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Sur le terrain

Retour sur… Le placement de l’emploi France-Allemagne

Sur le terrain | publié le : 01.12.2015 | Mathieu Noyer

Créés début 2013 le long de la frontière franco-allemande, les services de placement transfrontaliers de Pôle emploi et de son homologue germanique dynamisent le marché du travail en améliorant la mise en adéquation entre l’offre et la demande. Sans toutefois représenter une solution miracle.

Intensifiant une relation de travail de vingt ans entre Pôle emploi et son homologue allemand die Arbeitsagentur, le service de placement transfrontalier (SPT) a des fonctions analogues à celles d’une agence classique de recherche d’emploi, mais de façon binationale. Courant 2013, quatre SPT se sont installés entre Strasbourg et Kehl, Mulhouse et Fribourg-en-Brisgau, l’Alsace du Nord (Haguenau et Wissembourg) et Karlsruhe-Landau, Sarreguemines et Sarrebruck. À Kehl, les conseillers français et allemands disposent de locaux communs. Dans les autres cas, les conseillers sont en liaison informatique constante et assurent des permanences croisées dans l’agence du partenaire.

En 2014, les SPT ont permis le retour à l’emploi de 852 personnes, en très grande majorité des CDI ou des CDD longs de plusieurs années. L’activité s’accélère en 2015 : sur les huit premiers mois, on dénombre 682 placements. Encourageants, ces chiffres restent à mettre en rapport avec les 46 000 travailleurs frontaliers alsaciens et lorrains outre-Rhin, et avec les 100 000 demandeurs d’emploi alsaciens. Le chômage des frontaliers alsaciens vers l’Allemagne a lui aussi augmenté, de l’ordre de 5 % en 2014.

Néanmoins, les SPT paraissent dynamiser le marché de l’emploi transfrontalier. « Ils ont fluidifié la transmission d’informations entre nous, sur les offres que nous recevons des employeurs allemands et sur les candidatures françaises, pour des emplois comme pour des formations professionnelles », souligne Norbert Mattusch, responsable du transfrontalier pour les agences allemandes limitrophes de l’Alsace. Le nombre d’offres en provenance de l’Allemagne est en constante augmentation. Le SPT amène également un public qui n’avait pas l’habitude de postuler : pour celui de Mulhouse, quatre embauchés sur dix en Allemagne sont des « nouveaux frontaliers », qui ne s’étaient jamais portés candidats à un travail de l’autre côté de la frontière.

Compétences linguistiques

Le taux de placement (rapport entre retours à l’emploi et nombre de candidats accompagnés) a atteint 65 % l’an dernier, et il est encore plus élevé début 2015. Mais la performance s’explique par le processus de filtrage des candidatures : les demandeurs d’emploi ne postulent pas directement auprès d’un service transfrontalier, ils passent systématiquement par l’intermédiaire de leur agence Pôle emploi « classique ». Celle-ci les réoriente vers le SPT lorsqu’elle estime leurs chances réalistes du fait de leur parcours professionnel, de leur qualification, du type de poste visé, et aussi de leur maîtrise de l’allemand.

Laquelle joue un rôle décisif : « L’an dernier, les 35-45 ans n’ont représenté que 21 % de nos placements, contre 64 % pour les plus de 45 ans. Or ils sont la génération oubliée de l’enseignement de l’allemand », observe Jean-Luc Kientz, directeur délégué Pôle emploi Haut-Rhin, qui pilote le SPT Mulhouse-Fribourg.

GPEC sectorielles

Le bon démarrage des SPT résulte aussi d’un travail préparatoire, destiné à mieux identifier les postes d’avenir outre-Rhin. À Strasbourg, la Maison de l’emploi a établi des GPEC sectorielles, sur l’économie sociale et solidaire par exemple, ou sur les emplois dans les zones portuaires voisines de Strasbourg et Kehl. À Mulhouse, la Maison de l’emploi a étendu au transfrontalier sa gestion territoriale des emplois et compétences pour identifier une centaine de métiers porteurs en Allemagne.

Côté allemand, le Fachkräftemonitor, plate-forme Web de la CCI Fribourg, mouline les données pour quantifier le manque prévisible de main-d’œuvre qualifiée aujourd’hui, en 2020 puis en 2025. Il identifie ainsi que, dans cinq à dix ans, les déficits les plus préoccupants toucheront les techniques d’automatisation et la mécatronique, la R & D, la construction mécanique et la céramique-verrerie. Alors qu’aujourd’hui, les principaux métiers en tension sont les électriciens, les soudeurs, les vendeurs en magasin ou les logisticiens.

Après la mise en relation, les SPT aident à préparer l’embauche outre-Rhin. À la rédaction de CV et de lettres de motivation, à l’entraînement à l’entretien de recrutement s’ajoutent des conseils spécifiques liés aux habitudes différentes : « Nos conseillers expliquent par exemple aux candidats comment justifier l’absence d’Arbeitzeugnis, un certificat de travail détaillé sur le parcours professionnel, qui est un peu la bible du recruteur allemand », souligne Marlyce Breun, responsable du transfrontalier à Pôle emploi Alsace.

Les conseils concernent également l’employeur : le SPT reçoit des DRH allemands pour leur faire éviter les quiproquos préjudiciables au candidat français : « Une demande de temps partiel pour libérer le mercredi va les surprendre, reprend-elle. De même que celle de titres restaurants, qui sont assimilés en Allemagne à une aide sociale pour les plus pauvres. »

Quoi qu’il en soit, si l’on trouve de l’emploi dans le pays voisin, c’est d’abord en raison de la santé toujours florissante de son économie : le taux de chômage des bassins frontaliers de l’Alsace oscille entre 3 % et 4 %, alors qu’il atteint 10 % de ce côté-ci de la frontière. En théorie, d’ailleurs, les SPT aident aussi les Allemands à se placer en France, mais ce cas reste virtuel.

Auteur

  • Mathieu Noyer