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Comment valoriser les formations en situation de travail ?

Zoom | publié le : 08.12.2015 | Valérie Grasset-Morel

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Comment valoriser les formations en situation de travail ?

Crédit photo Valérie Grasset-Morel

Le ministère du Travail et 14 Opca lancent une expérimentation sur les formations en situation de travail (Fest), afin de les identifier, les formaliser et les valoriser. Les entreprises pourraient y gagner une plus grande liberté pédagogique.

« L ibérer les possibilités de formation en situation de travail (Fest) » est l’une des 18 mesures du plan Valls pour les TPE-PME présentées en juin 2015. Elle annonçait le lancement cette année d’une expérimentation pour développer ces formations « par des méthodes pédagogiques innovantes ».

Le coup d’envoi de cette opération a été donné le 15 octobre dernier par la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et le Comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation (Copanef). Quatorze Opca volontaires*, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et le réseau Anact-Aract (qui assure la mission de suivi, d’outillage, de capitalisation de l’opération) y participent. La DGEFP souhaite que les Opca lui fassent remonter des initiatives et des projets de formation en situation de travail.

« Le stage classique s’est imposé comme la formule dominante, alors que les salariés des petites entreprises, en particulier les moins qualifiés, accèdent très peu à ces formations, commentent Béatrice Delay et Laurent Duclos, pilotes de l’expérimentation à la DGEFP. Or les formations en situation de travail telles que le tutorat non formalisé et la formation sur le tas s’imposent comme un mode d’apprentissage adapté aux TPE-PME. » De plus, la réforme supprime l’obligation fiscale et libère les entreprises et les Opca du principe d’imputabilité des dépenses : c’est l’opportunité de faire preuve d’innovation pédagogique, notamment au profit des TPE-PME.

Le rôle formateur de l’entreprise

L’expérimentation poursuit cinq objectifs : reconnaître et valoriser le rôle formateur de l’entreprise, accroître l’efficacité des Fest grâce à une méthodologie adaptée, faciliter la construction de passerelles entre ces formations et les certifications, permettre aux employeurs d’invoquer ces actions (notamment au moment du bilan des six ans) pour justifier qu’ils ont satisfait à leurs obligations de formation, et rendre les Fest éligibles à une prise en charge financière par les Opca.

La démarche doit déboucher sur « des outils simples à destination des entreprises, des organismes de formation, des consultants impliqués, des financeurs et des contrôleurs, pour définir des contours de la Fest qui soient compatibles avec la réglementation en vigueur et pour en mesurer les effets », précisent Béatrice Delay et Laurent Duclos. Elle doit aussi éboucher sur des recommandations concernant une éventuelle évolution du cadre réglementaire de l’action de formation et de son financement. Enfin, les Fest pourraient offrir aux organismes de formation de nouvelles formes de coopération avec les entreprises, bien connectées à leurs attentes et à celles de leurs salariés.

La DGEFP retient comme critère d’identification d’une Fest qu’elle doit « articuler deux séquences alternées, précise Laurent Duclos. Une mise en situation de travail organisée à des fins didactiques et une phase d’explicitation et d’évaluation de l’expérience et des compétences mises en œuvre dans l’activité ». Les projets des Opca devront aussi prévoir une formalisation et une évaluation des compétences acquises, ainsi qu’une description des aménagements organisationnels.

« L’expérimentation démarre, précise Laurent Duclos. L’idée est de rester sur une volumétrie modeste de deux projets par Opca. Au total, une trentaine de projets validés par le comité technique. Nous préférons apprendre beaucoup d’un petit nombre de projets cadrés, plutôt que d’obtenir un catalogue exhaustif de Fest et ne pas en tirer suffisamment d’enseignements. »

Expérimentations

Des initiatives et pratiques de branches et d’Opca donnent déjà des pistes. Ainsi, à l’Opca Transports et Services, le secteur de la propreté expérimente “Libéro 3.0”, un dispositif de mise en situation réelle de travail dans le processus d’apprentissage de l’agent de service ; et le secteur transport-logistique teste le tutorat.

