Holland et ses collègues mettent en avant le rôle du collectif de travail. La culture de l’entreprise n’est pas sans effet. Culture de la tolérance et harcèlement sexuel vont rarement ensemble.

Il ressort également de l’enquête que les hommes engagés en faveur du féminisme se déclarent davantage victimes de harcèlement sexuel que la moyenne. Il s’agit pour les auteurs d’un effet de la police des genres, dont les femmes féministes sont aussi victimes : ceux qui remettent en question l’ordre hiérarchique traditionnellement établi entre les hommes et les femmes au travail sont sanctionnés par ceux qui souhaitent que cet ordre perdure. En revanche, les hommes engagés dans le féminisme souffrent moins du harcèlement subi que les autres : leur niveau de bien-être et de satisfaction au travail est moins affecté, sans doute parce qu’ils prennent plus de recul et sont davantage conscients de l’existence de ce type d’agissements au travail. Ils le prennent alors peut-être moins directement personnellement contre eux.

Puisque ce sont les mêmes types de culture organisationnelle qui renforcent la probabilité de harcèlement sexuel envers les hommes et les femmes, il ne serait peut-être pas inutile de mettre en avant l’existence moins connue du harcèlement sexuel contre les hommes lors des sessions de sensibilisation contre le harcèlement sexuel en général. Cela permettrait peut-être de délier les langues et de souligner que le harcèlement en général est souvent plus complexe, plus diffus et plus fréquent que ce que l’on croit.

1) K. Holland, V. Rabelo, A. Gustafson, R. Seabrook, et L. Cortina, L., “Sexual harassment against men : Examining the roles of feminist activism, sexuality, and organizational context”, Psychology of Men & Masculinity, 2016.

Auteur

  • Denis Monneuse