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Les pistes pour fluidifier la révision des accords collectifs

La semaine | publié le : 02.02.2016 | Emmanuel Franck

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Les pistes pour fluidifier la révision des accords collectifs

Crédit photo Emmanuel Franck

La loi travail, qui doit passer en Conseil des ministres le 9 mars, traitera notamment de la révision des accords collectifs et des avantages individuels acquis. Le rapport Cesaro, moins remarqué que celui de Robert Badinter sur le droit du travail, propose plusieurs pistes précises. Analyse.

Parmi les rapports et propositions, qui foisonnent en prévision de la loi travail, le rapport du professeur en droit du travail Jean-François Cesaro relatif à la révision des accords tranche par sa précision technique. Remis au gouvernement le 22 janvier, il contient des propositions visant à fluidifier le renouvellement des accords collectifs afin que ces derniers collent aux évolutions des entreprises. La difficulté, bien connue des DRH, étant qu’un accord ne peut être révisé que par les syndicats qui l’ont signé. « En droit civil, on considère qu’un contrat ne peut être modifié que par ses signataires, mais un accord collectif n’est pas tout à fait un contrat », explique Stéphane Béal, qui dirige le département droit social du cabinet d’avocats Fidal, par ailleurs président de la commission juridique de l’ANDRH. Les propositions du rapport Cesaro portent sur le renouvellement des accords et leur extinction.

Renouvellement des accords

La première piste proposée par Jean-François Cesaro est d’imposer le respect de la procédure de révision pour tout accord faisant évoluer le statut collectif dans un même périmètre. L’avantage est qu’il n’est plus besoin de préciser ce qu’est un accord de révision, l’inconvénient est qu’il est impossible de négocier un accord distinct en dehors de la procédure de révision, ce qui revient à remettre les clés de la révision dans les mains des signataires.

Cohabitation.

Il propose donc une seconde piste : permettre la cohabitation d’accords de révision et d’accords autonomes. L’accord de révision se substituerait au précédent accord. L’accord autonome s’y ajouterait ; seules seraient conservées les dispositions nouvelles ou plus favorables.

Jean-François Cesaro estime également qu’il faudrait modifier le mécanisme de révision. Actuellement, la loi stipule que la révision d’un accord est prévue par l’accord lui-même. À défaut, le déclenchement de la révision doit être approuvé par la totalité des syndicats signataires, et seuls ces derniers sont habilités à signer l’accord de révision. Conséquences : un seul syndicat peut, même s’il n’est plus représentatif, empêcher la procédure de révision. D’autre part, lorsque les syndicats signataires sont descendus en dessous du seuil de 30 %, le seul moyen de modifier l’accord est d’y faire adhérer des syndicats non signataires, à seule fin qu’ils puissent ensuite modifier l’accord. « Et un syndicat nouveau ne peut signer le nouvel accord sauf s’il signe préalablement l’ancien accord », ajoute Stéphane Béal. Tout le problème vient de ce que les règles de révision des accords n’ont pas suivi les évolutions issues de la loi sur la représentativité.

Jean-François Cesaro propose donc deux options. La première – « la plus simple » – consiste à aligner le droit de révision sur le droit de conclusion. Dans ce cas, un accord peut être révisé par tout syndicat représentatif, peu importe qu’il soit signataire de l’accord initial. Cette option a la préférence de Stéphane Béal. Elle est simple, mais elle crée un risque d’instabilité. D’où la seconde option, plus complexe mais moins déstablisante, consistant à réserver la révision aux seuls signataires mais pendant une période de quatre ans. À l’issue de ce délai, ou lorsque les signataires sont passés sous le seuil des 30 %, toute organisation syndicale représentative pourrait déclencher la révision. L’avenant serait signé par des syndicats représentatifs.

Extinction des accords et avantages acquis

À la suite de la dénonciation ou de la mise en cause d’un accord, consécutives à une fusion ou à une cession par exemple, le texte continue de s’appliquer pendant 15 mois, et si aucun accord de substitution n’est conclu, les salariés conservent leurs avantages acquis : « Ce qui constitue une garantie pour les salariés a un coût pour les entreprises », relève Jean-François Cesaro. Il propose, non pas de les supprimer, mais de favoriser leur négociation de manière anticipée. Trois pistes se dégagent : négocier un accord applicable aux seuls salariés du cédant ; négocier un accord applicable à l’ensemble des salariés concernés par la restructuration (entreprises cédante et cessionnaire), ou négocier les avantages qui auraient vocation à être maintenus.

Définition.

Mais que faire en cas d’échec des négociations ? Jean-François Cesaro propose, là encore, deux pistes. Puisqu’il n’est pas possible de dresser une liste exhaustive des avantages acquis, il faut en donner une définition. À savoir : « Les créances en matière de rémunération et de congés payés, successives, continues ou récurrentes, qui perdurent jusqu’à la rupture du contrat de travail », et qui n’ont pas de caractère aléatoire. « Une définition ne sera jamais idéale car elle est forcément sujette à contestation », relève Stéphane Béal. Une autre solution, qui a la préférence de l’avocat, serait, dès lors, de verser une « indemnité différentielle » entre la précédente rémunération et la nouvelle.

Maintien de l’ancienne convention

En cas de conflit entre deux conventions collectives à l’occasion d’une fusion, d’une cession ou d’une scission, les salariés se voient actuellement appliquer les clauses les plus favorables. Ce principe de faveur est source d’insécurité, selon Jean-François Cesaro. Il propose que les salariés de l’entreprise absorbée conservent leur convention collective jusqu’au moment de sa révision ou de sa dénonciation.

Deux conventions collectives s’appliqueraient donc séparément. Ce système a l’avantage d’éviter les conflits pour déterminer ce qui est le plus favorable, et elle permet un délai plus important que les 15 mois actuels pour parvenir à une négociation d’harmonisation.

Auteur

  • Emmanuel Franck