logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

L’enquête

Philippe Douillet chargé de mission, département études, capitalisation et prospective de l’Anact, copilote du projet “accompagnement de la fonction publique dans une stratégie de qualité de vie au travail”

L’enquête | L’interview | publié le : 08.12.2015 | V. L.

Image

Philippe Douillet chargé de mission, département études, capitalisation et prospective de l’Anact, copilote du projet “accompagnement de la fonction publique dans une stratégie de qualité de vie au travail”

Crédit photo V. L.

« La Fonction publique est de plus en plus demandeuse d’accompagnement »

L’Anact, qui intervient traditionnellement auprès des entreprises privées, se positionne aussi aujourd’hui dans l’accompagnement des transformations de l’ensemble de la Fonction publique. Pourquoi cette évolution ?

La Fonction publique est en effet de plus en plus demandeuse d’accompagnement, compte tenu des transformations majeures qu’elle connaît actuellement. Les demandes émanent des trois fonctions publiques mais elles ont beaucoup progressé ces dernières années dans les fonctions publiques territoriale et d’État. Les plates-formes RH mises en place au niveau des régions, par exemple, qui ont pris davantage d’importance dans le champ de la mutualisation des questions RH et sociales, sollicitent beaucoup les Aract pour des actions collectives sur la prévention des risques psychosociaux, le développement de politiques de qualité de vie au travail, etc. Fort de son expérience dans de nombreuses grandes entreprises, il semblait logique que le réseau Anact mette son expérience et son savoir-faire au service des structures publiques, qui connaissent – globalement – les mêmes problématiques de transformation des organisations et d’évolution du contexte social. Nous avons aussi à apprendre des situations de travail du secteur public, où la question de qualité du service rendu est intimement liée à celle de la qualité des conditions de travail. Enfin, toutes les politiques publiques d’amélioration des conditions de travail s’intéressent de plus en plus aussi au secteur public, qui représente tout de même plus de 5 millions de personnes.

Quels sont les principaux constats que vous avez établis en observant les conséquences des réorganisations sur la santé des agents ?

La nécessité d’agir est évidente au regard du malaise actuel que connaît la Fonction publique dans un contexte de changements profonds, rapides et répétés, source de diverses tensions. La RGPP (révision générale des politiques publiques) puis la MAP (plan de modernisation de l’action publique) et la réforme territoriale aujourd’hui poussent à des fusions de structures, à des reconfigurations des organisations qui modifient profondément les modes de travail, les collectifs de travail, les formes de management… De plus, dans un contexte budgétaire contraint, les transformations bousculent aussi la question du sens du travail, moyen de soutien pourtant majeur à la construction des identités pour les agents publics. On constate aussi souvent un accroissement de la charge de travail, notamment pour l’encadrement, ainsi que l’augmentation des situations de tensions avec le public. La gestion de ces transformations est difficile car, la plupart du temps, les niveaux d’encadrement local disposent de peu marges de manœuvre pour réguler les problèmes, et la culture de participation aux prises de décision est encore faible.

Le dialogue social demeure par ailleurs souvent loin du terrain et dans une approche curative ou compensatoire des problèmes. Il existe cependant une volonté très forte d’innover ; des politiques de soutien au management, de conduites de changement plus vertueuses et des programmes d’amélioration de la qualité de vie au travail sont en cours de développement. En très peu d’années, l’administration et les partenaires sociaux de la Fonction publique ont négocié des accords innovants, et la DGAFP a lancé des programmes très importants pour rénover les politiques et pratiques RH. Des expérimentations sont en cours mais, il est vrai, on est plutôt au début de cette transformation.

Quels axes de travail envisagez-vous avec les administrations ?

Un des axes forts porte sur le renforcement des compétences des acteurs de la Fonction publique – directions, management, représentants du personnel, CHSCT, préventeurs et élus dans la FPT – pour mieux intégrer les questions du travail dans leurs actions, et notamment mieux comprendre les situations concrètes de travail rencontrées par les agents, pour les analyser d’un point de vue organisationnel. Ces acteurs doivent aussi pouvoir organiser des formes pérennes d’expression des agents sur leur travail et leur participation aux décisions d’organisation des services.

Un autre axe porte sur la formation du management, notamment pour l’aider à développer des marges de manœuvre et à conduire des changements en associant le personnel. Nos interventions sont toujours organisées pour soutenir le développement de compétences en interne et favoriser des expérimentations. Avec le souci permanent de capitaliser des enseignements issus des actions conduites, afin de remonter des constats et des propositions à des niveaux stratégiques nationaux, en particulier pour la Fonction publique d’État, et à tous les partenaires sociaux organisés dans des instances nationales de concertation.

En favorisant le développement de politiques de qualité de vie au travail, notre réseau préconise de sortir d’une approche curative pour soutenir des actions plus en amont dans la conception des organisations, qui permettent de lier davantage qualité du service rendu aux usagers et qualité du travail. C’est à cette condition fondamentale que les transformations des structures publiques pourront être réalisées.

Auteur

  • V. L.