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Les clés

Gérer un collaborateur expatrié

Les clés | publié le : 29.03.2016 | Nicolas Lagrange

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Gérer un collaborateur expatrié

Crédit photo Nicolas Lagrange

Mobilité. Lorsqu’un salarié part en mobilité internationale, le manager du pays d’origine a tout intérêt à conserver des liens avec lui durant sa mission. Pour vérifier que son intégration se déroule bien, appréhender ses nouvelles compétences, l’informer sur l’évolution de la situation dans son établissement d’origine et préparer au mieux son retour. Un rôle-clé, en lien avec la gestion des carrières, et souvent sous-estimé dans les entreprises.

« Il est essentiel que le manager du pays d’origine recherche le feedback du salarié parti en expatriation et lui donne en retour des informations. » C’est la conviction forte de Marc Maes-Kelly, qui gère une dizaine de magasins du groupe Adeo (Leroy-Merlin, Bricoman, Weldom…) au Brésil, employant au total 1 500 salariés.

« Il y a un an, un manager brésilien a pris la direction d’un magasin français pour trois ans, raconte le directeur régional. J’ai échangé avec lui il y a quelques semaines dans le cadre d’un entretien annuel, pour savoir comment ça se passait, où il en était, quelles nouvelles compétences il avait acquises. De mon côté, je l’ai informé sur la situation de nos magasins au Brésil et je lui ai parlé des projets sur lesquels nous travaillions, afin de faciliter son repositionnement au retour. »

Des relations régulières entre le manager du pays d’origine et l’expatrié présentent de nombreux avantages. « L’ancien manager peut sonder son ancien collaborateur sur le chemin parcouru, ses succès et ses difficultés, estime Jean Pautrot, président du Conseil Magellan de l’international et coach d’expatrié. Il ne s’agit pas d’empiéter sur le périmètre du manager du pays d’accueil, mais de s’intéresser à la performance du salarié et aux compétences acquises. » Une posture loin d’être évidente, qui impose de lever toute ambiguïté avec l’autre manager. Sauf que les échanges entre managers sont plutôt l’exception que la règle dans de nombreuses entreprises, la gestion des salariés expatriés étant très majoritairement assurée par les seuls départements RH et mobilité internationale.

Échanges formalisés

« Au sein du groupe Adeo, nous avons formalisé les échanges d’informations entre les managers concernés par une expatriation, explique Marc Maes-Kelly. Le manager du pays d’accueil reçoit le dossier du salarié avec son historique sur les trois années précédentes. Il mène deux ou trois entretiens de développement et de progrès chaque année et les comptes rendus sont envoyés à la business unit d’origine, ce qui permet de mesurer la progression. » Un système dans lequel le manager du pays d’origine joue un rôle de premier plan en termes de gestion de carrière.

Chez Accenture, c’est le carreer counselor qui garde le lien avec le salarié en mobilité internationale. « Nos consultants changent fréquemment de mission et donc de manager opérationnel, mais ils s’appuient tout au long de leur carrière sur un référent expérimenté, choisi dans sa ligne d’industrie, expose Anne-Claude Delavenne, responsable de la mobilité internationale pour la France et le Maghreb. Ce carreer counselor, qui n’est pas forcément le manager opérationnel, s’assure que le salarié reçoive bien une évaluation de sa performance, au minimum à la fin de chaque mission. Il mène les entretiens annuels, intervient entre les missions pour l’aider à mettre en avant son expertise en vue de nouveaux projets, et le conseille dans sa gestion de carrière. »

Contrat de retour

Ce suivi est également crucial pour la réussite du retour, une véritable gageure pour la plupart des entreprises. « D’où l’importance, avant le départ, d’inscrire l’expatriation dans un parcours professionnel, assure Jean Pautrot. Au-delà de la lettre de mission et de l’avenant au contrat de travail, un contrat de retour peut préciser les perspectives de carrière envisageables en cas de succès de la mission. » Une préconisation appliquée par le groupe Adeo : « Dans chaque contrat d’expatriation de trois ans, cinq ans ou sept ans, les modalités du suivi de carrière, les apprentissages attendus et le retour sont mentionnés, à l’issue d’un dialogue entre le salarié, le manager du pays d’origine et les départements RH et mobilité internationale, précise Marc Maes-Kelly. Nous écrivons dans quelle ville et à quel poste le salarié souhaite se positionner à son retour, même si cela peut évoluer au fil du temps. » Et, durant leur mission, les expatriés sont invités à retourner sur leur ancien lieu de travail.

« Dans notre métier où les missions sont essentiellement de courte durée, le retour de l’étranger est considéré comme une fin de mission classique, analyse Nathalie Hellio, directrice de la mobilité internationale d’Accenture. Les RH, qui gèrent les besoins sur les projets clients, lui proposeront une nouvelle mission. Une étude menée il y a deux ans a démontré que les multiples missions à l’international n’étaient pas un frein ni en termes de carrière ni en termes de rémunération. » Une situation atypique, puisqu’en moyenne près de la moitié des expatriés quittent leur entreprise deux ans après leur retour, faute d’une anticipation suffisante, selon une enquête de l’Observatoire de l’expatriation de mai 2011.

Les conseils du coach

Jean-Luc Cerdin

Professeur à l’Essec Business School, auteur de La Cogestion des carrières (Éditions EMS, 2015).

1

Être impliqué en amont de l’expatriation

Il est essentiel que le manager du pays d’origine participe à la préparation d’une mobilité internationale. Pas pour peser sur la mise au point du package de rémunération, qui doit répondre à des règles d’équité, mais pour contribuer à définir les attentes à l’égard du salarié et les engagements de l’entreprise. Quelles missions seront confiées au salarié ? Quelles nouvelles compétences est-il susceptible d’acquérir ? Quel contrat psychologique passer avec lui ? Comment son retour peut-il être envisagé ?

2

Échanger avec le manager du pays d’accueil

S’ils sont disposés à collaborer, le manager du pays d’origine et celui du pays d’accueil ont tout à gagner à échanger. Le premier peut fournir au second des éléments pertinents sur le salarié en mobilité internationale pour lui faciliter la tâche, tandis que le second peut donner des indications précieuses au premier sur la réussite ou pas de la mission et sur les nouvelles compétences développées par l’expatrié. Malheureusement, ce type de bonne pratique reste largement minoritaire.

3

Aider l’expatrié dans sa gestion de carrière

Avec son ancien collaborateur, le manager du pays d’origine peut utilement se placer dans une logique de mentoring, sans marcher sur les plates-bandes du nouveau manager. Il permet au salarié de se tenir au courant, de ne pas se faire oublier. Le manager peut aussi aider l’expatrié à ne pas se focaliser sur les missions qu’il a effectuées ni sur les aspects culturels qui l’ont marqué, pour se concentrer sur les nouvelles compétences acquises, susceptibles d’être transposées dans un autre environnement. Cela suppose que l’un et l’autre soient capables de formuler des compétences, dans une approche de cogestion de carrières. Hélas, ils sont rarement formés en ce sens, ce qui ne facilite pas la réussite des retours d’expatriation.

Auteur

  • Nicolas Lagrange