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Toulouse met le cap sur la prévention primaire

Zoom | publié le : 01.03.2016 | Solange de Fréminville

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Toulouse met le cap sur la prévention primaire

Crédit photo Solange de Fréminville

La Ville et la métropole de Toulouse se donnent les moyens d’agir contre l’absentéisme médical et l’usure professionnelle : la création d’un pôle Santé et qualité de vie au travail, un réseau resserré d’animateurs de prévention mieux formés, avec pour mission de développer la prévention en amont et de renforcer le maintien dans l’emploi.

Toulouse s’est engagée dans une mutation à la mesure des douloureux enjeux auxquels elle est confrontée, de même que la plupart des collectivités territoriales. La Ville enregistre un taux d’absentéisme médical de 10 % (absences liées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles). En 2015, sur 13 000 personnes employées par la mairie et la métropole, 500 cas de restriction médicale ont été dénombrés. Au fil des ans, leur nombre a augmenté, en raison du vieillissement du personnel : 30 % des agents municipaux et 27 % des agents de la métropole ont plus de 50 ans. Une tendance qui inquiète les collectivités locales (lire l’encadré).

« Faire mieux avec moins »

Autre enjeu majeur : les restrictions budgétaires qui frappent les collectivités territoriales, en raison de la baisse de la dotation de l’État. Il s’agit de « faire mieux avec moins », résume Sébastien Bonnefoy, DRH de la mairie et de la métropole toulousaines. Enfin, la nouvelle équipe élue en 2014 à la tête de la Ville de Toulouse, et qui a pris les rênes de la métropole, veut « diminuer l’absentéisme, remotiver les agents, en améliorant la qualité de vie au travail », affirme Henri de Lagoutine, conseiller municipal délégué au personnel territorial.

Un pôle santé et QVT

Encore fallait-il se donner les moyens d’agir. La collectivité a lancé une triple réorganisation. Le 1er février 2016 naissait officiellement un nouveau pôle Santé et qualité de vie au travail (QVT) au sein de la DRH mutualisée(1). Cette restructuration – qui a également donné naissance à deux autres pôles, Administration RH et Développement RH – est l’aboutissement d’un audit du cabinet Ernst & Young qui avait mis en lumière une organisation de la DRH trop morcelée et trop complexe. Le pôle Santé et QVT compte 48 agents, trois fois plus que l’ancien service Prévention des risques professionnels et conditions de vie au travail, qu’il remplace. Il regroupe notamment les conseillers de prévention, les médecins et infirmiers du travail, des ergonomes, des psychologues, des assistantes sociales, ainsi que des agents administratifs.

La reconfiguration a également concerné le réseau des animateurs de prévention répartis dans les directions des deux collectivités et chargés d’appliquer sur le terrain les directives du pôle. Après un audit interne, leur nombre a été réduit de cent vingt à une quarantaine, sans diminution du volume d’équivalents temps plein, soit 22,11. « Le réseau était émietté, dispersé. Certains animateurs n’avaient que quelques heures pour accomplir leur mission. Tous travailleront désormais à temps plein ou à mi-temps, ce qui nous permettra de les faire monter en compétences », explique Karine Viacroze-Perrin, responsable du pôle Santé et QVT. Entre avril et juin, les animateurs de prévention suivront un cycle de formation de cinq jours, assuré en interne par des professionnels du pôle Santé, eux-mêmes formés par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Au programme : les questions réglementaires, l’évaluation des risques professionnels et la communication. L’objectif est que les agents renforcent leur expertise et qu’ils tissent des liens pour former un véritable réseau, animé par les quatre conseillers de prévention.

