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L’enquête

Deux portes de sortie méconnues

L’enquête | publié le : 23.02.2016 | H. T.

La retraite progressive et le cumul emploi-retraite permettent d’éviter la rupture parfois brutale entre l’emploi et la cessation d’activité. Focus sur ces deux dispositifs intéressants pour l’entreprise comme pour le salarié.

La retraite progressive

Ce dispositif permet à l’intéressé de liquider partiellement sa retraite tout en poursuivant son activité professionnelle à temps partiel, avec l’accord de son entreprise. « Soit le salarié est déjà à temps partiel, soit il en fait la demande à son employeur », précise Philippe Bainville, attaché de presse de la Cnav.

Le mécanisme a été assoupli par l’article 18 de la dernière réforme des retraites (loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014)(1).

• Depuis le 1er janvier 2015, l’assuré peut y prétendre deux ans avant l’âge légal de départ, donc à partir de 60 ans. Et la durée d’assurance pour l’ouverture des droits est fixée à 150 trimestres, tous régimes de retraite de base confondus.

• La durée de l’activité à temps partiel doit être comprise entre 40 % et 80 % de la durée légale ou conventionnelle applicable à l’entreprise.

• La fraction de retraite servie a également été modifiée. « On calcule la pension de retraite au moment de la demande, le cas échéant avec une décote, détaille Philippe Bainville. C’est le temps de travail qui déterminera la fraction de retraite à laquelle le salarié a droit. » Celle-ci est égale à la différence entre 100 % et la quotité de travail à temps partiel exercée par l’assuré. « S’il travaille par exemple à 65 %, il recevra en complément 35 % de sa retraite. » Intérêt pour le salarié : « Tous les droits acquis durant la retraite progressive, qui n’est pas limitée dans le temps, sont pris en compte au moment de la liquidation définitive de la retraite. Ce n’est donc pas pénalisant en termes d’obtention de trimestres. En outre, le salarié peut négocier avec son employeur le maintien des cotisations sur la base du temps plein(2). » À défaut, l’impact pourra être évalué lors de la constitution du dossier. Un point étant fait tous les ans avec la Cnav, il est possible de revoir le temps partiel ou de sortir du dispositif pour revenir à du temps plein.

Inconvénients

Problème : seuls les salariés dont la durée de travail effectif est exprimée en heures sont éligibles au dispositif. Les cadres en forfait-jours ne peuvent donc y prétendre en l’état. « Cela implique de redéfinir la fonction de l’intéressé pour le faire passer dans une classification permettant d’exprimer sa durée du travail en heures. Un avenant au contrat de travail sera nécessaire », explique Véronique Grall, consultante retraite et prévoyance au sein du cabinet d’avocats Fidal.

Autre écueil pour l’employeur : « Il faut pouvoir adapter les postes concernés au temps partiel, pointe Éric Teboul, directeur du pôle benefits d’Adding. C’est d’ailleurs l’une des principales critiques sur ce dispositif. Mais l’entreprise qui ne pousse pas son raisonnement plus loin ne pourra jamais vérifier s’il lui est possible de faire évoluer son organisation du travail. »

Françoise Kleinbauer, Pdg de France Retraite, qui y voit un dispositif d’avenir, préconise l’intégration de la retraite progressive dans les accords de GPEC. Et engage les entreprises à la tester auprès de quelques salariés, « qui en seront ensuite les meilleurs ambassadeurs ».

Dans la pratique, en dépit de l’économie sur les salaires, « les entreprises ont une certaine méconnaissance de ce dispositif et lui préfèrent le cumul emploi-retraite total », observe Véronique Grall. Mais le coefficient de solidarité Agirc-Arrco pourrait lui donner davantage d’attrait.

Le cumul emploi-retraite

Ce dispositif permet, sous conditions, de travailler en cumulant revenu professionnel et pensions de retraite (de base et complémentaire).

