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L’interview : Emmanuelle Léon Professeure de GRH à l’ESCP Europe, Directrice du mastère spécialisé en management des RH et des organisations

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 05.01.2016 | N. L.

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L’interview : Emmanuelle Léon Professeure de GRH à l’ESCP Europe, Directrice du mastère spécialisé en management des RH et des organisations

Crédit photo N. L.

« Insister sur les points forts peut constituer un levier puissant d’engagement »

Plusieurs entreprises anglo-saxonnes ont remplacé l’entretien annuel d’évaluation par des entretiens réguliers, souvent trimestriels. Est-ce une approche pertinente ?

La plupart de ces entreprises sont dans le conseil ou l’audit et apprécient déjà la performance à l’issue de chaque mission. Multiplier les entretiens permet de mieux coller à cette réalité. Mais, au-delà de ces secteurs, l’accélération des rythmes économiques et financiers, le travail croissant en équipes projets et le management de plus en plus matriciel dans les grands groupes peuvent nécessiter des discussions plus nombreuses. Pour autant, la fréquence des entretiens n’est pas le critère essentiel. Il faut d’abord se demander quelle est la finalité, comment elle est articulée avec les autres process RH et déterminer le profil de l’évaluateur, car l’entretien d’évaluation repose sur le postulat du manager unique, seul capable d’évaluer la performance du salarié, ce qui est de moins en moins vrai dans les grandes entreprises.

Sur le fond, les partisans de cette nouvelle approche préconisent de discuter davantage des efforts déployés par le salarié que des résultats eux-mêmes. Cela vous paraît-il faire sens ?

S’interroger sur le “comment” plutôt que sur le “quoi” permet de faire écho à la forte demande des salariés d’avoir beaucoup plus de retours sur leur travail. Dans sa forme actuelle, l’entretien annuel est très décrié. Il est souvent focalisé sur le bilan de l’année écoulée, constitue parfois un simulacre d’échanges et passe la plupart du temps à côté du travail réel. Réfléchir à un nouveau format est donc souhaitable. Encore faut-il que cela conduise à dialoguer sur le « comment », sur la manière d’accomplir les missions, sur les marges de manœuvre, et sur l’accompagnement éventuel pour y parvenir.

Pour améliorer l’efficacité des entretiens et l’engagement des salariés, certains suggèrent aussi d’échanger sur les points forts plutôt que de recenser les points faibles.

Le “renforcement positif” est culturellement très présent en Amérique du Nord, dans les entreprises mais aussi dès le plus jeune âge, à travers le système éducatif américain. En France, nous sommes plus dans la réflexion analytique, la critique et l’identification des freins. Insister sur les points forts peut constituer un levier puissant d’engagement, si l’on se situe dans une logique de management des compétences plus que de management de la performance. Mais cela représente un choc culturel, qui implique un fort accompagnement des salariés et des managers.

Précisément, comment outiller les managers, fortement mis à contribution dans cette nouvelle approche ?

Les managers ont tous envie d’avoir le temps de développer leurs salariés. Mais, si on ajoute de nouveaux entretiens, plus qualitatifs, à leur charge de travail existante, sans examiner les missions qui peuvent être supprimées, réduites ou déléguées, le changement se fera a minima. Il peut aussi être judicieux d’impliquer plusieurs managers, alternativement, en fonction de la complexité organisationnelle de l’entreprise. Enfin, il est important d’évaluer les managers à l’aune des nouveaux efforts à accomplir et de valoriser la qualité des feedbacks donnés aux collaborateurs.

Auteur

  • N. L.