Cinq commissions permanentes du CHSCT

Troisième axe de cette reconfiguration : la collectivité a associé étroitement les représentants du personnel à ce tournant. En 2015, le CHSCT a en effet créé cinq commissions permanentes, qui réunissent une fois par mois des délégués syndicaux et des agents de la DRH sur cinq thèmes : analyse des situations de travail ; accidents, maladies professionnelles et agressions ; aménagement et construction de locaux ; maintien et repositionnement professionnel ; qualité de vie au travail. Vaste programme…

C’est que la mission est ambitieuse : diminuer de 2 points l’absentéisme médical, réduire l’usure professionnelle, renforcer le maintien dans l’emploi des agents, et cela en anticipant les difficultés. « Actuellement, on est dans le curatif. L’objectif est de passer à la prévention primaire », analyse Karine Viacroze-Perrin. Cela signifie réduire fortement les risques auxquels sont exposés les agents. Les mesures prises dès la fin 2014 pour les produits d’entretien ont valeur de modèle. La collectivité a introduit des critères de santé et de sécurité dans son appel d’offres, en particulier l’interdiction des produits cancérigènes et mutagènes, ainsi que l’obligation pour les fournisseurs de donner toutes les informations et de former des relais de sécurité dans les services, à même d’expliquer aux agents comment éviter les risques. De même, l’aménagement d’un nouveau bâtiment, le mobilier des établissements scolaires, ou encore la conduite d’engins, font l’objet d’études approfondies pour améliorer les conditions de travail des agents et introduire de bonnes pratiques.

Maintien dans l’emploi

Mais Toulouse se montre la plus innovante essentiellement sur deux axes majeurs de la politique de prévention. D’une part, elle forme ses 1 430 managers, depuis la fin 2015 et pour trois ans, sur plusieurs thèmes, dont la santé et la qualité de vie au travail. Au programme, des formations collectives et des ateliers d’échange de pratiques sur la prévention des risques professionnels, les restrictions médicales, le rôle social du manager, sa capacité à motiver ses agents… La collectivité conçoit également une batterie d’outils : un tableau d’indicateurs à suivre (nombre de jours d’absence, fréquence et gravité des accidents du travail, etc.), comment prendre en compte l’absentéisme médical dans l’entretien annuel, comment réintégrer un agent revenu d’un congé longue maladie, etc. D’autre part, elle cherche à anticiper l’usure professionnelle. Dans une fonction publique où, jusque-là, seuls comptaient les grades des agents, cela implique d’abord d’identifier précisément leurs métiers, puis la pénibilité de chacun. Des chantiers qui aboutiront fin 2016 pour les métiers générant le plus d’absentéisme, et au 1er semestre 2017 pour les autres. L’objectif est d’aider les agents qui ont des métiers usants à évoluer vers d’autres fonctions, notamment par l’acquisition progressive de compétences nouvelles.

En attendant, la politique de maintien dans l’emploi est une priorité : repérer et accompagner les agents absents pour des raisons de santé, aménager les postes de ceux qui ont des restrictions médicales, ou encore les aider à se reclasser(2). « Les enjeux sont très importants, d’autant que le nombre d’agents se réduit et qu’il y a de plus en plus de travail », commente Frédéric Pouzet, élu FO et secrétaire du CHSCT, qui participe activement aux travaux en cours, tout en s’inquiétant que « la volonté de faire des économies prime sur le social ».

L’absentéisme médical s’accroît dans les collectivités locales

D’après une étude du CNFPT*, les absences pour raisons de santé progressent dans les collectivités et les établissements publics territoriaux : 21,8 jours en moyenne par agent en 2011, contre 19,2 jours en 2007. « La sinistralité est la même dans le secteur public et le secteur privé, mais les collectivités locales ont cette spécificité d’avoir plus de 200 métiers différents, dont les espaces verts, le bâtiment, la voirie, l’aide à domicile, etc., et donc d’afficher globalement des taux plus élevés. De plus, l’usure professionnelle s’accentue, la population est vieillissante, exposée plus longtemps à certains risques, tels que l’amiante, et confrontée aujourd’hui à une intensification de l’activité, les départs à la retraite n’étant pas toujours remplacés », explique Nadim Fares, responsable du Fonds national de prévention de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Selon cet organisme, le taux de sinistralité est de 8 % pour les territoriaux.

(1) La mutualisation des cinq directions support de la Ville et de la métropole de Toulouse, dont la DRH, est en place depuis cinq ans.

(2) Une convention avec le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP) permet de financer une partie des actions.

* “La prise en compte de la pénibilité au travail dans les collectivités territoriales”, Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), novembre 2014.

Auteur

  • Solange de Fréminville