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Un plan pour le retour en entreprise des demandeurs d’emploi

La semaine | publié le : 08.03.2016 | Laurent Gérard

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Un plan pour le retour en entreprise des demandeurs d’emploi

Crédit photo Laurent Gérard

Le plan 500 000 formations qui se met en place pour les chômeurs vise à faciliter leur réinsertion professionnelle, mais aussi à répondre aux besoins en compétences des entreprises, et à accompagner la reprise de la croissance que certains annoncent.

Lancé officiellement le 1er mars, le plan 500 000 formations pour les chômeurs est évidemment important pour les personnes concernées, mais il l’est aussi pour les entreprises et le tissu industriel, analyse Alain Druelles, directeur de la politique formation au Medef : « La formation ne crée pas d’emploi, dit-on, mais on sait qu’on perd des emplois par manque de personnes formées. » Et il poursuit : « Le taux de formations des demandeurs d’emploi en France est faible par rapport à certains de nos pays voisins. Or les perspectives de reprise économique sont là. Pour l’accompagner, il faut placer les demandeurs d’emploi et les entreprises dans une position favorable. » Sur les 190 000 offres d’emploi non pourvues en 2015, selon le dernier bilan de Pôle emploi, 43 000 ont été annulées par les recruteurs et, dans la moitié des cas, par manque de candidats adéquats.

Le 29 février, le coup d’envoi du plan “500 000 formations” a donc été donné par la ministre du Travail, Myriam El Khomri ; 300 000 formations doivent bénéficier à des chômeurs de longue durée* ayant un faible niveau de qualification (VI, V bis et une partie du V, avec un ciblage sur ceux de niveau CAP-BEP mais sans diplôme). Concrètement, le gouvernement souhaite la signature de conventions État-régions dès maintenant. Des questions restent pourtant en suspens.

L’état apporte 1 milliard d’euros.

Le financement du plan reste flou. L’État amènera 1 milliard d’euros ; les régions volontaires devraient s’engager à maintenir leur effort de formation, et tout effort supplémentaire sera compensé par l’État et piloté par le Crefop de ladite région. Pour celles qui ne s’engageront pas, l’État abondera les fonds de Pôle emploi et celui-ci pilotera.

Sur l’apport des partenaires sociaux, les angles de vue divergent. Un financement supplémentaire de 110 à 130 millions d’euros est souvent évoqué. Or, les partenaires sociaux, que ce soit le président (CFDT) du Comité interprofessionnel pour l’emploi et la formation (Copanef) Christian Janin ou Alain Druelles du Medef, estiment que ce financement (par les entreprises via le FPSPP) doit être analysé globalement : « Ces 110 millions ne sont qu’un surplus d’engagement du FPSPP sur le CPF demandeurs d’emploi, précise Christian Janin. Cette ligne au profit des chômeurs passe en réalité de 170 à 285 millions d’euros. Au final, le FPSPP finance la formation des chômeurs non pas à hauteur de 650 millions d’euros sur un budget total 2016 de 1,4 milliard d’euros. Ce “plan 500 000”, mais également la rémunération de fin de formation, la péréquation interOpca, le programme “mutation économique”…, qui bénéficient aussi à des chômeurs : tout doit être pris en compte. »

« Ce débat témoigne de la difficulté à lire les financements de la formation des chômeurs », confirme Alain Druelles, qui évoque une estimation de 431 millions d’euros de part de Pôle emploi (hors CPF) et un montant de 1,2 milliard d’euros des régions en coût pédagogique en 2015. Ce montant interpelle les partenaires sociaux : l’État demandera-t-il aux régions des efforts de financement supplémentaires au milliard qu’il apporte et aux fonds des partenaires sociaux ?

Les représentants du Medef et de la CFDT reconnaissaient, la semaine dernière, ne pas avoir bien saisi les conclusions de la réunion du 29 février sur ce point, et ils attendaient « un relevé de décisions écrit et précis » pour aborder la question en Comité national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (Cnefop) cette semaine.

Question de pilotage.

Autre question sensible : le pilotage du plan et l’identification des besoins. A priori, le pilotage se fera au niveau de chaque Crefop, instance de coordination quadripartite rassemblant État, région, organisations d’employeurs et organisations de salariés. Le 29 février, Philippe Richert, président de l’Association des régions de France (ARF), a exercé un peu de pression en prenant position sur le diagnostic des besoins et les places vacantes (lire l’encadré). Ce à quoi Alain Druelles répond que « l’analyse des besoins est un exercice complexe, et qu’il est préférable qu’il soit mené dans une logique collective, sans monopole. Collectivement, nous ne sommes pas encore assez performants dans cette identification, beaucoup reste à parfaire ». Quant au rôle exact de Pôle emploi dans cette architecture, il demeure « une ambiguïté », selon Christian Janin.

Dernière question sensible : le niveau d’attente à l’égard du “plan 500 000” et sa réalisation. L’effort prévu est massif et vise à doubler le nombre de formations des chômeurs en 2016. « Aujourd’hui, le taux de retour à l’emploi d’un chômeur six mois après sa formation est de l’ordre de 46 % tout type de contrat confondu, mais seulement de 37 % en emploi durable, rappelle Alain Druelles : il faut améliorer ces chiffres. Mais on sait aussi que des personnes devront être orientées vers des formations aux compétences de base, type CléA [certificat de connaissances et de compétences professionnelles] ou autres. On ne pourra pas en attendre un retour rapide sur le marché de l’emploi. »

« Le cœur du sujet sera la nature des conventions discutées entre l’État et les régions, confirme Christian Janin. De nouvelles équipes politiques sont arrivées dans certaines régions, mais la date du 31 mars pour les signatures de conventions devrait inciter à moins de défiance et d’arguties sur les moyens et les modalités. Par ailleurs, ce chantier sera forcément un processus de moyen terme, des changements de décisions pouvant intervenir jusqu’à l’automne : il sera immanquablement graduel et inégal selon les régions. Il faut entretenir une attitude positive et viser le compromis. »

Association des régions de France
« Les régions sont prêtes à contractualiser avec l’État »

« Les régions se déclarent prêtes à se mobiliser pour assurer la réussite totale de ce plan, a réagi Philippe Richert, président (Les Républicains) de l’Association des régions de France, le 29 février. Néanmoins, le diagnostic des besoins et des places vacantes doit être fait en partenariat avec les régions, et non uniquement piloté par les Direccte et la DGEFP, et ce pour une meilleure analyse par territoire ; les régions doivent renforcer leur rôle sur l’accompagnement des PME et ETI afin de créer des emplois durables et non délocalisables ; et enfin les commandes de formations doivent correspondre aux besoins des entreprises mais aussi aux besoins d’avenir, dont le numérique et la transition énergétique. Sur ces bases, les régions sont prêtes à contractualiser rapidement avec l’État et, par la suite, à mettre en place ce dispositif avec les partenaires sociaux. »

* Personnes restées 12 mois en catégorie A pendant les 15 derniers mois parmi les demandeurs d’emploi de catégories A, B et C.

Auteur

  • Laurent Gérard