logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

La chronique

Philippe Détrie la maison du management

La chronique | publié le : 26.01.2016 |

Image

Philippe Détrie la maison du management

Crédit photo

Préférons aux cloisons les murs porteursPhilippe Détrie a créé en 2014 La Maison du Management, dont la raison sociale est de développer un management responsable et entraînant pour l’ensemble des acteurs de la vie économique.

J’ai assisté tout récemment à la première journée Philosophie-Entreprise à la Sorbonne. Neuf intervenants de qualité questionnaient les apports d’une discipline de la pensée dans le lieu d’action qu’est l’entreprise.

Un résultat mitigé, tant ces domaines s’opposent facilement par leurs finalités, leurs corpus, leur temporalité : il y a loin entre penser sa vie personnelle et panser sa vie professionnelle ! Mais de nombreuses idées concrétisaient la plus-value éclairante d’un questionnement philosophique. Le professeur de philosophie Michel Puech dénonçait ainsi les cloisons en entreprise, qui créaient des territoires, des enfermements, de l’opacité.

À la réflexion, je m’interrogeais (apport réussi de la philosophie !) sur la notion de cloison. Peut-on faire autrement ? Car une entreprise doit s’organiser pour mettre en œuvre ses stratégies. Donc créer une structure, c’est-à-dire créer des entités missionnées pour jouer des fonctions ou des rôles spécifiques. Cette répartition des responsabilités crée naturellement des entités de travail différentes, qui se spécialisent légitimement dans l’atteinte de leurs objectifs, et qui se parlent peu, de la même façon qu’une dispersion géographique affaiblit la fluidité d’une communication. Ce qui cloisonne une entité de travail peut s’expliquer par trois causes. Essayons.

Les trois “S” : stress, process, paresse. Le stress. Il n’y a rien de singulier à ce que chacun soit tendu vers l’atteinte de ses objectifs. Cette focalisation oblige à s’atteler à la tâche, à approfondir, à travailler à fond. Ces mouvements verticaux incitent à oublier/délaisser ses collègues qui ne travaillent pas sur la même mission.

Autre cause de cloisonnement : les processus. On dit pis que pendre des processus qui enrégimentent, atrophient la pensée, isolent, formatent, transforment les personnes en machines… Orange le dénonce même dans ses engagements clients : « De l’intelligence dans l’application des procédures. »

Troisième motif : notre paresse. Je n’invoque pas le doux farniente, mais l’envie de retrouver ses propres activités après une bonne journée de travail. Chacun veut bien s’intéresser à son voisin, mais le temps qui reste à la fin de la journée sera consacré en priorité à ses proches. Rien de plus normal.

L’excès, cause du cloisonnement. Ces trois motifs sont tout à fait recevables, c’est leur excès qui est condamnable.

Le stress est bon, voire nécessaire, comme la tension électrique ou la tension artérielle : il donne du mouvement, de l’énergie. C’est le surstress qui conduit à l’épuisement professionnel et à se refermer sur soi.

Ce sont les processus aveugles qui pèsent. Le process est efficace : il capitalise les savoir-faire, il crée des automatismes confortables, qui évitent de recommencer à zéro ! C’est le surprocess qui gère de l’épuisement professionnel.

Enfin notre paresse peut nous conduire à l’indifférence vis-à-vis d’autrui ou, a minima, engourdir notre volonté de proximité. Tout ceci encouragé par une bonne conscience qui s’ancre dans des proverbes : « Aimez votre voisin, mais ne supprimez pas votre clôture », ou des moralités de fable : « Chacun son métier et les vaches seront bien gardées. »

Oui aux murs porteurs. Si le cloisonnement est inévitable, il est possible de l’adoucir en combattant les excès de ses causes :

– supprimer le sur-stress, l’hyper-tension. Le manager a dorénavant la responsabilité morale de veiller à la santé morale de ses collaborateurs. À lui de vérifier le bon tempo ;

– faire s’approprier les process pour mieux s’en affranchir. Et recréer dans l’entreprise une architecture aussi élégante et dépouillée que celle des cathédrales romanes, autour de quelques murs porteurs qu’on appellera valeurs, principes d’action, piliers… Supprimons les cloisons pas si mobiles que ça et construisons des ponts ! ;

– valoriser les pratiques de curiosité de l’autre et de coopération, créer de nombreux groupes de travail transverses, organiser des occasions de rencontres…

Dans notre environnement complexe et connecté, le mode de travail s’est désiloté, il est devenu horizontal. C’est peut-être l’avènement d’une nouvelle philosophie : pour travailler heureux, travaillons couchés !