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Le travail dominical au ralenti faute d’accords

Zoom | publié le : 02.02.2016 | Rozenn Le Saint

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Le travail dominical au ralenti faute d’accords

Crédit photo Rozenn Le Saint

La loi Macron misait beaucoup sur les négociations de branche pour déterminer les compensations associées au travail du dimanche. Or celles de l’Union des grands commerces de centre-ville ont échoué. Les discussions se passent à présent à l’échelle des entreprises, et peu aboutissent.

Sans accords de branche ou d’entreprise, pas d’ouverture des magasins le dimanche. Tel est le principe sur lequel repose la loi Macron, qui permet de déroger au repos dominical jusqu’à 52 dimanches par an dans les zones commerciales et touristiques, et autorise le travail en soirée, jusqu’à minuit tous les jours, dans les zones touristiques internationales (ZTI). Mais, faute de négociations fructueuses, la loi reste lettre morte, dans les faits.

Ainsi, les négociations au sein de l’Union des grands commerces de centre-ville (UCV) sont au point mort depuis la mi-décembre. Les syndicats CFDT, CGT et FO reprochent aux employeurs du secteur de laisser sur le carreau les démonstrateurs (salariés qui travaillent dans les enseignes pour le compte de marques qui y tiennent boutique) et autres personnels extérieurs (sécurité, nettoyage, etc.). « Ces salariés sont embauchés par leur propre enseigne. Un employeur ne peut pas décider pour les autres. Ce qui n’est pas possible en semaine ne l’est pas non plus le dimanche ! », justifie Claude Boulle, président de l’UCV.

Les enseignes ne peuvent donc guère compter sur la négociation de branche, mis à part, peut-être, dans les branches de la haute-couture, des sports et loisirs, ou encore de la parfumerie, où des discussions ont été entamées. Une seule exception pour l’heure : la branche de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie, cadeaux. Un accord a certes été scellé mi-janvier comportant une majoration de 150 %, ainsi que la création de 110 emplois supplémentaires. « Nous avons prévu une commission de suivi pour évaluer quantitativement et qualitativement les créations d’emploi annoncées », précise Jean Mauriès, secrétaire général adjoint de la CFDT des mines et de la métallurgie. Mais l’accord concerne seulement 620 salariés qui travaillent dans la vente, sur les 9 000 que compte la branche, principalement en fabrication. « Il était important de signer un accord de branche, car près de la moitié des entreprises du secteur ont moins de 10 salariés et n’auraient pas eu de représentants syndicaux pour négocier », estime le syndicaliste.

Différence de traitement

Le problème se pose, pour le gros des troupes, dans les commerces de centre-ville. Claude Boulle, président de l’UCV, regrette « une différence de traitement entre les salariés travaillant dans des enseignes qui ont réussi à se mettre d’accord avec les syndicats et les commerces de moins de 11 salariés, seulement encadrés par un référendum interne ».

Dans ce secteur, il faut donc s’en remettre à l’échelle des entreprises, le plan B prévu par la loi Macron en cas d’échec des négociations nationales. Sauf qu’entreprise par entreprise, cela prend davantage de temps et rend moins homogènes les compensations prévues. Et pour bon nombre d’entre elles, la négociation est mal partie. Au BHV, le projet d’accord et son système de majoration dégressive des dimanches travaillés, de 100 % jusqu’au 15e dimanche, puis 50 % pour les autres avec un plafond de 15 dimanches travaillés pour les CDI, a été rejeté en novembre.

La direction de la Fnac avait fait grand bruit en annonçant comme gage de bonne volonté le paiement triple de 12 dimanches (donc majorés à 200 %) et double de 40 dimanches (majorés à 100 %). Pas assez pour les syndicats CGT, SUD et FO, qui s’y sont opposés le 19 janvier au nom du risque de banalisation de l’exception du travail du dimanche, qui deviendrait au fil du temps une contrainte de plus pour les salariés. La CFTC, la CFDT et la CFE-CGC ne pesaient pas assez pour valider l’accord, qui comportait également des remboursements de frais de taxi et de garde d’enfant. Il assurait enfin se fonder sur le volontariat le plus strict des salariés et promettait 2,6 % d’embauches supplémentaires.