De son côté, Actalians (Opca des professions libérales) témoigne d’un « passage obligé » de la formation en situation de travail pour les professionnels de ses branches (droit et santé notamment), le plus souvent employés dans des entités de moins de cinq salariés. Les situations formatives des métiers d’assistant dentaire et de clerc expert auprès d’huissiers de justice feront également l’objet d’une étude, « dans le cadre, autant que possible, d’un parcours certifiant », explique Catherine Bissey, déléguée R & D.

Les dépenses engagées par les Opca seront financées sur leurs fonds mutualisés au titre du plan de formation. Le recours à une prestation d’ingénierie sera financé sur leurs fonds propres. La mission d’outillage de l’Anact et celle d’accompagnement-formation des référents Fest au sein des Opca par le FPSPP seront financées par ce dernier dans le cadre d’une convention à venir. « Le budget dépendra du nombre de projets retenus et du nombre de régions de déploiement », précise Marc-Antoine Estrade, responsable de la mission prospective, évaluation, statistiques du FPSPP. Le 9 décembre, une réunion de tous les acteurs devrait permettre au fonds d’estimer son volume d’intervention, qui sera fixé début 2016.

Christian Janin, président du copanef
« Revoir l’approche de la formation »

« La création de l’entretien professionnel tous les deux ans et d’un bilan tous les six ans bouscule l’approche de la formation dans les entreprises. Il n’est plus question pour elles de savoir si elles forment ou pas leurs salariés, mais si elles favorisent ou non le développement de leurs compétences. Désormais, une entreprise ne peut plus faire l’économie d’une réflexion sur les conditions et l’organisation du travail, ni sur la manière dont elle favorise ou pas l’évolution professionnelle de ses collaborateurs. Et cette expérimentation pourrait dessiner de nouvelles pistes. »

Opcalia veut “conscientiser” et capturer le geste professionnel

Opcalia s’est engagé dans une expérience de Fest dès le printemps 2015, fort de l’avance de certaines de ses branches habituées au compagnonnage (maroquinerie, tannerie, verre mécanique…). Elle sera probablement proposée au comité technique. « L’idée est d’observer ces formations de plus près, pour être en situation de caractériser et de mesurer le temps passé à ces actions », précise Anne le Bourgeois, de la direction ingénierie des compétences d’Opcalia.

La première étape consiste à poser un diagnostic en amont sur les besoins en formation de l’entreprise. Ensuite, tous les participants à l’opération (chef d’entreprise, tuteur, formateur interne, manager, salariés et cabinet externe médiateur) signent une lettre d’engagement. Au cours de la troisième étape, chacun déploie une méthodologie précise (référentiel de compétences, parcours d’activités formatives sur mesure, ingénierie pédagogique et cadre de suivi adaptés, carnet de progression, indicateurs, etc.). Et, tout au long de ses activités, le salarié valide un portefeuille de connaissances et de compétences. « On lui demande en quelque sorte de « conscientiser » et de capturer son geste professionnel, décrit Anne le Bourgeois. De capitaliser sous formes de photos, de vidéos…, et sur une tablette fournie, tout ce qu’il apprend, selon le principe de la pédagogie inversée. Il est aidé en cela par un médiateur externe. »

Parallèlement et au fur et à mesure, le formateur interne, le tuteur et le manager vérifient que le salarié acquiert bien les compétences visées par le référentiel. Ceci grâce aux indicateurs de réussite définis au départ, à des entretiens, des observations au poste et éventuellement à des cas pratiques en situation.

* Actalians, Afdas, Agefos PME, Constructys, FAF-TT, Fafih, Fafsea, Forco, Opca Defi, Opcalim, Opca Transports et Services, Opcalia, Unifaf, Uniformation.

Auteur

  • Valérie Grasset-Morel