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Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 02.02.2016 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Vive la crise pour innover !

Croyez-le ou pas, le titre de notre article n’est inspiré ni par le cynisme ni par un optimisme béat. Il s’agit d’un constat purement scientifique, tiré de la lecture d’un très sérieux article du non moins sérieux Journal of Occupational Health Psychology. Ses auteurs, C. Barnes, A. Lefter, D. Bhave et D. Wagner, des universités de Washington, de Concordia et de Singapour, ont étudié les données de plus de 34 000 citoyens américains entre 2003 et 2010(1). Que constatent-ils ? Une nette corrélation entre les cycles économiques et les temps “oisifs”, c’est-à-dire passés à dormir et à s’adonner aux loisirs, seul ou en famille. S’il n’est pas extrêmement spectaculaire, il y a eu un avant et un après la crise financière de 2008. Après celle-ci, le temps consacré au sommeil a crû de 10 minutes par semaine et celui des loisirs de 21 minutes.

Cet article s’inscrit dans la lignée de ceux qui donnent à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. D. Macunovich avait par exemple déjà montré que les crises économiques ne refroidissaient pas tout le monde apparemment, puisqu’elles entraînent paradoxalement une hausse de la natalité(2). Il y a donc lieu de noter que l’augmentation du temps libre se traduit par… une augmentation du nombre d’enfants. Autrement dit, le passage aux 35 heures, présenté comme une mesure économique destinée à réduire le chômage, était en réalité une politique nataliste visant à lutter contre le vieillissement de la population française.

La principale raison du phénomène étudié par Christopher Barnes et ses collègues est évidente : en période de récession, le temps de travail diminue, ne serait-ce que du fait de la chute du recours aux heures supplémentaires. Mais d’autres facteurs jouent. Le sociologue Paul Lazarsfeld avait mis en lumière un curieux phénomène lors de la crise des années 1930. Les consommations de divertissement, le cinéma par exemple, avaient augmenté, car les gens avaient eu un besoin croissant de se changer les idées.

Quand le carnet de commandes se vide, les DRH font face à deux grandes possibilités : soit licencier pour alléger la masse salariale, soit faire le dos rond en tirant au maximum parti de cette situation. Les solutions classiques alors mises en place, comme le chômage partiel et les formations, ont du bon : le premier permet aux salariés de se reposer, de reprendre des forces en quelque sorte, et la seconde de profiter de salariés mieux disposés qu’à l’accoutumée pour développer leurs compétences.

Les entreprises devraient aussi utiliser ces périodes plus calmes, où les salariés sont en quête de créativité pour innover. C’est le meilleur moment pour s’interroger sur les processus, l’organisation du travail, les améliorations des services ou des produits que l’on peut apporter. En effet, rien de mieux qu’une main-d’œuvre plus reposée et qui a besoin de rêver pour remettre en question l’inertie et les certitudes accumulées !

1) C. Barnes and al., “The Benefits of Bad Economies : Business Cycles and Time-Based Work-life Conflict”, Journal of Occupational Health Psychology, 2015.

2) D. Macunovich, “Relative Income and Price of Time : Exploring Their Effects on US Fertility and Female Labor Force Participation”, Population and Development Review, 22, 1996.

Auteur

  • Denis Monneuse