En revanche, quelques enseignes ont tiré leur épingle du jeu en prenant les devants dans les négociations. Elles ont réussi à accélérer les discussions pour aboutir à des accords, pas forcément très généreux. Chez Nature & Découvertes, étonnamment, la CFTC, FO et la CGT ont signé en octobre un accord sur le travail du dimanche prévoyant simplement une majoration de 100 %. Ainsi, pas de surenchère à prévoir après les négociations les plus dures dans d’autres enseignes. La direction de Darty a annoncé mi-octobre s’être mise d’accord avec les syndicats pour ouvrir le dimanche tous les magasins parisiens situés en ZTI, en s’appuyant sur un accord signé en 2010. « Non légal », selon le collectif de syndicats contre le travail du dimanche Clic-P.

Manque d’unanimité

Le groupe espagnol Inditex (Zara, Pull & Bear, Stradivarius, Bershka, Oysho, Massimo Dutti, etc.) a lui aussi bouclé ses négociations fin décembre, en remportant la signature de la CFDT et de la CFE-CGC, avec une majoration de 110 % les dimanches et de 100 % seulement en soirée. Toutefois, « si nous sommes les seuls ouverts boulevard Haussman ou rue de Rennes à Paris, ce n’est pas comme cela que nous allons réaliser du chiffre d’affaires. Cela ne sert à rien, peste un dirigeant d’Inditex. C’est tout le paradoxe de cette loi Macron censée favoriser le commerce et créer de l’emploi. Si elle n’est pas mise en place de façon unanime, cela ne fonctionne pas. Elle aurait dû imposer elle-même les compensations, les politiques auraient dû assumer leur rôle ». Quoi qu’il en soit, il se félicite d’avoir bouclé l’accord avant les propositions faramineuses de la Fnac notamment, qui risquent de rendre plus gourmands les syndicats du secteur. L’entreprise espagnole s’en est sortie en privilégiant ses cadres au forfait, davantage représentés par la CFDT et la CFE-CGC, qui, eux, ont droit à un repos compensateur supplémentaire en cas de travail le dimanche, contrairement aux employés. Chez H & M et Celio, les discussions sont toujours en cours. De même chez Marionnaud, s’agissant du travail dominical, même si le parfumeur avait déjà signé un accord l’été dernier sur le travail en soirée. Idem chez son concurrent Sephora, qui a déjà organisé le travail nocturne pour les magasins en ZTI.

Difficile maintien de cap pour les syndicats

Face à l’éparpillement des négociations, les centrales syndicales tentent de donner des lignes directrices à leurs représentants dans les branches et les enseignes, non sans mal. Chez FO, la ligne est censée être toute tracée. Selon Christophe Lecomte, responsable de la fédération commerce, « adhérer à FO, c’est être opposé au travail du dimanche, quelles que soient les compensations. Il sera impossible de signer un accord d’entreprise sur le travail du dimanche au nom du syndicat ». « Normalement FO est contre, mais c’est à géométrie variable », commente Jean Mauriès, qui a négocié pour la CFDT l’accord également signé par le syndicat de Jean-Claude Mailly pour la branche bijouterie.

La centrale de Philippe Martinez est également contre, par principe : « Nous sommes opposés aux ouvertures du dimanche, même quand les compensations proposées par les enseignes sont alléchantes. Cela entraînerait par ricochet la précarité des agents de sécurité et du personnel de démonstration, obligés de venir travailler sans compensation », rappelle Murielle Ferezou-Lafont, responsable CGT de la branche UCV. La CFTC est censée être formellement contre l’ouverture dominicale, mais le syndicat chrétien a signé quelques accords d’entreprise, notamment à Nature & Découvertes.

Officiellement, la CFDT, elle, estime que cela dépend des compensations. Sauf que lors d’un congrès extraordinaire, le 18 janvier, le SCID-CFDT, représentant du secteur commercial mené par le rebelle de la CFDT, Alexandre Torgomian, qui portait auparavant le collectif Clic-P, a voté à 95 % sa désaffiliation de la confédération syndicale sur fond de désaccord sur la question.

Auteur

  • Rozenn Le Saint