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Sur le terrain

Retour sur… Le compte épargne-temps du groupe TF1

Sur le terrain | publié le : 29.03.2016 | Nicolas Lagrange

DEPUIS NEUF MOIS, les 2 800 salariés des 24 filiales du groupe TF1 sont soumis à de nouvelles règles d’utilisation du compte épargne-temps. Plus restrictives, elles s’accompagnent toutefois d’un dispositif atypique de report de congés pour éviter la perte de jours de repos.

En mars 2007, lorsque direction et syndicats mettent en place un dispositif de compte épargne-temps (CET), nul n’anticipe une utilisation intensive. Or le CET devient rapidement la voiture-balai des congés non pris. Les six ou sept jours que chaque détenteur y place chaque année proviennent en effet quasi exclusivement des JRTT ou congés payés non consommés au 31 mai. Fin 2014, la direction propose une renégociation à ses interlocuteurs syndicaux, en mettant l’accent sur la nécessité de réduire les stocks, en forte augmentation sur la période récente, avec 14 000 à 15 000 jours supplémentaires déposés chaque année sur les comptes (lire ci-contre).

« Le dépôt du reliquat de congés sur le CET doit rester l’exception, estime Paul Garrido, directeur des affaires sociales du groupe TF1. Or cette pratique était presque systématique, et concernait aussi bien la 5e semaine de congés payés et les congés d’ancienneté que les JRTT. » Pour remédier à la situation, un premier projet de la direction prévoit un dépôt maximal de 5 jours par an sur le CET, l’interdiction d’y placer le 13e mois, et institue un plafond global, jusque-là inexistant, de 50 jours.

« Il était légitime de vouloir dégonfler les CET, commente Hubert Cazenave, coordinateur CFTC (premier syndicat). Mais nous avons averti que nous ne signerions rien si l’accord n’allait pas dans le sens de la qualité de vie au travail. Car les plus gros dépôts sur le CET provenaient logiquement des services en sous-effectif, comme la direction de l’information, marquée par une forte pression des managers sur les salariés pour assurer la couverture de l’actualité. » Le syndicat se veut d’autant plus vigilant qu’il a refusé de signer un accord sur les risques psychosociaux (RPS) l’année précédente, le texte comportant « trop de déclarations d’intentions et pas assez d’actions concrètes », selon Hubert Cazenave.

Au terme de six réunions de négociation, un compromis est trouvé avec tous les syndicats (CFTC, CFDT, CFE-CGC, FO et CGT), le 2 avril 2015. À partir du mois de juin suivant, les salariés ne pourront plus déposer que 6 jours par an sur leur CET (contre 15 à 20 dans l’ancien dispositif, selon les catégories de salariés), dans la limite de 60 jours. Ils ne peuvent toujours pas y placer des jours de récupération ni, pour les journalistes, les 15 jours ouvrés accordés en compensation des jours fériés travaillés, afin de favoriser les prises de repos régulières. Autant de restrictions substantielles à l’alimentation du CET, même si l’accord de groupe comporte deux garde-fous destinés à éviter que les salariés ne perdent les jours non pris.

Un dispositif de report

La première de ces garanties défendue par les syndicats est la création d’un compte de report : les collaborateurs peuvent y déposer jusqu’à 6 jours non consommés au 31 mai, avec un délai de douze mois pour les utiliser. Ce dispositif de report formalise un usage dont la suppression en 2007 (au moment du premier accord CET) avait contribué au remplissage rapide des comptes épargne-temps.

La seconde garantie, qui a tout de suite fait consensus, concerne la mise en place d’une formation de deux heures à destination des managers pour les sensibiliser au nouveau dispositif ainsi qu’à la nécessité d’anticiper les congés. Déployé à l’automne 2015, ce module a amené les encadrants « à réfléchir à l’organisation de leur service et à gérer plus en amont les congés, commente Paul Garrido. Entre juin 2015 et février 2016, les salariés ont d’ores et déjà posé davantage de congés. Nous pouvons ainsi effectuer des recrutements temporaires éventuels pour faire face aux absences ».

Un traitement équitable

« Les managers se doivent d’insister davantage sur la prise de congés tout au long de l’année, estime Pierre Vantorre, coordinateur CFDT. L’objectif est double : aboutir à un traitement plus équitable des demandes et éviter les refus de congés en fin de période. Mais nous ne pourrons dresser un premier bilan qu’au début de l’été, après une année complète de mise en œuvre. » Pour contribuer à dégarnir les CET, l’accord prévoit aussi que les salariés puissent obtenir automatiquement le paiement de 6 jours par an au lieu de 5.

Enfin, le nouveau dispositif comporte un volet spécifique aux seniors, réclamé par les syndicats. À partir de 58 ans, les intéressés ont la possibilité de mettre de côté 12 jours par an au lieu de 6, avec un plafond de 120 jours au lieu de 60. De quoi permettre de partir à la retraite 4 mois plus tôt, voire davantage, avec le dépôt et la conversion en jours du 13emois. « Nous avons insisté pour conserver cette possibilité, déjà prévue dans le précédent accord, précise Hubert Cazenave. Une trentaine de collaborateurs la mettent à profit chaque année pour anticiper leur retraite ou bien pour passer à temps partiel – une option qui ne se limite pas aux seniors –, ce qui permet à certains de travailler quatre jours sur cinq durant plusieurs semaines sans perte de salaire. »

Un compte vraiment très prisé

Fin 2014, avant la renégociation de l’accord, plus de 80 % des salariés avaient ouvert un CET : la moitié disposaient de plus de 20 jours, et un quart y avaient accumulé plus de 40 jours. Chaque année, les salariés déposaient en moyenne 6 à 7 jours sur leur CET, gonflant les provisions comptables de près de 5 millions d’euros. Des provisions dont le montant total avait quasiment doublé entre 2010 et 2014, avec un total de jours épargnés supérieur à 65 000.

Tous les ans, environ 20 % des salariés monétisaient, en moyenne, 5 jours épargnés. Seuls 2 % utilisaient la passerelle vers le Perco, à raison de 8,5 jours en moyenne.

Auteur

  • Nicolas Lagrange