• Le cumul des revenus est soit intégral (ou libéralisé), sans plafond de rémunération, à la condition d’avoir atteint l’âge légal de départ, de remplir les conditions ouvrant droit à une retraite à taux plein et d’avoir liquidé l’ensemble de ses retraites – c’est le plus utilisé, selon Anna Ferreira, avocate au pôle retraite et prévoyance d’entreprise de Fidal.

Soit partiel, si les conditions du cumul intégral ne sont pas réunies. Dans ce cas, la somme du nouveau revenu professionnel et des pensions ne doit pas dépasser le montant du dernier salaire avant liquidation ou 1,6 fois le smic, si ce montant est plus avantageux. Au-delà, la retraite n’est plus suspendue mais réduite du montant du dépassement. À noter que le dispositif de cumul partiel prévoit un délai de carence de six mois avant la reprise d’un poste chez le même employeur.

• La reprise de l’activité est possible dans le public comme dans le privé, sous forme salariée ou non (indépendant, profession libérale, etc.).

• Le cumul ne permet pas d’acquérir de nouveaux droits à la retraite (le principe, instauré par la dernière réforme des retraites, s’applique dès lors qu’une pension est liquidée dans un régime de retraite(3)).

« Les cumuls emploi-retraite se font majoritairement avec le précédent employeur. C’est donc davantage une “continuité” d’activité », observe François Kleinbauer. Éric Teboul y voit « une bonne transition pour permettre, par exemple, une transmission de compétences sur un poste clé ». L’idée étant tout de même de “contractualiser” une date de départ. L’entreprise s’assure ainsi que l’intéressé ne jouera pas les prolongations. Car, « dès lors que sa retraite est déjà liquidée, l’employeur ne pourra pas se séparer de ce collaborateur sauf à recourir à la rupture conventionnelle ou au licenciement. La mise à la retraite est impossible : elle serait requalifiée en licienciement sans cause réelle et sérieuse », prévient Anna Ferreira.

Contrat à durée indéterminée

Le type de contrat proposé ? « C’est nécessairement un CDI, répond-elle, excepté si l’on rentre dans un des motifs du CDD. Dans la pratique, employeur et salarié parviennent généralement à s’entendre sur les modalités. » Selon Adding, plus favorable au CDD, avec toutes les précautions qui s’imposent, la durée « raisonnable » d’un cumul emploi-retraite serait de deux ans.

Pour Emmanuel Grimaud, président de Maximis Conseil, c’est en tout cas « une lame de fond » : « Aujourd’hui, ce dispositif concerne beaucoup les consultants et les commerciaux. À terme, il devrait intéresser tout le monde. »

Chiffres clés

– Au 31 décembre 2014, la Cnav dénombre 3 057 retraites progressives ; 1 515 assurés ont intégré ce dispositif en 2014 (un chiffre en forte hausse, qui s’explique par l’assouplissement récent des règles), et leur âge moyen de départ est de 62,2 ans. Le montant mensuel moyen d’une retraite progressive versée par le régime général s’élève à 465 euros. Pour 50 % des retraités concernés, la fraction de la pension servie ne représente que 30 % de la pension entière.

– Parmi l’ensemble des retraités en paiement au 31 décembre 2013, 371 554 d’entre eux cumulent en 2014 une activité salariée relevant du régime général tout en percevant une pension.

(1) Lire la circulaire de la Cnav 2014-65 du 23 décembre 2014.

(2) Selon l’article L. 241-3-1 du Code de la Sécurité sociale, l’assiette des cotisations destinées à financer l’assurance vieillesse peut être maintenue à la hauteur du salaire correspondant à l’activité exercée à temps plein. La part salariale correspondant à ce supplément d’assiette n’est pas assimilable, en cas de prise en charge par l’employeur, à une rémunération.

(3) Voir la circulaire Cnav 2015-8 du 6 février 2015.

Auteur

  • H. T.